J'ai croisé ce texte par hasard lors d'une lecture. Il s'agit d'une description faite par un officier français au début des années 1840, et ça me parait intéressant de voir un peu comment vivaient les arrière-grand-parents de la majorité d'entre nous.
In Exploration Scientifique de l'Algérie
Années 1840 à 1842
[...]
Cependant, parmi les Kabyles il en est un certain nombre qui parlent la langue arabe. Ce sont les colporteurs, habitués à fréquenter les marchés arabes ; les journaliers, qui, nés dans les régions ingrates de la montagne, ont quitté leurs pays dès l’enfance pour venir demander du travail aux habitants des villes, ou enfin des soldats, qui vont chercher du service dans les corps indigènes de l’Algérie ou dans l’infanterie tunisienne.
Au contraire, les Arabes qui parlent la langue kabyle sont en très petit nombre, et la raison en est simple : l’Arabe, quand il sait sa moisson rentrée, quand il voit ses troupeaux aux champs, n’a plus qu’une seule grâce à demander au ciel, c’est de vouloir bien détourner la razzia de ses silos et de ses moutons. Il a son pain, il a sa viande, il a son beurre, les trois éléments de tous ses repas. Il a même sa provision de friandise dans les dattes que les tribus du Sahara ont pris la peine de lui apporter ; que lui en a-t-il coûté ? Quelques mesures d’orge ou de blé. Il a pu, de la même monnaie, renouveler son bernous et sa tente ; les tribus du Sahara n’auront pas manqué de lui en offrir. Aussi, quand les blés sont emmagasinés, que les marchands et les fabricants du S. ont repris la route des oasis, quel souci reste-t-il au paysan arabe ? Aucun, nous le répétons, hormis celui de la razzia.
Le paysan kabyle n’a pas les mêmes motifs de quiétude. Au moment où l’arabe, accroupi devant sa tente, savoure indolemment le bonheur de savoir son koussoukssou assuré pour le restant de l’année, le kabyle lui rentre sa récolte ; il entasse figues sur raisons, raisons sur figues. Il fait gémir d’innombrables pressoirs ; et, quand enfin il est parvenu à encombrer sa maison d’huile, de figues et de raisons, il n’a encore que la plus insignifiante partie de ses repas, l’assaisonnement et le dessert ; mais le pain et la viande, comment se les procurera-t-il ? Ce n’est pas l’Arabe qui les lui apportera. Il faut que le marchand kabyle aille lui demander du mouton et du blé, et lui proposer en échange ses figues, ses raisons et son huile. En d’autres termes, le kabyle a beaucoup plus besoin de l’arabe que le contraire. Aussi, les arabes se montrent-ils à peine sur les marchés kabyles, tandis que les kabyles fréquentent journellement les marchés arabes. Voilà pourquoi il se rencontre beaucoup plus de kabyles connaissant la langue arabe que d’arabes connaissant la langue kabyle.
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Cependant, parmi les Kabyles il en est un certain nombre qui parlent la langue arabe. Ce sont les colporteurs, habitués à fréquenter les marchés arabes ; les journaliers, qui, nés dans les régions ingrates de la montagne, ont quitté leurs pays dès l’enfance pour venir demander du travail aux habitants des villes, ou enfin des soldats, qui vont chercher du service dans les corps indigènes de l’Algérie ou dans l’infanterie tunisienne.
Au contraire, les Arabes qui parlent la langue kabyle sont en très petit nombre, et la raison en est simple : l’Arabe, quand il sait sa moisson rentrée, quand il voit ses troupeaux aux champs, n’a plus qu’une seule grâce à demander au ciel, c’est de vouloir bien détourner la razzia de ses silos et de ses moutons. Il a son pain, il a sa viande, il a son beurre, les trois éléments de tous ses repas. Il a même sa provision de friandise dans les dattes que les tribus du Sahara ont pris la peine de lui apporter ; que lui en a-t-il coûté ? Quelques mesures d’orge ou de blé. Il a pu, de la même monnaie, renouveler son bernous et sa tente ; les tribus du Sahara n’auront pas manqué de lui en offrir. Aussi, quand les blés sont emmagasinés, que les marchands et les fabricants du S. ont repris la route des oasis, quel souci reste-t-il au paysan arabe ? Aucun, nous le répétons, hormis celui de la razzia.
Le paysan kabyle n’a pas les mêmes motifs de quiétude. Au moment où l’arabe, accroupi devant sa tente, savoure indolemment le bonheur de savoir son koussoukssou assuré pour le restant de l’année, le kabyle lui rentre sa récolte ; il entasse figues sur raisons, raisons sur figues. Il fait gémir d’innombrables pressoirs ; et, quand enfin il est parvenu à encombrer sa maison d’huile, de figues et de raisons, il n’a encore que la plus insignifiante partie de ses repas, l’assaisonnement et le dessert ; mais le pain et la viande, comment se les procurera-t-il ? Ce n’est pas l’Arabe qui les lui apportera. Il faut que le marchand kabyle aille lui demander du mouton et du blé, et lui proposer en échange ses figues, ses raisons et son huile. En d’autres termes, le kabyle a beaucoup plus besoin de l’arabe que le contraire. Aussi, les arabes se montrent-ils à peine sur les marchés kabyles, tandis que les kabyles fréquentent journellement les marchés arabes. Voilà pourquoi il se rencontre beaucoup plus de kabyles connaissant la langue arabe que d’arabes connaissant la langue kabyle.
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In Exploration Scientifique de l'Algérie
Années 1840 à 1842
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