«1958 : Déjà obnubilés par le pouvoir…»
Qu’appelez-vous pouvoir ?
Un logement dans un palais ?
La machine à décrets ?
Les hommes qui se courbent ?
Les hommes qui se couchent ?
La télévision à la botte ?
Un président qui règne, qui gouverne, qui juge, qui légifère ; monarque et un pouvoir absolu ? J’ai prononcé le mot qu’il fallait taire :
absolu…» François Mitterrand
A 80 ans sonnants, il n’a certes pas la forme d’un homme dans la force de l’âge, mais ses atouts restent son envie et sa vitalité. En dégageant toujours la même élégance et le même raffinement. Salah Boudjemaâ est né le 18 avril 1934 à Mezdj Edchiche, village anonyme du côté de Skikda, qui s’est distingué par son héroïsme lors de la lutte de libération, mais que le football a davantage fait connaître grâce à l’équipe locale de football qui a fait, il y a quelques années, un parcours plus qu’honorable en coupe d’Algérie. Salah, peu avare en paroles, aussi pertinent qu’impertinent, au naturel enjoué et chaleureux, nous décline sa vie avec ses hauts et ses bas, ses splendeurs et ses misères. Il évoquera bien sûr son enfance, sa scolarité dans son village, en faisant un clin d’œil à Abdelali Lakhdari et l’influence de la zaouia
Belhamlaoui.
Puis, ce sera la célèbre medersa Kettania de Constantine qu’il ralliera en 1947. Dans cet antre du savoir, il n’omettra pas de signaler à ses côtés des condisciples comme Mohamed Nafir, Ali Kafi, Houari Boumediène, Mohamed Salah Bouslama, Abdelmadjid Kahlerras, qui se signaleront quelques années après par leur engagement patriotique. Salah, à l’instar des Algériens, vivra dans sa chair les difficiles conditions imposées par l’occupant, marquées par le mépris, la discrimination et l’oppression. C’est sans doute cet état de fait qui éveillera en lui ce sentiment de révolte et de colère qu’il traduira naturellement par un engagement sans failles dans sa lutte discontinue. d’autant que le terrain était propice et qu’El Harrouch, son fief, s’imposait déjà comme un terreau favorable.
Rencontre avec Didouche
C’est ainsi que Salah rencontre, le 5 novembre 1954 dans cette contrée, Didouche Mourad, «un homme exceptionnel doué d’une intelligence hors normes, ayant le sens de l’organisation», en présence de Mohamed Kedid. «Le courant est vite passé et consigne m’a été donnée de constituer des cellules. Vous n’ignorez pas que la conjoncture était difficile du fait de la rupture entre les centralistes et les messalistes et de la position des membres du CRUA. Mais il fallait agir. Je me rappelle toujours de Didouche, de sa sagesse et de sa foi. Il se contentait d’écouter. Il avait cette particularité de ne pas beaucoup parler et connaissant très bien la situation, il ne demandait pas l’impossible.
Malgré cela, beaucoup n’ont pas voulu le suivre. Il disposait de 40 pièces d’armes, la plupart réformées. Et c’est Zighoud, le forgeron, son adjoint, qui les réparait.» A Constantine, Didouche avait créé la première cellule composée de Boudjeriou Messaoud, Zigat Smaïn et de
Aouati Mostefa. Il a réussi à mettre en place un système pour assurer la continuité de l’action. «C’est de Constantine que nous parvenaient l’argent, les médicaments, la nourriture… Didouche est parti à Mila chez Bentobal et à Annaba pour voir Badji Mokhtar à propos de problèmes logistiques et d’accords avec les Tunisiens.» Il faut rappeler que le 1er Novembre 1954, Zighoud est aux côtés de Didouche responsable du Nord constantinois et qui devait devenir la Wilaya II de l’ALN.
Lorsque Didouche tomba au champ d’honneur le 18 janvier 1955, à l’âge de 28 ans, c’est Zighoud qui le remplacera à la tête de la région. C’est dans cette fonction que Zighoud organise et dirige la grande offensive du 20 août 1955 qui fut une éclatante démonstration de l’ampleur de la mobilisation populaire. Un an jour pour jour, le 20 août 1956, eut lieu le Congrès de la Soummam qui mit définitivement en place les structures politiques et organiques de la lutte armée. Zighoud y fut nommé membre du Conseil national de la révolution algérienne, élevé au grade de colonel de l’ALN et confirmé comme commandant de la Wilaya II.
L’homme au drapeau de brousse que l’on voit sur les rares photos de l’époque, le «loup maigre et sec» a pourtant hérité d’une Wilaya coupée des autres à la mort de Didouche. Justement, Zighoud accéléra la cadence en déplaçant la lutte au cœur des zones occupées du Nord constantinois en brisant l’état de siège imposé à la wilaya I et le mythe de l’invincibilité de l’armée française et c’est mû par une foi inébranlable qu’il lance les premières attaques au matin du 20 août 1955. «Un jour, à Smendou, Didouche a été repéré par les gendarmes. Il n’a pas fui. Un accrochage s’en est suivi et il en est mort. Zighoud qui a pris sa relève a su suivre tout l’agenda de Didouche qui était un homme politique alors que Zighoud, homme d’action, avait pris le relais à Toumiat et Smendou et son champ d’action s’est développé aux conforts de Skikda. Didouche comptait beaucoup sur les étudiants. Après sa mort, les choses s’étaient compliquées. Vu les nouvelles conditions et son isolement, Zighoud avait une autre vision des choses.»
Des actions sporadiques avaient eu lieu : élimination de harkis, fermes brûlées… «Un jour, il nous avait réunis à Sidi Mezghiche où il nous révéla son intention de lancer une grande opération le 20 août. Je crois qu’il avait pris seul cette décision. Nous étions restés isolés dans une forêt quinze jours durant sans rien. On a beaucoup souffert. Toujours est-il que le 20 août a eu un écho retentissant. Fait du hasard, ces actions coïncidèrent avec la commémoration de la déportation du roi Mohamed V et des révoltes qui éclatèrent le même jour en plusieurs points du Maroc, notamment à Oued Zem où plusieurs morts ont été enregistrés lors d’émeutes sanglantes.
Les Français avaient peur, car ils pensaient à une action concertée et à un plan synchronisé et que la lutte s’est étendue à l’Afrique du Nord. Le 20 août 1955 dans le Nord constantinois a eu des répercussions au Maroc, et Hassan II lors de l’une de ses visites à Alger qui s’en est félicité l’a rappelé à l’hôtel Aurassi au président Chadli.» Salah admet que le Congrès de la Soummam en 1956 a donné une autre impulsion à la lutte. Salah racontera la péripétie de Zadi Chérif, qui activait aux côtés de Zigad Smaïl et de Saci Bekhouche et qui ont été éliminés, car soupçonnés de connivence avec les messalistes.
Qu’appelez-vous pouvoir ?
Un logement dans un palais ?
La machine à décrets ?
Les hommes qui se courbent ?
Les hommes qui se couchent ?
La télévision à la botte ?
Un président qui règne, qui gouverne, qui juge, qui légifère ; monarque et un pouvoir absolu ? J’ai prononcé le mot qu’il fallait taire :
absolu…» François Mitterrand
A 80 ans sonnants, il n’a certes pas la forme d’un homme dans la force de l’âge, mais ses atouts restent son envie et sa vitalité. En dégageant toujours la même élégance et le même raffinement. Salah Boudjemaâ est né le 18 avril 1934 à Mezdj Edchiche, village anonyme du côté de Skikda, qui s’est distingué par son héroïsme lors de la lutte de libération, mais que le football a davantage fait connaître grâce à l’équipe locale de football qui a fait, il y a quelques années, un parcours plus qu’honorable en coupe d’Algérie. Salah, peu avare en paroles, aussi pertinent qu’impertinent, au naturel enjoué et chaleureux, nous décline sa vie avec ses hauts et ses bas, ses splendeurs et ses misères. Il évoquera bien sûr son enfance, sa scolarité dans son village, en faisant un clin d’œil à Abdelali Lakhdari et l’influence de la zaouia
Belhamlaoui.
Puis, ce sera la célèbre medersa Kettania de Constantine qu’il ralliera en 1947. Dans cet antre du savoir, il n’omettra pas de signaler à ses côtés des condisciples comme Mohamed Nafir, Ali Kafi, Houari Boumediène, Mohamed Salah Bouslama, Abdelmadjid Kahlerras, qui se signaleront quelques années après par leur engagement patriotique. Salah, à l’instar des Algériens, vivra dans sa chair les difficiles conditions imposées par l’occupant, marquées par le mépris, la discrimination et l’oppression. C’est sans doute cet état de fait qui éveillera en lui ce sentiment de révolte et de colère qu’il traduira naturellement par un engagement sans failles dans sa lutte discontinue. d’autant que le terrain était propice et qu’El Harrouch, son fief, s’imposait déjà comme un terreau favorable.
Rencontre avec Didouche
C’est ainsi que Salah rencontre, le 5 novembre 1954 dans cette contrée, Didouche Mourad, «un homme exceptionnel doué d’une intelligence hors normes, ayant le sens de l’organisation», en présence de Mohamed Kedid. «Le courant est vite passé et consigne m’a été donnée de constituer des cellules. Vous n’ignorez pas que la conjoncture était difficile du fait de la rupture entre les centralistes et les messalistes et de la position des membres du CRUA. Mais il fallait agir. Je me rappelle toujours de Didouche, de sa sagesse et de sa foi. Il se contentait d’écouter. Il avait cette particularité de ne pas beaucoup parler et connaissant très bien la situation, il ne demandait pas l’impossible.
Malgré cela, beaucoup n’ont pas voulu le suivre. Il disposait de 40 pièces d’armes, la plupart réformées. Et c’est Zighoud, le forgeron, son adjoint, qui les réparait.» A Constantine, Didouche avait créé la première cellule composée de Boudjeriou Messaoud, Zigat Smaïn et de
Aouati Mostefa. Il a réussi à mettre en place un système pour assurer la continuité de l’action. «C’est de Constantine que nous parvenaient l’argent, les médicaments, la nourriture… Didouche est parti à Mila chez Bentobal et à Annaba pour voir Badji Mokhtar à propos de problèmes logistiques et d’accords avec les Tunisiens.» Il faut rappeler que le 1er Novembre 1954, Zighoud est aux côtés de Didouche responsable du Nord constantinois et qui devait devenir la Wilaya II de l’ALN.
Lorsque Didouche tomba au champ d’honneur le 18 janvier 1955, à l’âge de 28 ans, c’est Zighoud qui le remplacera à la tête de la région. C’est dans cette fonction que Zighoud organise et dirige la grande offensive du 20 août 1955 qui fut une éclatante démonstration de l’ampleur de la mobilisation populaire. Un an jour pour jour, le 20 août 1956, eut lieu le Congrès de la Soummam qui mit définitivement en place les structures politiques et organiques de la lutte armée. Zighoud y fut nommé membre du Conseil national de la révolution algérienne, élevé au grade de colonel de l’ALN et confirmé comme commandant de la Wilaya II.
L’homme au drapeau de brousse que l’on voit sur les rares photos de l’époque, le «loup maigre et sec» a pourtant hérité d’une Wilaya coupée des autres à la mort de Didouche. Justement, Zighoud accéléra la cadence en déplaçant la lutte au cœur des zones occupées du Nord constantinois en brisant l’état de siège imposé à la wilaya I et le mythe de l’invincibilité de l’armée française et c’est mû par une foi inébranlable qu’il lance les premières attaques au matin du 20 août 1955. «Un jour, à Smendou, Didouche a été repéré par les gendarmes. Il n’a pas fui. Un accrochage s’en est suivi et il en est mort. Zighoud qui a pris sa relève a su suivre tout l’agenda de Didouche qui était un homme politique alors que Zighoud, homme d’action, avait pris le relais à Toumiat et Smendou et son champ d’action s’est développé aux conforts de Skikda. Didouche comptait beaucoup sur les étudiants. Après sa mort, les choses s’étaient compliquées. Vu les nouvelles conditions et son isolement, Zighoud avait une autre vision des choses.»
Des actions sporadiques avaient eu lieu : élimination de harkis, fermes brûlées… «Un jour, il nous avait réunis à Sidi Mezghiche où il nous révéla son intention de lancer une grande opération le 20 août. Je crois qu’il avait pris seul cette décision. Nous étions restés isolés dans une forêt quinze jours durant sans rien. On a beaucoup souffert. Toujours est-il que le 20 août a eu un écho retentissant. Fait du hasard, ces actions coïncidèrent avec la commémoration de la déportation du roi Mohamed V et des révoltes qui éclatèrent le même jour en plusieurs points du Maroc, notamment à Oued Zem où plusieurs morts ont été enregistrés lors d’émeutes sanglantes.
Les Français avaient peur, car ils pensaient à une action concertée et à un plan synchronisé et que la lutte s’est étendue à l’Afrique du Nord. Le 20 août 1955 dans le Nord constantinois a eu des répercussions au Maroc, et Hassan II lors de l’une de ses visites à Alger qui s’en est félicité l’a rappelé à l’hôtel Aurassi au président Chadli.» Salah admet que le Congrès de la Soummam en 1956 a donné une autre impulsion à la lutte. Salah racontera la péripétie de Zadi Chérif, qui activait aux côtés de Zigad Smaïl et de Saci Bekhouche et qui ont été éliminés, car soupçonnés de connivence avec les messalistes.
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