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L’unité d’action entre les différentes composantes de la gauche radicale au Maroc constitue une question des plus importantes dans le contexte actuel. Les évolutions de la situation socio-économique et de la situation politique, ainsi que l’état des forces militantes actuellement, imposent une action et une coopération étroite entre tous ceux qui ont en commun l’objectif de la libération de l’exploitation et de l’oppression.
Le premier élément d’analyse est l’accentuation de l’offensive menée par le pouvoir bourgeois contre les travailleurs et les classes populaires.
Ainsi, de façon continue et ferme, le pouvoir bafoue les libertés publiques, imposant une auto-censure à la presse concernant le soi-disant « sacré » et menant des attaques ponctuelles afin de la « recadrer ». Le pouvoir veille également à encadrer la vie politique afin de maintenir son oppression : mise en place de la loi sur les partis politiques qui officialise des pratiques issues de décennies de répression, intervention dans les élections pour fabriquer une carte électorale sur mesure avec des méthodes moins directes que sous Hassan II mais aussi efficaces, mise en place d’institutions préfabriquées où des pions effectuent les tâches décidées par le pouvoir, mise en œuvre totale des politiques de la Banque Mondiale et de l’Union Européenne.
Et face au refus ouvrier et populaire, le pouvoir criminalise le mouvement social, dissout les comités d’organisation ouvriers à travers une répression quotidienne des syndicats notamment dans le secteur privé, et tente d’effectuer un saut qualitatif en préparant une loi concernant les grèves et les syndicats.
Le pouvoir réprime violemment les protestations de la population des régions délaissées, comme ce fût le cas à Ifni le 7 juin 2008.
La répression est également la réponse face aux luttes des jeunes qui demandent un emploi ainsi que les luttes étudiantes contre la casse de l’université publique.
La majorité des forces « national-démocrates » soutiennent cette politique de répression, en mettant à la disposition du pouvoir un staff administratif dans le gouvernement de façade et en utilisant un ensemble d’institutions tentant de cacher la nature du pouvoir.
Le reste de ces forces est dans un mutisme complice, pour soi-disant défendre « le changement démocratique » face au danger obscurantiste que représentent les forces salafistes.
Pour leur part, les directions syndicales bureaucratiques, liées à la « gauche » ou au pouvoir directement, bloquent les syndicats ouvriers et dénaturent leur objectif.
La scène de la lutte contre le despotisme est vide. Toutes les modifications qui ont touché les lois sur les libertés publiques, renforçant la politique répressive, sont passées facilement sans aucune opposition, à cause de l’absence d’une base populaire chez les forces défendant les libertés publiques qui sont principalement composées d’intellectuels des associations de droits humains. Même la revendication du changement de la constitution s’est vidée de son contenu timide défendu autrefois par la coalition bourgeoise dite « démocratique ».
Le second élément d’analyse qui nous impose une unité d’action de toute la gauche radicale est l’état actuel de ces forces militantes.
La dernière décennie a été caractérisée par la capitulation de l’opposition bourgeoise libérale (USFP et parti de l’Istiqlal) à la monarchie et sa transformation en un outil de façade qui met en œuvre les politiques de l’Union Européenne et de la Banque Mondiale. Cette décennie démontre les limites de la gauche radicale, toutes composantes confondues, dans sa tâche d’organisation de la résistance ouvrière et populaire, et dans l’occupation de la scène d’opposition suite à la défaillance de la « coalition démocratique ». Une partie de la gauche radicale est encore sous l’influence de forces aussi libérales que l’USFP au sein de ce qui est appelé le « Rassemblement de la Gauche Démocratique ».
Leçons de l’expérience
La nécessité, objective et subjective, de l’unité d’action des militants de la gauche radicale est urgente, au vu des éléments présentés ci-dessus, mais sa matérialisation se confronte à un héritage négatif.
En se limitant à la dernière décennie, nous remarquons que la plus grande expérience d’unité d’action des forces de la gauche radicale s’est soldée par un échec cuisant. Il s’agit de l’expérience de la Voie Démocratique (VD) et du Parti d’Avant-garde Démocratique et Socialiste (PADS), qui sont deux courants œuvrant pour la libération des travailleurs, avec une optique marxiste.
Ainsi, après les espoirs du début de cette alliance, dans un contexte marqué par la faiblesse de la gauche radicale et le renforcement des forces obscurantistes religieuses, l’unité ne s’est pas matérialisée sur le terrain, que ce soit dans les organisations syndicales ouvrières ou dans le mouvement des chômeurs, deux secteurs qui ont connu des luttes actives. Les deux organisations (VD et PADS) n’ont pas réalisé d’action unitaire qui soutient les luttes des opprimés des régions abandonnées (Aït Bilal, Tata, Tamassint, Ifni, Bouarfa,). Les rares actions mises en œuvre en commun concernent quelques conférences-débats, une journée d’étude sur la constitution et des réunions des structures centrales des deux organisations.
Progressivement, cette unité a disparu notamment après le changement de position du PADS concernant la participation aux élections, et s’est même transformé en une guerre de positions au sein de l’AMDH et du Forum Vérité et Justice notamment.
Cette expérience, à notre avis, au lieu de participer au renforcement de la gauche radicale a eu pour effet de la délégitimer aux yeux de ceux qui espèrent une issue alternative pour le Maroc entre le pouvoir répressif actuel et le projet obscurantiste religieux. Qui oserait opter pour une unité d’action de la gauche radicale après l’expérience de la Voie Démocratique et du PADS où le bilan n’a même pas été tiré ?
Cette période d’unité entre les deux organisations offrait des possibilités d’action commune dans plusieurs domaines, notamment la question de l’oppression politique qui nécessite un travail important d’information politique et de faire connaître massivement les revendications démocratiques réelles, notamment celle de l’assemblée constituante en lien étroit avec les revendications sociales de la classe ouvrière et de la population pauvre des campagnes.
La résistance aux attaques bourgeoises contre notre classe, en matière du droit de travail, sécurité sociale ou libertés syndicales, constituait également un terrain possible pour une unité d’action effective. A titre d’exemple, la promulgation des lois concernant le droit de grève était l’occasion de mettre en œuvre une vraie campagne de terrain pour dénoncer ces politiques répressives, campagne dans les organisations ouvrières, lieux de travail et quartiers populaires.
L’unité d’action de la gauche radicale, face à la catastrophe de bureaucratisation extrême des organisations syndicales, constituait un levier important pour améliorer le rapport des forces au sein de ces organisations face aux forces dominantes en leur sein que ce soit les forces réformistes libérales (au sein de la CDT) ou celles obéissant au pouvoir (au sein de l’UMT). Cependant, la Voie Démocratique et le PADS ont pris un autre chemin, celui de gagner des postes dans l’appareil bureaucratique au dépend de la démocratie dans les organisations ouvrières, et contre les intérêts de la classe ouvrière. Et les derniers exemples de cette attitude sont la participation au piétinement des règles démocratiques au IVe congrès de la CDT à Laâyoune, et la collaboration avec la bureaucratie lors du dernier congrès du syndicat national de l’éducation lors de l’été 2006. En somme, la politique des deux organisations a été la collaboration de classe imposée par les directions bureaucratiques. Cette coordination dans le cadre syndical n’a pas été effective ni dans les luttes ni même dans le débat public qui s’impose dans un contexte marqué par la crise syndicale.
Le rappel de cette expérience se situe dans le cadre de la précaution qui s’impose pour des initiatives qui pourraient prendre le même chemin, et discréditer encore l’unité d’action de la gauche radicale.
L’unité nécessaire pour la gauche révolutionnaire est celle de la lutte sur le terrain, au sein même des outils de lutte, et non pas celle des annonces nobles dans les communiqués sans initiatives concrètes, comme cela fût le cas dans d’autres expériences.
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L’unité d’action entre les différentes composantes de la gauche radicale au Maroc constitue une question des plus importantes dans le contexte actuel. Les évolutions de la situation socio-économique et de la situation politique, ainsi que l’état des forces militantes actuellement, imposent une action et une coopération étroite entre tous ceux qui ont en commun l’objectif de la libération de l’exploitation et de l’oppression.
Le premier élément d’analyse est l’accentuation de l’offensive menée par le pouvoir bourgeois contre les travailleurs et les classes populaires.
Ainsi, de façon continue et ferme, le pouvoir bafoue les libertés publiques, imposant une auto-censure à la presse concernant le soi-disant « sacré » et menant des attaques ponctuelles afin de la « recadrer ». Le pouvoir veille également à encadrer la vie politique afin de maintenir son oppression : mise en place de la loi sur les partis politiques qui officialise des pratiques issues de décennies de répression, intervention dans les élections pour fabriquer une carte électorale sur mesure avec des méthodes moins directes que sous Hassan II mais aussi efficaces, mise en place d’institutions préfabriquées où des pions effectuent les tâches décidées par le pouvoir, mise en œuvre totale des politiques de la Banque Mondiale et de l’Union Européenne.
Et face au refus ouvrier et populaire, le pouvoir criminalise le mouvement social, dissout les comités d’organisation ouvriers à travers une répression quotidienne des syndicats notamment dans le secteur privé, et tente d’effectuer un saut qualitatif en préparant une loi concernant les grèves et les syndicats.
Le pouvoir réprime violemment les protestations de la population des régions délaissées, comme ce fût le cas à Ifni le 7 juin 2008.
La répression est également la réponse face aux luttes des jeunes qui demandent un emploi ainsi que les luttes étudiantes contre la casse de l’université publique.
La majorité des forces « national-démocrates » soutiennent cette politique de répression, en mettant à la disposition du pouvoir un staff administratif dans le gouvernement de façade et en utilisant un ensemble d’institutions tentant de cacher la nature du pouvoir.
Le reste de ces forces est dans un mutisme complice, pour soi-disant défendre « le changement démocratique » face au danger obscurantiste que représentent les forces salafistes.
Pour leur part, les directions syndicales bureaucratiques, liées à la « gauche » ou au pouvoir directement, bloquent les syndicats ouvriers et dénaturent leur objectif.
La scène de la lutte contre le despotisme est vide. Toutes les modifications qui ont touché les lois sur les libertés publiques, renforçant la politique répressive, sont passées facilement sans aucune opposition, à cause de l’absence d’une base populaire chez les forces défendant les libertés publiques qui sont principalement composées d’intellectuels des associations de droits humains. Même la revendication du changement de la constitution s’est vidée de son contenu timide défendu autrefois par la coalition bourgeoise dite « démocratique ».
Le second élément d’analyse qui nous impose une unité d’action de toute la gauche radicale est l’état actuel de ces forces militantes.
La dernière décennie a été caractérisée par la capitulation de l’opposition bourgeoise libérale (USFP et parti de l’Istiqlal) à la monarchie et sa transformation en un outil de façade qui met en œuvre les politiques de l’Union Européenne et de la Banque Mondiale. Cette décennie démontre les limites de la gauche radicale, toutes composantes confondues, dans sa tâche d’organisation de la résistance ouvrière et populaire, et dans l’occupation de la scène d’opposition suite à la défaillance de la « coalition démocratique ». Une partie de la gauche radicale est encore sous l’influence de forces aussi libérales que l’USFP au sein de ce qui est appelé le « Rassemblement de la Gauche Démocratique ».
Leçons de l’expérience
La nécessité, objective et subjective, de l’unité d’action des militants de la gauche radicale est urgente, au vu des éléments présentés ci-dessus, mais sa matérialisation se confronte à un héritage négatif.
En se limitant à la dernière décennie, nous remarquons que la plus grande expérience d’unité d’action des forces de la gauche radicale s’est soldée par un échec cuisant. Il s’agit de l’expérience de la Voie Démocratique (VD) et du Parti d’Avant-garde Démocratique et Socialiste (PADS), qui sont deux courants œuvrant pour la libération des travailleurs, avec une optique marxiste.
Ainsi, après les espoirs du début de cette alliance, dans un contexte marqué par la faiblesse de la gauche radicale et le renforcement des forces obscurantistes religieuses, l’unité ne s’est pas matérialisée sur le terrain, que ce soit dans les organisations syndicales ouvrières ou dans le mouvement des chômeurs, deux secteurs qui ont connu des luttes actives. Les deux organisations (VD et PADS) n’ont pas réalisé d’action unitaire qui soutient les luttes des opprimés des régions abandonnées (Aït Bilal, Tata, Tamassint, Ifni, Bouarfa,). Les rares actions mises en œuvre en commun concernent quelques conférences-débats, une journée d’étude sur la constitution et des réunions des structures centrales des deux organisations.
Progressivement, cette unité a disparu notamment après le changement de position du PADS concernant la participation aux élections, et s’est même transformé en une guerre de positions au sein de l’AMDH et du Forum Vérité et Justice notamment.
Cette expérience, à notre avis, au lieu de participer au renforcement de la gauche radicale a eu pour effet de la délégitimer aux yeux de ceux qui espèrent une issue alternative pour le Maroc entre le pouvoir répressif actuel et le projet obscurantiste religieux. Qui oserait opter pour une unité d’action de la gauche radicale après l’expérience de la Voie Démocratique et du PADS où le bilan n’a même pas été tiré ?
Cette période d’unité entre les deux organisations offrait des possibilités d’action commune dans plusieurs domaines, notamment la question de l’oppression politique qui nécessite un travail important d’information politique et de faire connaître massivement les revendications démocratiques réelles, notamment celle de l’assemblée constituante en lien étroit avec les revendications sociales de la classe ouvrière et de la population pauvre des campagnes.
La résistance aux attaques bourgeoises contre notre classe, en matière du droit de travail, sécurité sociale ou libertés syndicales, constituait également un terrain possible pour une unité d’action effective. A titre d’exemple, la promulgation des lois concernant le droit de grève était l’occasion de mettre en œuvre une vraie campagne de terrain pour dénoncer ces politiques répressives, campagne dans les organisations ouvrières, lieux de travail et quartiers populaires.
L’unité d’action de la gauche radicale, face à la catastrophe de bureaucratisation extrême des organisations syndicales, constituait un levier important pour améliorer le rapport des forces au sein de ces organisations face aux forces dominantes en leur sein que ce soit les forces réformistes libérales (au sein de la CDT) ou celles obéissant au pouvoir (au sein de l’UMT). Cependant, la Voie Démocratique et le PADS ont pris un autre chemin, celui de gagner des postes dans l’appareil bureaucratique au dépend de la démocratie dans les organisations ouvrières, et contre les intérêts de la classe ouvrière. Et les derniers exemples de cette attitude sont la participation au piétinement des règles démocratiques au IVe congrès de la CDT à Laâyoune, et la collaboration avec la bureaucratie lors du dernier congrès du syndicat national de l’éducation lors de l’été 2006. En somme, la politique des deux organisations a été la collaboration de classe imposée par les directions bureaucratiques. Cette coordination dans le cadre syndical n’a pas été effective ni dans les luttes ni même dans le débat public qui s’impose dans un contexte marqué par la crise syndicale.
Le rappel de cette expérience se situe dans le cadre de la précaution qui s’impose pour des initiatives qui pourraient prendre le même chemin, et discréditer encore l’unité d’action de la gauche radicale.
L’unité nécessaire pour la gauche révolutionnaire est celle de la lutte sur le terrain, au sein même des outils de lutte, et non pas celle des annonces nobles dans les communiqués sans initiatives concrètes, comme cela fût le cas dans d’autres expériences.
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