La question des prix rémunérateurs pour l’agriculture a été l’un des sujets majeurs de l’école physiocratique de François Quesnay. Ces économistes français du XVIIIe siècle avaient compris que pour obtenir le « bon prix » des productions agricoles, il fallait accorder la liberté absolue du commerce de ces produits, une taxation la plus légère possible, et des réglementations minimales.
Les économistes français du passé, comme toutes les choses passées, apparaissent aux yeux des observateurs éloignés comme nécessairement démodés. Ils sont, dit-on, les défenseurs de principes corrigés, rectifiés par d’autres, les auteurs de vieux livres dont il ne reste plus que de la poussière. En particulier, leur intérêt pour le temps présent est nécessairement nul ou très réduit. Que peut connaître, s’étonne-t-on en effet aisément, un économiste du XVIIIe ou du XIXe siècle sur l’économie contemporaine ? En vérité, les problèmes économiques ont moins changé qu’on le croit ; surtout, l’enseignement des auteurs classiques est resté parfaitement digne de réflexions pour un citoyen du XXIe siècle. Ce sera l’une des leçons de cet article.
Ces derniers jours, la machine politique et médiatique s’est emballée sur une énième problématique économique : la rentabilité de l’agriculture et la question du prix rémunérateur, du « bon prix » des produits agricoles. Tel est en effet le cœur des préoccupations et des réclamations des agriculteurs qui manifestaient leur colère. Et les hommes politiques, à droite comme à gauche, n’ont pas cherché à leur donner tort et ont plutôt présenté leur cause comme légitime et leur accusation comme fondée. « Les agriculteurs ne peuvent pas vivre que des aides, il leur faut aussi un prix rémunérateur » a expliqué par exemple François Hollande1, quand son rival Nicolas Sarkozy pointait également du doigt « des prix agricoles qui ne rémunèrent plus justement nos agriculteurs »2. Seulement, ni les uns ni les autres ne sont en mesure de détailler les causes de ce phénomène.
Se pourrait-il que des économistes du passé soient en mesure de nous fournir des réponses ?
Il s’avère en fait que, comme l’a écrit leur plus grand spécialiste, Georges Weulersse, les physiocrates français, économistes disciples de François Quesnay3, avaient fait de cette question précise l’un des cœurs de leurs réflexions. « le bon prix des productions agricoles a constitué l’article presque exclusif de leur programme commercial » écrit cet éminent historien des physiocrates4.
Certainement, en adoptant ce cheval de bataille, les physiocrates ne s’engageaient pas sur une voie tout à fait nouvelle. Déjà leurs prédécesseurs Vauban et Boisguilbert avaient signalé le même problème : si la production agricole s’écoule en-dessous d’un certain prix, l’agriculteur peut littéralement y perdre, car cette production n’est pas un cadeau gratuit de la nature : il faut des avances et du travail, et ces éléments exigent d’être rémunérés5. Ils furent suivis par Melon et par Forbonnais. Cependant, note Weulersse, à une époque où les prix agricoles accusaient des baisses sévères « les Physiocrates ont été les premiers à insister sur l’urgence d’un relèvement des cours. »6
Pour les physiocrates, l’obtention du prix rémunérateur pour les agriculteurs est un objectif central et deviendra le signe de la prospérité du royaume. « Il faut regarder comme un principe sacré, que ce qui constitue l’état de prospérité d’un Empire, c’est le concours de la grande population, de l’abondance des productions et du bon prix de ces mêmes productions. » écrit Louis-Paul Abeille7. Plus tôt, dans le Tableau économique, le maître François Quesnay avait insisté sur le fait que « telle est la valeur vénale, tel est le revenu »8. « Non seulement le bon prix favorise le progrès de l’agriculture, ajouta Quesnay : mais c’est dans le bon prix même que consistent les richesses qu’elle procure. La valeur d’un setier de blé, considéré comme richesse, ne consiste que dans son prix : ainsi, plus le blé, le vin, les laines, les bestiaux sont chers et abondants, plus il y a de richesses dans l’État. La non-valeur avec l’abondance n’est point richesse ; la cherté avec pénurie est misère ; l’abondance avec cherté est opulence. »9. En d’autres termes, l’important ne consiste pas à vendre à tout prix, mais à vendre au prix rémunérateur. « ce n’est jamais le débit qui manque, c’est le prixx, écrit encore le maître des physiocrates. On peut toujours débiter à vil prix. Et il n’y a que le haut prix qui puisse procurer et maintenir l’opulence et la population du royaume par les succès de l’agriculture. Voilà l’alpha et l’oméga de la science économique. »10
Pour Quesnay et ses disciples, le « bon prix » ou « prix rémunérateur » dont il s’agit est le « prix capable de procurer un gain suffisant pour exciter à entretenir ou à augmenter la production. »11 Afin de l’obtenir, ainsi que nous le verrons, ils recommandent une solution simple : moins d’impôt sur les productions agricoles, moins de réglementation sur les agriculteurs et les commerçants, et surtout une liberté absolue du commerce, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du territoire.
Cette exigence du prix rémunérateur leur est venue de l’observation des conditions de l’agriculture à leur époque, conditions très similaires aux nôtres sur le point dont il est question. Comme l’ont montré les historiens, les prix des denrées alimentaires, et surtout du blé, ont baissé de près d’un tiers durant la première moitié du XVIIIe siècle. « C’est une vérité démontrée, disait déjà La Chalotais au XVIIIème siècle, que le blé est à un prix trop bas proportionnellement aux avances, aux frais et aux dépenses des cultivateurs, proportionnellement aux autres ouvrages et marchandises, et par conséquent aux charges publiques et particulières, dont le fardeau s’est nécessairement appesanti. »12 De ce constat découlait nécessairement la demande d’une compression des charges fiscales et tout un ensemble de conseils de politique économique. Car tel est l’objectif affiché, telles doivent être les mesures pour l’atteindre. « Faire remonter le blé dans la vente en première main, le faire monter jusqu’à 18 livres au moins, c’est-à-dire de 3 ou 4 livres par setier relativement au prix actuels : telle est l’ambition, commune aux physiocrates et à un certain nombre de leurs contemporains, qui va dicter à la nouvelle école les différents articles de son programme commercial. »13 Et s’ils insistaient davantage sur le blé et les grains, qui fournissaient la base de la nourriture et de la culture des terres, les Physiocrates portaient les mêmes jugements sur le reste des productions agricoles.
Faire retrouver aux agriculteurs des prix rémunérateurs étant l’objectif central des Physiocrates, voyons donc maintenant les mesures qu’ils préconisaient.
Diminuer les impôts pesant sur l’agriculture
D’une manière générale, les physiocrates ont considéré que pour soutenir l’agriculteur confronté à un prix de vente trop faible, il était nécessaire et convenable de réduire la pression fiscale posée sur ses épaules. François Quesnay écrit bien que « la valeur vénale des récoltes étant au-dessous des dépenses, ruine le cultivateur ; la culture sera abandonnée… ; si on n’abolit pas les impôts à proportion de cette dégradation causée par les méprises du gouvernement, on accélèrera plus rapidement la perte totale de l’État. »14 Il convient donc, selon lui, de diminuer d’autant les impôts que l’agriculture en a besoin pour retrouver un prix rémunérateur pour ses productions.
Quant à la question de savoir quel impôt supprimer ou réduire de préférence, Quesnay et ses disciples fournissent une réponse multiple : nombreux sont en effet les impôts qui, selon eux, nuisent particulièrement à la culture. « Que l’impôt ne soit pas établi sur les denrées, où il multiplierait les frais de perception et préjudicierait au commerce » commençait par écrire Quesnay, recommandant un impôt sur les personnes. L’impôt sur les denrées, semblable à notre TVA actuelle, a selon les physiocrates le défaut d’être compliqué à administrer et à percevoir, d’être donc coûteux, et pour cela destructeur de richesse. « Mais le grief essentiel que c’est qu’il en contrarie la vente et qu’il tend ainsi à ruiner les producteurs. La taxe en effet fera renchérir la denrée, et le débit en diminuera d’autant l’école Physiocratique retient contre l’impôt sur les denrées. »15 Effectivement, tout impôt qui porte sur un produit en augmente le prix et réduit ses opportunités de vente : si l’on portait aujourd’hui la TVA d’un produit de 20 à 30%, la consommation en serait affaiblie et le producteur, ne gagnant rien à l’augmentation de la taxe par produit, perdrait par la baisse du volume. Selon les physiocrates, il convient donc de réduire le taux des impôts sur la consommation, à défaut de les supprimer complètement.
Les impôts sur la circulation sont également particulièrement blâmables aux yeux des physiocrates. Il faudrait en effet selon Quesnay « abolir ou modérer les droit excessifs de rivière et de péage : ils détruisent les revenus des provinces éloignées, où les denrées ne peuvent être commercialisables que par de longs transports. »16 Nicolas Baudeau réclame aussi la suppression « des droit d’entrée et de sortie, des péages et autres exactions de cette sorte, levés sous quelque prétexte et au profit de qui que ce soit17. Et bien que la préoccupation centrale des Physiocrates soit les grains, « l’école physiocratique revendique l’entière franchise de circulation non seulement pour les grains, mais pour toutes les productions du territoire »18 Au XVIIIe siècle, des douanes étaient disposées à l’intérieur même de celui-ci et pénalisaient le commerce entre les différentes régions. Aujourd’hui, dans tous ses mouvements, le transporteur de denrées agricoles est également mis à l’amende : impôt sur les sociétés, taxe sur les véhicules, fiscalité spéciale sur les carburants, et peut-être bientôt contribution écologique…
Mais quel que soit le type d’impôt, le réflexe naturel des physiocrates est de les présenter comme néfastes pour l’agriculture. Ainsi faut-il aussi supprimer les droits de marché, ou les droits sur les denrées particulières comme le vin, le tabac, le sel ou la morue. En taxant lourdement le vin, écrit Quesnay, « on ne regarde que du côté des consommateurs, qui sont libres, dit-on, de faire plus ou moins de dépenses en vin ; mais ce plus ou moins de dépenses est un objet important par rapport aux revenus des vignes et aux habitants occupés à les cultiver19. L’impôt très lourd sur le tabac (là-dessus non plus la législation a peu évolué…) « empêche qu’on recueille peut-être en France pour 12 ou 13 millions de cette plante » écrit Quesnay, arguant sur ce fondement pour un abaissement ou une suppression20.
Les économistes français du passé, comme toutes les choses passées, apparaissent aux yeux des observateurs éloignés comme nécessairement démodés. Ils sont, dit-on, les défenseurs de principes corrigés, rectifiés par d’autres, les auteurs de vieux livres dont il ne reste plus que de la poussière. En particulier, leur intérêt pour le temps présent est nécessairement nul ou très réduit. Que peut connaître, s’étonne-t-on en effet aisément, un économiste du XVIIIe ou du XIXe siècle sur l’économie contemporaine ? En vérité, les problèmes économiques ont moins changé qu’on le croit ; surtout, l’enseignement des auteurs classiques est resté parfaitement digne de réflexions pour un citoyen du XXIe siècle. Ce sera l’une des leçons de cet article.
Ces derniers jours, la machine politique et médiatique s’est emballée sur une énième problématique économique : la rentabilité de l’agriculture et la question du prix rémunérateur, du « bon prix » des produits agricoles. Tel est en effet le cœur des préoccupations et des réclamations des agriculteurs qui manifestaient leur colère. Et les hommes politiques, à droite comme à gauche, n’ont pas cherché à leur donner tort et ont plutôt présenté leur cause comme légitime et leur accusation comme fondée. « Les agriculteurs ne peuvent pas vivre que des aides, il leur faut aussi un prix rémunérateur » a expliqué par exemple François Hollande1, quand son rival Nicolas Sarkozy pointait également du doigt « des prix agricoles qui ne rémunèrent plus justement nos agriculteurs »2. Seulement, ni les uns ni les autres ne sont en mesure de détailler les causes de ce phénomène.
Se pourrait-il que des économistes du passé soient en mesure de nous fournir des réponses ?
Il s’avère en fait que, comme l’a écrit leur plus grand spécialiste, Georges Weulersse, les physiocrates français, économistes disciples de François Quesnay3, avaient fait de cette question précise l’un des cœurs de leurs réflexions. « le bon prix des productions agricoles a constitué l’article presque exclusif de leur programme commercial » écrit cet éminent historien des physiocrates4.
Certainement, en adoptant ce cheval de bataille, les physiocrates ne s’engageaient pas sur une voie tout à fait nouvelle. Déjà leurs prédécesseurs Vauban et Boisguilbert avaient signalé le même problème : si la production agricole s’écoule en-dessous d’un certain prix, l’agriculteur peut littéralement y perdre, car cette production n’est pas un cadeau gratuit de la nature : il faut des avances et du travail, et ces éléments exigent d’être rémunérés5. Ils furent suivis par Melon et par Forbonnais. Cependant, note Weulersse, à une époque où les prix agricoles accusaient des baisses sévères « les Physiocrates ont été les premiers à insister sur l’urgence d’un relèvement des cours. »6
Pour les physiocrates, l’obtention du prix rémunérateur pour les agriculteurs est un objectif central et deviendra le signe de la prospérité du royaume. « Il faut regarder comme un principe sacré, que ce qui constitue l’état de prospérité d’un Empire, c’est le concours de la grande population, de l’abondance des productions et du bon prix de ces mêmes productions. » écrit Louis-Paul Abeille7. Plus tôt, dans le Tableau économique, le maître François Quesnay avait insisté sur le fait que « telle est la valeur vénale, tel est le revenu »8. « Non seulement le bon prix favorise le progrès de l’agriculture, ajouta Quesnay : mais c’est dans le bon prix même que consistent les richesses qu’elle procure. La valeur d’un setier de blé, considéré comme richesse, ne consiste que dans son prix : ainsi, plus le blé, le vin, les laines, les bestiaux sont chers et abondants, plus il y a de richesses dans l’État. La non-valeur avec l’abondance n’est point richesse ; la cherté avec pénurie est misère ; l’abondance avec cherté est opulence. »9. En d’autres termes, l’important ne consiste pas à vendre à tout prix, mais à vendre au prix rémunérateur. « ce n’est jamais le débit qui manque, c’est le prixx, écrit encore le maître des physiocrates. On peut toujours débiter à vil prix. Et il n’y a que le haut prix qui puisse procurer et maintenir l’opulence et la population du royaume par les succès de l’agriculture. Voilà l’alpha et l’oméga de la science économique. »10
Pour Quesnay et ses disciples, le « bon prix » ou « prix rémunérateur » dont il s’agit est le « prix capable de procurer un gain suffisant pour exciter à entretenir ou à augmenter la production. »11 Afin de l’obtenir, ainsi que nous le verrons, ils recommandent une solution simple : moins d’impôt sur les productions agricoles, moins de réglementation sur les agriculteurs et les commerçants, et surtout une liberté absolue du commerce, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du territoire.
Cette exigence du prix rémunérateur leur est venue de l’observation des conditions de l’agriculture à leur époque, conditions très similaires aux nôtres sur le point dont il est question. Comme l’ont montré les historiens, les prix des denrées alimentaires, et surtout du blé, ont baissé de près d’un tiers durant la première moitié du XVIIIe siècle. « C’est une vérité démontrée, disait déjà La Chalotais au XVIIIème siècle, que le blé est à un prix trop bas proportionnellement aux avances, aux frais et aux dépenses des cultivateurs, proportionnellement aux autres ouvrages et marchandises, et par conséquent aux charges publiques et particulières, dont le fardeau s’est nécessairement appesanti. »12 De ce constat découlait nécessairement la demande d’une compression des charges fiscales et tout un ensemble de conseils de politique économique. Car tel est l’objectif affiché, telles doivent être les mesures pour l’atteindre. « Faire remonter le blé dans la vente en première main, le faire monter jusqu’à 18 livres au moins, c’est-à-dire de 3 ou 4 livres par setier relativement au prix actuels : telle est l’ambition, commune aux physiocrates et à un certain nombre de leurs contemporains, qui va dicter à la nouvelle école les différents articles de son programme commercial. »13 Et s’ils insistaient davantage sur le blé et les grains, qui fournissaient la base de la nourriture et de la culture des terres, les Physiocrates portaient les mêmes jugements sur le reste des productions agricoles.
Faire retrouver aux agriculteurs des prix rémunérateurs étant l’objectif central des Physiocrates, voyons donc maintenant les mesures qu’ils préconisaient.
Diminuer les impôts pesant sur l’agriculture
D’une manière générale, les physiocrates ont considéré que pour soutenir l’agriculteur confronté à un prix de vente trop faible, il était nécessaire et convenable de réduire la pression fiscale posée sur ses épaules. François Quesnay écrit bien que « la valeur vénale des récoltes étant au-dessous des dépenses, ruine le cultivateur ; la culture sera abandonnée… ; si on n’abolit pas les impôts à proportion de cette dégradation causée par les méprises du gouvernement, on accélèrera plus rapidement la perte totale de l’État. »14 Il convient donc, selon lui, de diminuer d’autant les impôts que l’agriculture en a besoin pour retrouver un prix rémunérateur pour ses productions.
Quant à la question de savoir quel impôt supprimer ou réduire de préférence, Quesnay et ses disciples fournissent une réponse multiple : nombreux sont en effet les impôts qui, selon eux, nuisent particulièrement à la culture. « Que l’impôt ne soit pas établi sur les denrées, où il multiplierait les frais de perception et préjudicierait au commerce » commençait par écrire Quesnay, recommandant un impôt sur les personnes. L’impôt sur les denrées, semblable à notre TVA actuelle, a selon les physiocrates le défaut d’être compliqué à administrer et à percevoir, d’être donc coûteux, et pour cela destructeur de richesse. « Mais le grief essentiel que c’est qu’il en contrarie la vente et qu’il tend ainsi à ruiner les producteurs. La taxe en effet fera renchérir la denrée, et le débit en diminuera d’autant l’école Physiocratique retient contre l’impôt sur les denrées. »15 Effectivement, tout impôt qui porte sur un produit en augmente le prix et réduit ses opportunités de vente : si l’on portait aujourd’hui la TVA d’un produit de 20 à 30%, la consommation en serait affaiblie et le producteur, ne gagnant rien à l’augmentation de la taxe par produit, perdrait par la baisse du volume. Selon les physiocrates, il convient donc de réduire le taux des impôts sur la consommation, à défaut de les supprimer complètement.
Les impôts sur la circulation sont également particulièrement blâmables aux yeux des physiocrates. Il faudrait en effet selon Quesnay « abolir ou modérer les droit excessifs de rivière et de péage : ils détruisent les revenus des provinces éloignées, où les denrées ne peuvent être commercialisables que par de longs transports. »16 Nicolas Baudeau réclame aussi la suppression « des droit d’entrée et de sortie, des péages et autres exactions de cette sorte, levés sous quelque prétexte et au profit de qui que ce soit17. Et bien que la préoccupation centrale des Physiocrates soit les grains, « l’école physiocratique revendique l’entière franchise de circulation non seulement pour les grains, mais pour toutes les productions du territoire »18 Au XVIIIe siècle, des douanes étaient disposées à l’intérieur même de celui-ci et pénalisaient le commerce entre les différentes régions. Aujourd’hui, dans tous ses mouvements, le transporteur de denrées agricoles est également mis à l’amende : impôt sur les sociétés, taxe sur les véhicules, fiscalité spéciale sur les carburants, et peut-être bientôt contribution écologique…
Mais quel que soit le type d’impôt, le réflexe naturel des physiocrates est de les présenter comme néfastes pour l’agriculture. Ainsi faut-il aussi supprimer les droits de marché, ou les droits sur les denrées particulières comme le vin, le tabac, le sel ou la morue. En taxant lourdement le vin, écrit Quesnay, « on ne regarde que du côté des consommateurs, qui sont libres, dit-on, de faire plus ou moins de dépenses en vin ; mais ce plus ou moins de dépenses est un objet important par rapport aux revenus des vignes et aux habitants occupés à les cultiver19. L’impôt très lourd sur le tabac (là-dessus non plus la législation a peu évolué…) « empêche qu’on recueille peut-être en France pour 12 ou 13 millions de cette plante » écrit Quesnay, arguant sur ce fondement pour un abaissement ou une suppression20.
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