Le droit de la famille dans les pays de l’Afrique du Nord, à l’évolution de laquelle nous consacrons cette étude, n’a pas échappé en ce qui concerne certains de ses aspects à l’influence du droit français et à son esprit laïcisant. Cette influence s’est manifestée plus particulièrement après l’indépendance de ces pays. A l’heure où nous écrivons cette étude (1973), tous les pays de l’Afrique du Nord — Maroc, Algérie, Tunisie, Libye — imposent un âge minimum pour le mariage, ce qui rend caduque la règle relative à la contrainte matrimoniale (jabr) en vertu de laquelle le père pouvait marier ses enfants en bas âge. L’organisation de l’Etat civil dans ces pays à l’image de l’état civil en France et le fait que la transcription du mariage est rendue obligatoire aide à rendre effective, surtout dans les centres urbains, l’application de la règle de l’âge minimum du mariage et limite ainsi l’abus du pouvoir paternel.
3Mais cette influence du droit français est restée tout de même limitée dans le domaine du droit de la famille en Afrique du Nord. Ce domaine est, en effet, le moins touché par l’acculturation juridique qu’ont connue les pays de l’Afrique Méditerranéenne à la suite de leur intégration dans la sphère du capitalisme européen.
4La Tunisie qui a le système juridique le plus acculturé en matière de statut personnel n’a pas complètement renié le droit musulman. Certes, la Tunisie a prohibé la polygamie et a introduit l’adoption, mais son code du statut personnel conserve les concepts et les catégories traditionnels chers à l’école malékite. Ainsi la règle malékite qui fait de la dot une condition de validité du mariage est encore en vigueur en Tunisie. Il en est de même de la règle prohibant le mariage entre les parents de lait. Beaucoup plus important encore, la règle coranique accordant à la fille la moitié de la part revenant à son frère dans la succession est incorporée dans le code tunisien du statut personnel.
5La conservation du fond traditionnel dans les pays de l’Afrique du Nord et l’acculturation limitée du droit de la famille de ces pays sont les facteurs d’unité entre les systèmes juridiques de ces pays. Leur caractéristique essentielle est maintenant leur dualisme : la partie relative à l’organisation administrative et au statut réel (obligation et propriété) est francisée ; l’autre partie relative au statut personnel, bien qu’influencée dans certains aspects par le droit français, garde encore l’empreinte de l’école malékite.
6Un des aspects de l’influence française (et italienne) dans ces pays est l’introduction même de la distinction entre statut réel et statut personnel. Mais la notion de statut personnel a connu dans les pays de l’Afrique du Nord une signification beaucoup plus étendue qu’elle n’en avait à l’origine dans les pays européens. Si le terme statut personnel est confiné en France essentiellement aux questions relatives à l’état et à la capacité des personnes, il couvre dans les pays de l’Afrique du Nord les questions relatives à l’état et à la capacité, au mariage, au divorce, à la filiation, mais aussi aux successions, aux testaments, et même aux questions relatives à la fondation des habous religieux. A l’époque coloniale, le législateur colonial avait l’habitude d’ajouter le mot succession au terme statut personnel. Après l’indépendance et l’arabisation des termes juridiques, le terme Al Ahwal Al-Shakhsiah couvre toutes les matières relatives au droit de la famille, y compris les successions, les testaments et même dans certains cas, les donations.
7Cette extension de la notion de statut personnel a son importance non seulement pour les nationaux de l’Afrique du Nord, mais aussi pour les étrangers se rendant dans ces pays. Le statut personnel des étrangers, pris dans le sens élargi, est régi par leurs lois nationales. Ainsi, si une affaire relative à la succession d’un allemand ou d’un français arrive devant un tribunal tunisien ou libyen, par exemple, le juge tunisien ou libyen appliquera le droit allemand ou le droit français, selon le cas, pour répartir la succession entre les héritiers.
8Dans cette étude, nous poserons les grandes lignes de l’institution qui est à la base de la famille maghrébine, c’est-à-dire le mariage. Nous n’abordons les questions de successions et des testaments qu’en tant qu’effet du mariage et de la filiation.
mariage et de la filiation.
I. — LE MARIAGE
9Le mariage dans les quatre systèmes juridiques de l’Afrique du Nord peut être défini comme étant un contact entre deux axes différents ayant pour but la fondation, à titre durable, d’une famille sur la base de la confiance et de la fidélité. Le mariage en tant qu’institution musulmane, doit être conclu à titre durable. Bien que le mariage puisse être dissout après sa conclusion par la volonté unilatérale du mari, les deux futurs conjoints ne peuvent pas au moment de la formation du mariage limiter sa durée. Une telle condition vicie le mariage et en fait un mariage temporaire que les doctrines orthodoxes en vigueur en Afrique du Nord ne valident pas, seules les doctrines chiites répandues en Iran et au Pakistan valident le mariage temporaire dit mariage de jouissance (Mut’à).
10Pour rendre compte très succinctement des règles gouvernant le mariage, nous exposerons d’abord les règles qui gouvernent la formation du mariage. Nous aborderons, ensuite, les effets du mariage à l’égard des époux et des enfants. Enfin, nous exposerons les causes de dissolution du mariage.
A. — La fonction du mariage
11Le mariage, en tant que contrat ayant une importance particulière, nécessite pour sa fonction le remplissement de certaines conditions de fond et de formes.
1. — Les conditions de fond
12L’existence d’un consentement libre des deux époux, un âge minimum et l’absence des empêchements perpétuels ou temporaires et la fixation d’une dot, sont les conditions de fond nécessaires à la fonction du mariage.
3Mais cette influence du droit français est restée tout de même limitée dans le domaine du droit de la famille en Afrique du Nord. Ce domaine est, en effet, le moins touché par l’acculturation juridique qu’ont connue les pays de l’Afrique Méditerranéenne à la suite de leur intégration dans la sphère du capitalisme européen.
4La Tunisie qui a le système juridique le plus acculturé en matière de statut personnel n’a pas complètement renié le droit musulman. Certes, la Tunisie a prohibé la polygamie et a introduit l’adoption, mais son code du statut personnel conserve les concepts et les catégories traditionnels chers à l’école malékite. Ainsi la règle malékite qui fait de la dot une condition de validité du mariage est encore en vigueur en Tunisie. Il en est de même de la règle prohibant le mariage entre les parents de lait. Beaucoup plus important encore, la règle coranique accordant à la fille la moitié de la part revenant à son frère dans la succession est incorporée dans le code tunisien du statut personnel.
5La conservation du fond traditionnel dans les pays de l’Afrique du Nord et l’acculturation limitée du droit de la famille de ces pays sont les facteurs d’unité entre les systèmes juridiques de ces pays. Leur caractéristique essentielle est maintenant leur dualisme : la partie relative à l’organisation administrative et au statut réel (obligation et propriété) est francisée ; l’autre partie relative au statut personnel, bien qu’influencée dans certains aspects par le droit français, garde encore l’empreinte de l’école malékite.
6Un des aspects de l’influence française (et italienne) dans ces pays est l’introduction même de la distinction entre statut réel et statut personnel. Mais la notion de statut personnel a connu dans les pays de l’Afrique du Nord une signification beaucoup plus étendue qu’elle n’en avait à l’origine dans les pays européens. Si le terme statut personnel est confiné en France essentiellement aux questions relatives à l’état et à la capacité des personnes, il couvre dans les pays de l’Afrique du Nord les questions relatives à l’état et à la capacité, au mariage, au divorce, à la filiation, mais aussi aux successions, aux testaments, et même aux questions relatives à la fondation des habous religieux. A l’époque coloniale, le législateur colonial avait l’habitude d’ajouter le mot succession au terme statut personnel. Après l’indépendance et l’arabisation des termes juridiques, le terme Al Ahwal Al-Shakhsiah couvre toutes les matières relatives au droit de la famille, y compris les successions, les testaments et même dans certains cas, les donations.
7Cette extension de la notion de statut personnel a son importance non seulement pour les nationaux de l’Afrique du Nord, mais aussi pour les étrangers se rendant dans ces pays. Le statut personnel des étrangers, pris dans le sens élargi, est régi par leurs lois nationales. Ainsi, si une affaire relative à la succession d’un allemand ou d’un français arrive devant un tribunal tunisien ou libyen, par exemple, le juge tunisien ou libyen appliquera le droit allemand ou le droit français, selon le cas, pour répartir la succession entre les héritiers.
8Dans cette étude, nous poserons les grandes lignes de l’institution qui est à la base de la famille maghrébine, c’est-à-dire le mariage. Nous n’abordons les questions de successions et des testaments qu’en tant qu’effet du mariage et de la filiation.
mariage et de la filiation.
I. — LE MARIAGE
9Le mariage dans les quatre systèmes juridiques de l’Afrique du Nord peut être défini comme étant un contact entre deux axes différents ayant pour but la fondation, à titre durable, d’une famille sur la base de la confiance et de la fidélité. Le mariage en tant qu’institution musulmane, doit être conclu à titre durable. Bien que le mariage puisse être dissout après sa conclusion par la volonté unilatérale du mari, les deux futurs conjoints ne peuvent pas au moment de la formation du mariage limiter sa durée. Une telle condition vicie le mariage et en fait un mariage temporaire que les doctrines orthodoxes en vigueur en Afrique du Nord ne valident pas, seules les doctrines chiites répandues en Iran et au Pakistan valident le mariage temporaire dit mariage de jouissance (Mut’à).
10Pour rendre compte très succinctement des règles gouvernant le mariage, nous exposerons d’abord les règles qui gouvernent la formation du mariage. Nous aborderons, ensuite, les effets du mariage à l’égard des époux et des enfants. Enfin, nous exposerons les causes de dissolution du mariage.
A. — La fonction du mariage
11Le mariage, en tant que contrat ayant une importance particulière, nécessite pour sa fonction le remplissement de certaines conditions de fond et de formes.
1. — Les conditions de fond
12L’existence d’un consentement libre des deux époux, un âge minimum et l’absence des empêchements perpétuels ou temporaires et la fixation d’une dot, sont les conditions de fond nécessaires à la fonction du mariage.
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