Après une première phase d’effervescence sous Ben Bella (1962 1965), l’arabisation va connaître trois rythmes sous Boumediene, marqués par les noms de Taleb-Ibrahimi (1965-1970), d’Abdelhamid Mehri (1970-1977) et de Mostefa Lacheraf (1977-1979). Sous la présidence de Chadli, une phase sera marquée par le retour des « barbe-FLN » (1979-1984), puis par la vague islamiste (1985-1998). A partir de 1999, la présidence de Bouteflika conduit à de nouvelles orientations.
Ben Bella, ou l’arabisation effervescente (1962-1965)
Pour faire sa marque sur le plan politique, Ben Bella avait, dès sa libération en 1962, choisi la référence arabe, en opposition avec les négociateurs des accords d’Évian. Dès octobre 1962, il annonce l’enseignement de l’arabe dans les écoles : ce qui sera fait à la rentrée de 1963 (dix heures d’arabe sur 30 heures par semaine), puis en 1964, l’arabisation totale de la première année du primaire. Cette même rentrée voit arriver 1 000 instituteurs et institutrices égyptiens : car l’Algérie n’a pratiquement, en dehors des élèves issus des écoles coraniques, pas d’enseignants susceptibles d’enseigner cette langue. Cette arabisation improvisée se fait sans formation pédagogique, celle des enseignants orientaux étant plus que problématique (la plupart étaient des artisans dans leur pays ), et leur langue (égyptienne) leur rendant la communication avec leurs élèves arabes et surtout berbères difficile, voire impossible,. Dans le contexte algérien, leur fonction en fait des maîtres en religion, ce qui ne fait qu’aggraver la situation. À l’Université d’Alger, un Institut islamique est créé et l’ancienne licence d’arabe transformée en licence unilingue sur le modèle oriental.
Parallèlement, une forte pression est exercée par les successeurs des réformistes des années 1930, menés par Tewfik el Madani, ministre des affaires religieuses, appelant le peuple algérien à l’Islam et à la langue arabe . Ils créent dans le pays, avec l’appui du pouvoir, des Instituts islamiques, pour former des propagateurs de leur idéologie, qui encadreront par la suite l’enseignement arabisé. Leur pression est telle que Ben Bella, dans le climat des controverses suscitées par la question, est amené à dire que « l’arabisation n’est pas l’islamisation ». Si l’Assemblée intègre l’arabe dans ses travaux , une résistance importante à fondement libéral et laïque se manifeste entendre par la voix des étudiants , des Kabyles , des écrivains (Kateb Yacine, Mourad Bourboune, Assia Djebar) et de la presse francophone. Une arabisation radicale représente une pure utopie pour l’élite francophone. Cette période prend fin avec le coup d’État du 19 juin 1965, qui place Boumediene au pouvoir.
Taleb-Ibrahimi et l’arabisation idéologique (1965- 1970)
Sous l’impulsion du ministre de l’Éducation nationale Ahmed Taleb-Ibrahimi, descendant d’un réformiste connu , l’arabisation est utilisée pour légitimer un régime impopulaire, en étant présentée comme la face culturelle de l’indépendance. Le ministre fixe les impératifs de l’enseignement : démocratisation, arabisation, orientation scientifique. Mais la mise en place continue : arabisation de la deuxième année du primaire à la rentrée de 1967 , création d’une section arabe à la faculté de droit en 1968 et d’une licence d’histoire en arabe . Le 5 décembre 1969, est créée une Commission nationale de réforme, chargée de préparer un projet de réforme du système éducatif : elle comporte une sous-commission de l’arabisation, présidée par Abdelhamid Mehri.
Le 26 avril 1968, une ordonnance rend obligatoire pour les fonctionnaires et assimilés la connaissance de la langue nationale, à partir du 1er janvier 1971. Les fonctionnaires en place doivent acquérir pour cette date la connaissance de cette langue, et les nouveaux recrutements à cette date se feront sur cette base. Par ailleurs, les actualités dans les cinémas sont arabisées (en arabe moderne) en octobre 1967 .
Des réserves sur cette politique sont exprimées en divers lieux: chez les magistrats , dans la presse . Selon une enquête menée à cette époque par l’Université de Berkeley , 80 % des jeunes gens interrogés sont hostiles à l’arabisation de l’enseignement universitaire. En 1969, un groupe d’enseignants algériens demande, dans une lettre publiée dans un hebdomadaire, l’utilisation de l’arabe dialectal dans l’enseignement . En 1970, un article de Mohamed Seddik Benyahia, ministre de l’Information, va jusqu’à évoquer, à propos de cette question, « la trahison des clercs ».
Mehri et l’arabisation systématique (1970-1977)
Le remaniement ministériel du 21 juillet 1970 substitue au domaine de Taleb-Ibrahimi trois ministères : l’Enseignement primaire et secondaire (Abdelkrim Benmahmoud), l’Enseignement supérieur et la recherche scientifique (Mohamed Seddik Benyahia), et l’Enseignement originel et les Affaires religieuses (Mouloud Qasim). L’agent actif de l’arabisation sera Abdelhamid Mehri, secrétaire général de l’Enseignement primaire et secondaire. Il se heurtera toutefois à la barrière établie au niveau de l’Enseignement supérieur par le ministre Benyahia. Avec l’appui des arabisants réformistes ou baathistes du FLN, il manifestera une grande obstination à contourner les résistances pour mettre les Algériens devant le fait accompli d’un enseignement primaire et secondaire entièrement arabisé, et ayant de ce fait des retombées sur l’enseignement supérieur .
L’année 1971, année d’application de la réforme administrative décrétée en 1968, avait été déclarée en janvier « année de l’arabisation ». Mais plusieurs faits allaient en détourner l’attention. En janvier l’agitation des étudiants conduit à la dissolution de leur syndicat, l’UNEA, et à l’arrestation d’un grand nombre d’entre eux . Le 24 février, un nouveau front est ouvert avec la nationalisation des compagnies pétrolières et la tension internationale qui la suit. Enfin, le 8 novembre, est publiée l’Ordonnance « portant révolution agraire » pour la réalisation de laquelle le pouvoir allait devoir s’appuyer sur les éléments progressistes de la société, hostiles aux arabisants .
En attendant, l’arabisation continue. En avril 1971, un colloque des cadres de l’Éducation aboutit aux décisions suivantes : arabisation totale des 3e et 4e années primaires, arabisation d’un tiers de l’enseignement moyen et d’un tiers du secondaire. Mais un décret du même ministère dispensera les hauts fonctionnaires de la connaissance de la langue arabe . Au ministère de la Justice, un décret du 27 juin 1971 impose l’arabisation. À la rentrée universitaire de 1973, est supprimée la chaire de berbère tenue à l’Université d’Alger par Mouloud Mammeri.
Abdelhamid Mehri expose son programme dans un article du Monde diplomatique de janvier 1972, sous le titre « La langue arabe reprend sa place ». Le 6 novembre 1973, une Commission nationale d’arabisation est instituée au sein du parti du FLN et présidée par Abdelkader Hadjar. Cette commission présentera en décembre 1974 un rapport sur l’état de l’arabisation. A. Mehri y traitera du bilinguisme, du rapport arabe classique-arabe dialectal et du caractère non naturel du fait linguistique en Algérie.
Toutefois, la tension créée dans le pays par la mise en oeuvre de la révolution agraire s’ajoute aux controverses suscitées par l’arabisation. Celles-ci aboutissent à des heurts entre étudiants, parfois violents comme en mai 1975, à Alger et à Constantine. Ces tensions sont aggravées par la tenue, du 14 au 17 mai, d’une Conférence nationale sur l’arabisation , inaugurée par un discours important du président Boumediene . Elle est suivie d’une Conférence nationale sur la jeunesse (19-22 mai). La pression arabisante, s’exerçant dans un sens hostile à la révolution agraire, entraînera le 16 avril 1976 une Ordonnance décrétant la suppression de l’enseignement religieux et privé ; dirigée en apparence contre les établissements étrangers, cette mesure vise en réalité les foyers d’endoctrinement islamique que représentait l’Enseignement originel.
Cette année 1976 est animée par les discussions publiques proposées sur le projet de Charte nationale . Mais l’arabisation de l’environnement est poursuivie : arabisation de l’état-civil , des noms de rues, des plaques d’immatriculation. Le vendredi est déclaré jour de repos hebdomadaire, à la place du dimanche . Le 10 décembre Houari Boumediene candidat unique à la présidence, est élu à 99 % des voix : le pouvoir est apparemment à son sommet.
Lacheraf et la pause de l’arabisation (1977-1978)
En avril 1977, à l’occasion d’un remaniement ministériel, Mostefa Lacheraf est nommé ministre de l’Éducation, et Abdellatif Rahal ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Ces nominations marquent une véritable pause de l’arabisation. Les raisons qui poussèrent Boumediene à ce revirement ne furent pas explicitées. Il fut sans doute sensible aux tensions provoquées à propos de la révolution agraire et de l’arabisation, et désireux de faire prévaloir l’aspect progressiste de son action. Il semble par ailleurs que des rapports inquiétants sur la situation de l’enseignement lui soient parvenus. Il est sans doute informé de la gravité de la maladie qui l’emportera fin 1978, et désireux de consolider son oeuvre.
À peine installé au ministère, Lacheraf limoge Mehri et toute son équipe de hauts fonctionnaires. Ils iront se réfugier au parti du FLN où ils constitueront un groupe de pression redoutable. Il se défait des professeurs irakiens que Mehri avait en réserve pour arabiser l’enseignement supérieur. Il reprend la formation d’enseignants bilingues et rétablit une section « lettres bilingues » alors que toutes les sections littéraires avaient été arabisées. De son côté, Abdellatif Rahal insistera à plusieurs reprises sur les inconvénients que présente une arabisation de l’enseignement supérieur, dans un pays où l’emploi est fortement lié à la langue française, et anglaise éventuellement.
Cette pause sera de courte durée. Lacheraf se livre à des polémiques maladroites , il se heurte aux intrigues du clan arabisant fort puissant dans l’Éducation nationale et représenté au Conseil des ministres par Taleb-Ibrahimi. Celui-ci se verra rappeler par Lacheraf que, étant à sa place, il avait, dans l’un des conseils des ministres des années 1960, dit à propos de l’arabisation : « Cela ne marchera pas, mais il faut la faire! ». Malade, Boumediene n’aura plus l’énergie de le soutenir, et sa mort, le 27 décembre 1978, met un terme à cette pause de l’arabisation.
Ben Bella, ou l’arabisation effervescente (1962-1965)
Pour faire sa marque sur le plan politique, Ben Bella avait, dès sa libération en 1962, choisi la référence arabe, en opposition avec les négociateurs des accords d’Évian. Dès octobre 1962, il annonce l’enseignement de l’arabe dans les écoles : ce qui sera fait à la rentrée de 1963 (dix heures d’arabe sur 30 heures par semaine), puis en 1964, l’arabisation totale de la première année du primaire. Cette même rentrée voit arriver 1 000 instituteurs et institutrices égyptiens : car l’Algérie n’a pratiquement, en dehors des élèves issus des écoles coraniques, pas d’enseignants susceptibles d’enseigner cette langue. Cette arabisation improvisée se fait sans formation pédagogique, celle des enseignants orientaux étant plus que problématique (la plupart étaient des artisans dans leur pays ), et leur langue (égyptienne) leur rendant la communication avec leurs élèves arabes et surtout berbères difficile, voire impossible,. Dans le contexte algérien, leur fonction en fait des maîtres en religion, ce qui ne fait qu’aggraver la situation. À l’Université d’Alger, un Institut islamique est créé et l’ancienne licence d’arabe transformée en licence unilingue sur le modèle oriental.
Parallèlement, une forte pression est exercée par les successeurs des réformistes des années 1930, menés par Tewfik el Madani, ministre des affaires religieuses, appelant le peuple algérien à l’Islam et à la langue arabe . Ils créent dans le pays, avec l’appui du pouvoir, des Instituts islamiques, pour former des propagateurs de leur idéologie, qui encadreront par la suite l’enseignement arabisé. Leur pression est telle que Ben Bella, dans le climat des controverses suscitées par la question, est amené à dire que « l’arabisation n’est pas l’islamisation ». Si l’Assemblée intègre l’arabe dans ses travaux , une résistance importante à fondement libéral et laïque se manifeste entendre par la voix des étudiants , des Kabyles , des écrivains (Kateb Yacine, Mourad Bourboune, Assia Djebar) et de la presse francophone. Une arabisation radicale représente une pure utopie pour l’élite francophone. Cette période prend fin avec le coup d’État du 19 juin 1965, qui place Boumediene au pouvoir.
Taleb-Ibrahimi et l’arabisation idéologique (1965- 1970)
Sous l’impulsion du ministre de l’Éducation nationale Ahmed Taleb-Ibrahimi, descendant d’un réformiste connu , l’arabisation est utilisée pour légitimer un régime impopulaire, en étant présentée comme la face culturelle de l’indépendance. Le ministre fixe les impératifs de l’enseignement : démocratisation, arabisation, orientation scientifique. Mais la mise en place continue : arabisation de la deuxième année du primaire à la rentrée de 1967 , création d’une section arabe à la faculté de droit en 1968 et d’une licence d’histoire en arabe . Le 5 décembre 1969, est créée une Commission nationale de réforme, chargée de préparer un projet de réforme du système éducatif : elle comporte une sous-commission de l’arabisation, présidée par Abdelhamid Mehri.
Le 26 avril 1968, une ordonnance rend obligatoire pour les fonctionnaires et assimilés la connaissance de la langue nationale, à partir du 1er janvier 1971. Les fonctionnaires en place doivent acquérir pour cette date la connaissance de cette langue, et les nouveaux recrutements à cette date se feront sur cette base. Par ailleurs, les actualités dans les cinémas sont arabisées (en arabe moderne) en octobre 1967 .
Des réserves sur cette politique sont exprimées en divers lieux: chez les magistrats , dans la presse . Selon une enquête menée à cette époque par l’Université de Berkeley , 80 % des jeunes gens interrogés sont hostiles à l’arabisation de l’enseignement universitaire. En 1969, un groupe d’enseignants algériens demande, dans une lettre publiée dans un hebdomadaire, l’utilisation de l’arabe dialectal dans l’enseignement . En 1970, un article de Mohamed Seddik Benyahia, ministre de l’Information, va jusqu’à évoquer, à propos de cette question, « la trahison des clercs ».
Mehri et l’arabisation systématique (1970-1977)
Le remaniement ministériel du 21 juillet 1970 substitue au domaine de Taleb-Ibrahimi trois ministères : l’Enseignement primaire et secondaire (Abdelkrim Benmahmoud), l’Enseignement supérieur et la recherche scientifique (Mohamed Seddik Benyahia), et l’Enseignement originel et les Affaires religieuses (Mouloud Qasim). L’agent actif de l’arabisation sera Abdelhamid Mehri, secrétaire général de l’Enseignement primaire et secondaire. Il se heurtera toutefois à la barrière établie au niveau de l’Enseignement supérieur par le ministre Benyahia. Avec l’appui des arabisants réformistes ou baathistes du FLN, il manifestera une grande obstination à contourner les résistances pour mettre les Algériens devant le fait accompli d’un enseignement primaire et secondaire entièrement arabisé, et ayant de ce fait des retombées sur l’enseignement supérieur .
L’année 1971, année d’application de la réforme administrative décrétée en 1968, avait été déclarée en janvier « année de l’arabisation ». Mais plusieurs faits allaient en détourner l’attention. En janvier l’agitation des étudiants conduit à la dissolution de leur syndicat, l’UNEA, et à l’arrestation d’un grand nombre d’entre eux . Le 24 février, un nouveau front est ouvert avec la nationalisation des compagnies pétrolières et la tension internationale qui la suit. Enfin, le 8 novembre, est publiée l’Ordonnance « portant révolution agraire » pour la réalisation de laquelle le pouvoir allait devoir s’appuyer sur les éléments progressistes de la société, hostiles aux arabisants .
En attendant, l’arabisation continue. En avril 1971, un colloque des cadres de l’Éducation aboutit aux décisions suivantes : arabisation totale des 3e et 4e années primaires, arabisation d’un tiers de l’enseignement moyen et d’un tiers du secondaire. Mais un décret du même ministère dispensera les hauts fonctionnaires de la connaissance de la langue arabe . Au ministère de la Justice, un décret du 27 juin 1971 impose l’arabisation. À la rentrée universitaire de 1973, est supprimée la chaire de berbère tenue à l’Université d’Alger par Mouloud Mammeri.
Abdelhamid Mehri expose son programme dans un article du Monde diplomatique de janvier 1972, sous le titre « La langue arabe reprend sa place ». Le 6 novembre 1973, une Commission nationale d’arabisation est instituée au sein du parti du FLN et présidée par Abdelkader Hadjar. Cette commission présentera en décembre 1974 un rapport sur l’état de l’arabisation. A. Mehri y traitera du bilinguisme, du rapport arabe classique-arabe dialectal et du caractère non naturel du fait linguistique en Algérie.
Toutefois, la tension créée dans le pays par la mise en oeuvre de la révolution agraire s’ajoute aux controverses suscitées par l’arabisation. Celles-ci aboutissent à des heurts entre étudiants, parfois violents comme en mai 1975, à Alger et à Constantine. Ces tensions sont aggravées par la tenue, du 14 au 17 mai, d’une Conférence nationale sur l’arabisation , inaugurée par un discours important du président Boumediene . Elle est suivie d’une Conférence nationale sur la jeunesse (19-22 mai). La pression arabisante, s’exerçant dans un sens hostile à la révolution agraire, entraînera le 16 avril 1976 une Ordonnance décrétant la suppression de l’enseignement religieux et privé ; dirigée en apparence contre les établissements étrangers, cette mesure vise en réalité les foyers d’endoctrinement islamique que représentait l’Enseignement originel.
Cette année 1976 est animée par les discussions publiques proposées sur le projet de Charte nationale . Mais l’arabisation de l’environnement est poursuivie : arabisation de l’état-civil , des noms de rues, des plaques d’immatriculation. Le vendredi est déclaré jour de repos hebdomadaire, à la place du dimanche . Le 10 décembre Houari Boumediene candidat unique à la présidence, est élu à 99 % des voix : le pouvoir est apparemment à son sommet.
Lacheraf et la pause de l’arabisation (1977-1978)
En avril 1977, à l’occasion d’un remaniement ministériel, Mostefa Lacheraf est nommé ministre de l’Éducation, et Abdellatif Rahal ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Ces nominations marquent une véritable pause de l’arabisation. Les raisons qui poussèrent Boumediene à ce revirement ne furent pas explicitées. Il fut sans doute sensible aux tensions provoquées à propos de la révolution agraire et de l’arabisation, et désireux de faire prévaloir l’aspect progressiste de son action. Il semble par ailleurs que des rapports inquiétants sur la situation de l’enseignement lui soient parvenus. Il est sans doute informé de la gravité de la maladie qui l’emportera fin 1978, et désireux de consolider son oeuvre.
À peine installé au ministère, Lacheraf limoge Mehri et toute son équipe de hauts fonctionnaires. Ils iront se réfugier au parti du FLN où ils constitueront un groupe de pression redoutable. Il se défait des professeurs irakiens que Mehri avait en réserve pour arabiser l’enseignement supérieur. Il reprend la formation d’enseignants bilingues et rétablit une section « lettres bilingues » alors que toutes les sections littéraires avaient été arabisées. De son côté, Abdellatif Rahal insistera à plusieurs reprises sur les inconvénients que présente une arabisation de l’enseignement supérieur, dans un pays où l’emploi est fortement lié à la langue française, et anglaise éventuellement.
Cette pause sera de courte durée. Lacheraf se livre à des polémiques maladroites , il se heurte aux intrigues du clan arabisant fort puissant dans l’Éducation nationale et représenté au Conseil des ministres par Taleb-Ibrahimi. Celui-ci se verra rappeler par Lacheraf que, étant à sa place, il avait, dans l’un des conseils des ministres des années 1960, dit à propos de l’arabisation : « Cela ne marchera pas, mais il faut la faire! ». Malade, Boumediene n’aura plus l’énergie de le soutenir, et sa mort, le 27 décembre 1978, met un terme à cette pause de l’arabisation.
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