Un massacre aurait été perpétré le 16 août 2015 sur un marché d’une place de Douma, localité située dans la Ghouta de Damas, faisant près de 100 morts et plus de 200 blessés.
Les grands médias des « démocraties occidentales » unanimes ont aussitôt accusé de façon radicale les autorités syriennes : « la « barbarie » et l’« inhumanité » du régime dénoncées après les raids meurtriers sur Douma (le Monde.fr) ; « En Syrie, des dizaines de personnes tuées dans des raids du régime » (le Figaro) ; « les bombes du régime font un carnage près de Damas » (Liberation), etc. Les autorités de ces mêmes pays n’ont pas été en reste, à l’instar d’un Laurent Fabius qui a dénoncé, comme d’habitude, « l’inhumanité d’un régime qui n’hésite pas à massacrer sa population ».
Le bilan du massacre serait alourdi du fait d’une habitude particulièrement perverse de l’aviation syrienne, qui après avoir frappé un endroit, attendrait que les civils se regroupent pour porter secours aux victimes afin de réaliser d’énormes cartons. L’éditorial non signé du Monde du 19 août va même jusqu’à prétendre que par la suite les pilotes syriens ont pris « pour cible des familles qui enterraient leurs proches dans les cimetières ».
Ces articles et déclarations basées sur une dépêche AFP, les accusations de l’émissaire spécial de l’ONU Staffan de Mistura [1], et des vidéos de la place du marché en ruine postées par des « rebelles » (voir infra), ont été par ailleurs l’occasion de rappeler aux lecteurs qui l’auraient oublié un certain nombre de « faits » et « vérités » : ce massacre est à placer dans la droite ligne de précédents massacres dont le régime serait coutumier, en premier lieu l’attaque chimique perpétrée le 21 août 2013, il y a presque deux ans jour pour jour, dont le régime avait alors été tenu responsable ;
au début des événements il n’y avait que des manifestations pacifiques qui ont été sauvagement réprimées, entraînant le durcisement et l’islamisation de la rébellion ; cette énième exaction est l’occasion d’enfin réfléchir à une transition politique dont doit être écarté le président el-Assad .
Bref, tout citoyen occidental s’informant par les médias traditionnels et ayant confiance en ses dirigeants ne peut qu’être convaincu que le démon sur la terre, Bachar el-Assad a encore frappé, et qu’il convient de prendre enfin les mesures qui s’imposent.
Nous pouvons toutefois d’emblée relever, dans cette affaire et sa présentation médiatique, un certain nombre de traits qui font irrésistiblement penser à des cas antérieurs comparables mis en exergue ces quatre dernières années pour diaboliser les autorités syriennes aux yeux de l’opinion publique. Nous pensons ici en particulier au massacre de Houla du 25 mai 2012 et à l’attaque à l’arme chimique du 21 août 2013 [2], sur lesquelles nous avons publié récemment deux synthèses.
Le massacre a été immédiatement imputé au « régime » avant toute enquête : en l’occurrence il est impossible d’affirmer aussi rapidement que des raids de l’aviation syrienne ont délibérément visé un marché bondé, que les chasseurs sont revenus à la charge pour aggraver le bilan, et qu’ils ont pris ensuite pour cible des familles en train d’enterrer leurs proches dans des cimetières.
L’information est contrôlée par les « rebelles » qui tiennent la zone et sont crus sur parole sont la moindre réserve.
Les vidéos [3] [4] [5] diffusées par les rebelles présentent des anomalies :
sur la place du marché, hormis en un endroit filmé en plan serré dans la vidéo 3, on ne distingue aucun corps et presque aucune trace de sang alors que dans les vidéos diffusées par BFMV [6] et France 24 [7] on nous dit que les frappes viennent de se produire quelques minutes plus tôt.
Aucune famille de victime n’est présente sur place pour chercher ses proches dans les décombres, aucun cri de lamentation, alors qu’on nous affirme qu’on compte nombre d’enfants, de femmes et de vieillards parmi les victimes. On nous montre par contre, en un autre endroit [8] [9] des alignements de cadavres enveloppés dans des linceuls blancs, dans lesquels, curieusement, on ne distingue que des hommes dans la force de l’âge.
Ce massacre survient dans un créneau où un règlement politique possible du conflit se profile : en mai 2012, le massacre de Houla avait torpillé le plan de sortie de crise de l’envoyé spécial de l’ONU et de la ligue Arabe Koffi Annan, en août 2013, le massacre chimique de la Ghouta fut perpétré une semaine avant avant une rencontre décisive à La Haye entre John Kerry et Sergueï Lavrov pour préparer la conférence plusieurs fois reportée de Genève II ; dans le cas présent, alors que l’accord sur le nucléaire iranien a entraîné une détente dans les relations internationales au Moyen-Orient, Russes et Iraniens venaient d’initier début août un plan politique de sortie de crise. On aurait voulu torpiller ce nouveau plan qu’on ne s’y serait pas pris autrement.
Soulignons par ailleurs la synchronisation suspecte de l’attaque avec une réunion cruciale du Conseil de Sécurité de l’ONU le lendemain, qui a débouché sur une déclaration commune ambiguë que l’on peut juger défavorable aux autorités syriennes, si l’on en juge par la façon dont les chancelleries des pays « amis de la Syrie » comme la France l’on présentée ensuite en la reliant au massacre de la veille : « Le bombardement du marché de Douma à la veille de l’adoption de cette déclaration a une nouvelle fois montré l’urgence d’une solution politique. » 10
Dans les trois cas, le massacre est perpétré peu de temps après qu’un personnel ou une équipe de personnels de l’ONU viennent d’arriver sur place. Ils peuvent ainsi se rendre immédiatement sur place et, guidés par les rebelles, rendre compte concrètement de l’événement (25 mai 2012 :
arrivée à Homs 3 jours avant ; 21 août 2013, arrivée à Damas trois jours avant à 10 km des points d’impact des roquettes chimiques ; 16 août 2015, arrivée du responsable humanitaire de l’ONU Stephen O’Brien à Damas trois jours avant pour des discussions avec le ministre syrien des Affaires étrangères Walid Al-Mouallem). Signalons que dans leur démenti du 19 août, les autorités syriennes ont indiqué que l’observateur de l’ONU Staffan de Mistura (l’envoyé spécial de l’ONU qui s’est rendu sur place et a d’emblée appuyé les accusations des « rebelles ») s’est écarté « de l’impartialité dans l’exercice de sa mission en tant qu’émissaire du secrétaire général de l’ONU pour la Syrie [et] a donné des déclarations qui s’écartent de l’objectivité et des réalités et reposent sur ce que propagent certains milieux bien connus de leur hostilité à la Syrie. »
Les grands médias des « démocraties occidentales » unanimes ont aussitôt accusé de façon radicale les autorités syriennes : « la « barbarie » et l’« inhumanité » du régime dénoncées après les raids meurtriers sur Douma (le Monde.fr) ; « En Syrie, des dizaines de personnes tuées dans des raids du régime » (le Figaro) ; « les bombes du régime font un carnage près de Damas » (Liberation), etc. Les autorités de ces mêmes pays n’ont pas été en reste, à l’instar d’un Laurent Fabius qui a dénoncé, comme d’habitude, « l’inhumanité d’un régime qui n’hésite pas à massacrer sa population ».
Le bilan du massacre serait alourdi du fait d’une habitude particulièrement perverse de l’aviation syrienne, qui après avoir frappé un endroit, attendrait que les civils se regroupent pour porter secours aux victimes afin de réaliser d’énormes cartons. L’éditorial non signé du Monde du 19 août va même jusqu’à prétendre que par la suite les pilotes syriens ont pris « pour cible des familles qui enterraient leurs proches dans les cimetières ».
Ces articles et déclarations basées sur une dépêche AFP, les accusations de l’émissaire spécial de l’ONU Staffan de Mistura [1], et des vidéos de la place du marché en ruine postées par des « rebelles » (voir infra), ont été par ailleurs l’occasion de rappeler aux lecteurs qui l’auraient oublié un certain nombre de « faits » et « vérités » : ce massacre est à placer dans la droite ligne de précédents massacres dont le régime serait coutumier, en premier lieu l’attaque chimique perpétrée le 21 août 2013, il y a presque deux ans jour pour jour, dont le régime avait alors été tenu responsable ;
au début des événements il n’y avait que des manifestations pacifiques qui ont été sauvagement réprimées, entraînant le durcisement et l’islamisation de la rébellion ; cette énième exaction est l’occasion d’enfin réfléchir à une transition politique dont doit être écarté le président el-Assad .
Bref, tout citoyen occidental s’informant par les médias traditionnels et ayant confiance en ses dirigeants ne peut qu’être convaincu que le démon sur la terre, Bachar el-Assad a encore frappé, et qu’il convient de prendre enfin les mesures qui s’imposent.
Nous pouvons toutefois d’emblée relever, dans cette affaire et sa présentation médiatique, un certain nombre de traits qui font irrésistiblement penser à des cas antérieurs comparables mis en exergue ces quatre dernières années pour diaboliser les autorités syriennes aux yeux de l’opinion publique. Nous pensons ici en particulier au massacre de Houla du 25 mai 2012 et à l’attaque à l’arme chimique du 21 août 2013 [2], sur lesquelles nous avons publié récemment deux synthèses.
Le massacre a été immédiatement imputé au « régime » avant toute enquête : en l’occurrence il est impossible d’affirmer aussi rapidement que des raids de l’aviation syrienne ont délibérément visé un marché bondé, que les chasseurs sont revenus à la charge pour aggraver le bilan, et qu’ils ont pris ensuite pour cible des familles en train d’enterrer leurs proches dans des cimetières.
L’information est contrôlée par les « rebelles » qui tiennent la zone et sont crus sur parole sont la moindre réserve.
Les vidéos [3] [4] [5] diffusées par les rebelles présentent des anomalies :
sur la place du marché, hormis en un endroit filmé en plan serré dans la vidéo 3, on ne distingue aucun corps et presque aucune trace de sang alors que dans les vidéos diffusées par BFMV [6] et France 24 [7] on nous dit que les frappes viennent de se produire quelques minutes plus tôt.
Aucune famille de victime n’est présente sur place pour chercher ses proches dans les décombres, aucun cri de lamentation, alors qu’on nous affirme qu’on compte nombre d’enfants, de femmes et de vieillards parmi les victimes. On nous montre par contre, en un autre endroit [8] [9] des alignements de cadavres enveloppés dans des linceuls blancs, dans lesquels, curieusement, on ne distingue que des hommes dans la force de l’âge.
Ce massacre survient dans un créneau où un règlement politique possible du conflit se profile : en mai 2012, le massacre de Houla avait torpillé le plan de sortie de crise de l’envoyé spécial de l’ONU et de la ligue Arabe Koffi Annan, en août 2013, le massacre chimique de la Ghouta fut perpétré une semaine avant avant une rencontre décisive à La Haye entre John Kerry et Sergueï Lavrov pour préparer la conférence plusieurs fois reportée de Genève II ; dans le cas présent, alors que l’accord sur le nucléaire iranien a entraîné une détente dans les relations internationales au Moyen-Orient, Russes et Iraniens venaient d’initier début août un plan politique de sortie de crise. On aurait voulu torpiller ce nouveau plan qu’on ne s’y serait pas pris autrement.
Soulignons par ailleurs la synchronisation suspecte de l’attaque avec une réunion cruciale du Conseil de Sécurité de l’ONU le lendemain, qui a débouché sur une déclaration commune ambiguë que l’on peut juger défavorable aux autorités syriennes, si l’on en juge par la façon dont les chancelleries des pays « amis de la Syrie » comme la France l’on présentée ensuite en la reliant au massacre de la veille : « Le bombardement du marché de Douma à la veille de l’adoption de cette déclaration a une nouvelle fois montré l’urgence d’une solution politique. » 10
Dans les trois cas, le massacre est perpétré peu de temps après qu’un personnel ou une équipe de personnels de l’ONU viennent d’arriver sur place. Ils peuvent ainsi se rendre immédiatement sur place et, guidés par les rebelles, rendre compte concrètement de l’événement (25 mai 2012 :
arrivée à Homs 3 jours avant ; 21 août 2013, arrivée à Damas trois jours avant à 10 km des points d’impact des roquettes chimiques ; 16 août 2015, arrivée du responsable humanitaire de l’ONU Stephen O’Brien à Damas trois jours avant pour des discussions avec le ministre syrien des Affaires étrangères Walid Al-Mouallem). Signalons que dans leur démenti du 19 août, les autorités syriennes ont indiqué que l’observateur de l’ONU Staffan de Mistura (l’envoyé spécial de l’ONU qui s’est rendu sur place et a d’emblée appuyé les accusations des « rebelles ») s’est écarté « de l’impartialité dans l’exercice de sa mission en tant qu’émissaire du secrétaire général de l’ONU pour la Syrie [et] a donné des déclarations qui s’écartent de l’objectivité et des réalités et reposent sur ce que propagent certains milieux bien connus de leur hostilité à la Syrie. »
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