«Que font les machines à enseigner, sinon rendre possible à travers l’espace une société des esprits, mettre en communication l’équipe qui a conçu le message et la multitude d’usagers qui le reçoivent, l’accueillent et peuvent, s’ils en sont capables, le faire fructifier en eux-mêmes.»
(Henri Canac)
De tout temps, l’éducation a dû intégrer et transmettre des technologies nouvelles qui, un jour ou l’autre, ont cessé de l’être pour devenir banales, tout en s’appuyant sur les acquis du passé.
Il lui a en effet toujours incombé de préparer des enfants à comprendre et à vivre dans une société qui n’était pas encore tout à fait celle dans laquelle ils se trouvaient au moment où ils faisaient ces acquisitions. Les parents, les enseignants et, plus encore, les élèves sont persuadés que l’école, à son tour et à sa manière, maîtrisera, pour le plus grand bien de tous, cet outil exceptionnel.
A Teuth, venu lui annoncer l’invention des lettres de l’écriture, «un remède pour soulager la science et la mémoire», le roi de Thèbes, Thamous, répondit : «Et c’est ainsi que toi, père de l’écriture, tu lui attribues, par bienveillance, tout le contraire de ce qu’elle peut apporter. Elle ne peut produire dans les âmes, en effet, que l’oubli de ce qu’elles savent en leur faisant négliger la mémoire. Parce qu’ils auront foi dans l’écriture, c’est par le dehors, par les empreintes étrangères, et non plus du dehors, du fond d’eux-mêmes, que les hommes cherchent à se ressouvenir.» Le scepticisme du roi, que relate Socrate dans Phèdre de Platon, renvoie à la peur de ce qui nous échappe à l’extériorisation.
Philippe Quéau, dans La planète des esprits-Pour une politique du cyberespace, compare ainsi les nouvelles technologies, «La révolution en cours», à tous ces temps forts de l’émergence de nouveaux outils de communication et de connaissance. Telle, bien sûr, l’année 1454 qui vit Jean Gutenberg imprimer le premier livre. Haute technologie en ses débuts qui assura la démocratisation de l’accès aux manuscrits.
On pourrait ajouter le tableau noir, qui permit à la leçon de se faire devant tous les élèves et à ceux-ci de réagir. L’incursion du stylo à bille qui chassa la plume, une substitution contre laquelle bataillèrent durant dix ans les instituteurs, pronostiquant la mort de l’enseignement de la calligraphie.
A raison, mais l’école a survécu et cette facilitation de l’accès à la mécanique de l’écriture a joué un rôle indéniable dans la démocratisation de l’enseignement.
Ou encore la calculette, qui a modifié bien sûr le rapport aux savoirs symboliques tel le calcul mental. Mais a-t-elle «transformé la nécessire compréhension des opérations »?
Qu’en est-il des accès à internet ?
Dans le cadre du programme national de généralisation des technologies de l’information (TIC) portant intitulé e-Algérie, qui devrait prendre fin en 2013, le ministère a entamé l’opération à titre pilote de l’introduction d’internet au niveau de 150 écoles au niveau de la wilaya d’Oran (Quotidien d’Oran du 19.5.2012). Et 425 écoles seront bientôt raccordées (Quotidien d’Oran du 11.9.2014). Chaque année, ainsi, des dizaines d’établissements élémentaires bénéficient de cette technologie.
Dernièrement, la direction opérationnelle des télécommunications de la wilaya d’El-Tarf annonçait qu’elle venait de terminer la liaison des établissements scolaires au réseau fixe à haut débit d’internet : 120 écoles primaires sur les 250 que compte la wilaya, soit près de la moitié, 59 établissements du cycle moyen et 30 lycées fin prêts pour la rentrée prochaine (El Watan du 8.8.2016)
Le virage est lent, certes, mais un gage de réussite, car la révolution est de taille et c’est un bon principe de réalité de ne pas chambouler quand on n’est pas prêt. «Quoi qu’il arrive, cette transformation aura lieu. Les choses qui doivent arriver dans l’humanité lorsqu’elles sont liées à la technique, si on ne les trouve pas quelque part, on les trouvera ailleurs. Et autrement, nous le ferons quand même, mais nous le ferons dans dix ans, à la remorque des autres.» André Malraux parlait ainsi de l’utilisation de l’ordinateur à l’école en avril 1974. Avec la réforme en cours, verrons-nous bientôt tous les établissements du pays connectés à internet et dotés d’une salle réservée à cet effet ?
Des pays comme la Finlande, la Suède, l’Allemagne, les pays du Golfe, l’Angleterre… ont fait les premiers pas dans ce domaine depuis les années 2000.
Ils ont expérimenté différentes méthodes pédagogiques.
Aux Etats-Unis, Ross School, Etat de New York. Dans cette école avant-gardiste, chaque année est une plongée au cœur d'une période historique, et pas seulement en cours d'histoire.
Toutes les disciplines doivent refléter l'état des connaissances de l'époque étudiée. L'enfant s'y plonge comme s'il y vivait et en intègre les logiques.
Dès les premières années, par exemple, les jeunes enfants sont immergés dans la préhistoire. Ils s'intéressent au développement de la vie grégaire, aux rapports que les hommes primitifs entretenaient avec la nature, les éléments ou l'art. L'année suivante, l'enfant est plongé dans l'Egypte des Pharaons avec ses mythes, ses mathématiques, son art… Puis c'est le tour de la Grèce antique, avant que l'élève ne se retrouve successivement propulsé au Moyen Age puis à la Renaissance, pendant ses années collège. L'adolescent suit ainsi un programme de mathématiques correspondant à ce dont disposaient savants et universitaires des Lumières. Même plongée en biologie, en physique ou en littérature. Ces voyages dans le temps se font grâce aux nouvelles technologies, et se concrétisent par un séjour sur les lieux où restent visibles des traces de ces civilisations. Au lycée, place à une autre époque. L'élève entre de plain-pied dans la révolution copernicienne et ne pense plus le monde que dans une vision galiléenne où la Terre perd sa place centrale dans l'univers.
(Henri Canac)
De tout temps, l’éducation a dû intégrer et transmettre des technologies nouvelles qui, un jour ou l’autre, ont cessé de l’être pour devenir banales, tout en s’appuyant sur les acquis du passé.
Il lui a en effet toujours incombé de préparer des enfants à comprendre et à vivre dans une société qui n’était pas encore tout à fait celle dans laquelle ils se trouvaient au moment où ils faisaient ces acquisitions. Les parents, les enseignants et, plus encore, les élèves sont persuadés que l’école, à son tour et à sa manière, maîtrisera, pour le plus grand bien de tous, cet outil exceptionnel.
A Teuth, venu lui annoncer l’invention des lettres de l’écriture, «un remède pour soulager la science et la mémoire», le roi de Thèbes, Thamous, répondit : «Et c’est ainsi que toi, père de l’écriture, tu lui attribues, par bienveillance, tout le contraire de ce qu’elle peut apporter. Elle ne peut produire dans les âmes, en effet, que l’oubli de ce qu’elles savent en leur faisant négliger la mémoire. Parce qu’ils auront foi dans l’écriture, c’est par le dehors, par les empreintes étrangères, et non plus du dehors, du fond d’eux-mêmes, que les hommes cherchent à se ressouvenir.» Le scepticisme du roi, que relate Socrate dans Phèdre de Platon, renvoie à la peur de ce qui nous échappe à l’extériorisation.
Philippe Quéau, dans La planète des esprits-Pour une politique du cyberespace, compare ainsi les nouvelles technologies, «La révolution en cours», à tous ces temps forts de l’émergence de nouveaux outils de communication et de connaissance. Telle, bien sûr, l’année 1454 qui vit Jean Gutenberg imprimer le premier livre. Haute technologie en ses débuts qui assura la démocratisation de l’accès aux manuscrits.
On pourrait ajouter le tableau noir, qui permit à la leçon de se faire devant tous les élèves et à ceux-ci de réagir. L’incursion du stylo à bille qui chassa la plume, une substitution contre laquelle bataillèrent durant dix ans les instituteurs, pronostiquant la mort de l’enseignement de la calligraphie.
A raison, mais l’école a survécu et cette facilitation de l’accès à la mécanique de l’écriture a joué un rôle indéniable dans la démocratisation de l’enseignement.
Ou encore la calculette, qui a modifié bien sûr le rapport aux savoirs symboliques tel le calcul mental. Mais a-t-elle «transformé la nécessire compréhension des opérations »?
Qu’en est-il des accès à internet ?
Dans le cadre du programme national de généralisation des technologies de l’information (TIC) portant intitulé e-Algérie, qui devrait prendre fin en 2013, le ministère a entamé l’opération à titre pilote de l’introduction d’internet au niveau de 150 écoles au niveau de la wilaya d’Oran (Quotidien d’Oran du 19.5.2012). Et 425 écoles seront bientôt raccordées (Quotidien d’Oran du 11.9.2014). Chaque année, ainsi, des dizaines d’établissements élémentaires bénéficient de cette technologie.
Dernièrement, la direction opérationnelle des télécommunications de la wilaya d’El-Tarf annonçait qu’elle venait de terminer la liaison des établissements scolaires au réseau fixe à haut débit d’internet : 120 écoles primaires sur les 250 que compte la wilaya, soit près de la moitié, 59 établissements du cycle moyen et 30 lycées fin prêts pour la rentrée prochaine (El Watan du 8.8.2016)
Le virage est lent, certes, mais un gage de réussite, car la révolution est de taille et c’est un bon principe de réalité de ne pas chambouler quand on n’est pas prêt. «Quoi qu’il arrive, cette transformation aura lieu. Les choses qui doivent arriver dans l’humanité lorsqu’elles sont liées à la technique, si on ne les trouve pas quelque part, on les trouvera ailleurs. Et autrement, nous le ferons quand même, mais nous le ferons dans dix ans, à la remorque des autres.» André Malraux parlait ainsi de l’utilisation de l’ordinateur à l’école en avril 1974. Avec la réforme en cours, verrons-nous bientôt tous les établissements du pays connectés à internet et dotés d’une salle réservée à cet effet ?
Des pays comme la Finlande, la Suède, l’Allemagne, les pays du Golfe, l’Angleterre… ont fait les premiers pas dans ce domaine depuis les années 2000.
Ils ont expérimenté différentes méthodes pédagogiques.
Aux Etats-Unis, Ross School, Etat de New York. Dans cette école avant-gardiste, chaque année est une plongée au cœur d'une période historique, et pas seulement en cours d'histoire.
Toutes les disciplines doivent refléter l'état des connaissances de l'époque étudiée. L'enfant s'y plonge comme s'il y vivait et en intègre les logiques.
Dès les premières années, par exemple, les jeunes enfants sont immergés dans la préhistoire. Ils s'intéressent au développement de la vie grégaire, aux rapports que les hommes primitifs entretenaient avec la nature, les éléments ou l'art. L'année suivante, l'enfant est plongé dans l'Egypte des Pharaons avec ses mythes, ses mathématiques, son art… Puis c'est le tour de la Grèce antique, avant que l'élève ne se retrouve successivement propulsé au Moyen Age puis à la Renaissance, pendant ses années collège. L'adolescent suit ainsi un programme de mathématiques correspondant à ce dont disposaient savants et universitaires des Lumières. Même plongée en biologie, en physique ou en littérature. Ces voyages dans le temps se font grâce aux nouvelles technologies, et se concrétisent par un séjour sur les lieux où restent visibles des traces de ces civilisations. Au lycée, place à une autre époque. L'élève entre de plain-pied dans la révolution copernicienne et ne pense plus le monde que dans une vision galiléenne où la Terre perd sa place centrale dans l'univers.
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