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Hélie de Saint Marc

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  • Hélie de Saint Marc

    Les vertus

    Les adolescents d’aujourd’hui ont peur d’employer des mots comme la fidélité, l’honneur, l’idéal ou le courage. Sans doute ont-ils l’impression que l’on joue avec ces valeurs – et que l’on joue avec eux. Ils savent que leurs aînés se sont abîmé les ailes. Je voudrais leur expliquer comment les valeurs de l’engagement ont été la clef de voûte de mon existence, comment je me suis brûlé à elles, et comment elles m’ont porté. Il serait criminel de dérouler devant eux un tapis rouge et de leur faire croire qu’il est facile d’agir. La noblesse du destin. humain, c’est aussi l’inquiétude, l’interrogation, les choix douloureux qui ne font ni vainqueur ni vaincu.

    Que dire à un cadet ? Peut-être, avec pudeur, lui glisser dans la paume de la main deux ou trois conseils : mettre en accord ses actes et ses convictions ; pouvoir se regarder dans la glace sans avoir à rougir de lui-même ; ne pas tricher, sans doute la plus difficile, pratiquer et tâcher de concilier le courage et la générosité ; rester un homme libre.

    J’ai toujours essayé de récupérer les débris de mon existence pour faire tenir debout mon être intérieur. Même en prison et réprouvé, j’ai cherché à être heureux.

    Un ami m’a dit un jour : « tu as fait de mauvais choix, puisque tu as échoué ». Je connais des réussites qui me font vomir. J’ai échoué, mais l’homme au fond de moi a été vivifié.

    Je tiens le courage en haute estime car il me semble contenir toutes les autres vertus.

    Je crains les êtres gonflés de certitudes. Ils me semblent tellement inconscients de la complexité des choses … Pour ma part, j’avance au milieu d’incertitudes. J’ai vécu trop d’épreuves pour me laisser prendre au miroir aux alouettes.

    Ai-je toujours été fidèle ? Ai-je toujours agi selon l’honneur ? J’ai essayé, sans jamais y parvenir entièrement, d’être digne des autres et de la vie. Je ne connais pas de vérité tranquille. Je veux ajouter de la vie aux années qui me restent, témoigner de tout ce qui dure, retrouver la vérité de l’enfant que j’ai été. Simplement essayer d’être un homme.

    La prison

    Une heure, un jour, j’ai tout perdu. Je me suis retrouvé seul dans une cellule. J’ai compris alors la vanité de bien des choses et l’hypocrisie de bien des hommes.

    J’ai vécu les premiers mois de détention en référence constante aux camps de concentration. Ce souvenir me donnait de la force. Vingt ans plus tôt, j’avais tenu le coup. Pourquoi lâcher prise ? Le désarroi m’envahissait en pensant à ma femme, si jeune encore. Tout juste vingt-cinq ans et deux petites filles qui parlaient à peine. Dans la tempête, il est plus facile d’être seul. Quand on y entraîne les siens, les choses deviennent obscures.

    Aujourd’hui encore, des souvenirs de coursive, de fenêtres ouvertes sur le béton, de nuits d’angoisse, d’ennui à couper au couteau, remontent parfois à la surface. Ce ne sont pas des images anodines. Le corps se met en berne, lourd et fatigué. Le ciel devient blafard. Je me suis senti soudain comme un prisonnier en cavale, dont l’esprit échafaude mille solutions pour ne pas être renvoyé en cellule.

    Aucune solidarité humaine ne pourra jamais empêcher l’enfermement d’attaquer les prisonniers dans ce qu’ils ont de meilleur. Comme la rouille érode le fer, la prison détruit. C’est un pourrissoir moral. L’uniformité des jours m’écrasait. J’étais nourri, chauffé, logé. Je n’avais plus aucune initiative, aucune responsabilité. Chaque heure, chaque minute, il fallait résister à la destruction de soi. Au fil des mois, l’angoisse devint mon ennemie familière : l’impuissance, l’accablement des aubes sans oubli, l’ennui monstrueux que rien ne pouvait combler. L’angoisse montait à intervalles réguliers, comme une marée puissante, bousculant les résolutions, la volonté, le courage. C’était une lutte exténuante qui se déroulait dans un cadre morne, toujours semblable, dont la règle était la régularité oppressante des horaires.


    J’ai compris en prison ce que pouvait être la vocation monastique, la contemplation. Certes, le moine choisit sa condition. Mais le monastère et la détention sont des expériences similaires. Dehors, la liberté se dissout parfois dans l’agitation. L’enfermement peut développer une force intérieure qui peut être plus grande que la violence qui nous est faite. C’est ce qui m’a sauvé plusieurs fois dans ma vie.


    A ma sortie, en dehors de l’oasis familiale, j’ai connu une sorte de trou noir. Je ne reconnaissais plus ni les lieux, ni les gens, ni les enseignes, ni les voitures. Je me sentais étranger dans un monde étranger. Je n’avais plus de papiers d’identité, plus de carnet de chèques, plus de maison, plus de métier. Pour de longs mois encore, j’étais un citoyen de second rang. On m’invita à Paris quelques jours, et ce fut pire encore. J’avais une sensibilité exacerbée, presque obsessionnelle, vis-à-vis de la vanité, de l’hypocrisie, des tiroirs à double fond de la comédie humaine. On me posait des questions imbéciles sur ma détention. La moindre manifestation maladroite, qu’elle fût de mépris ou de flatterie, réveillait ma colère.
    Il s’en est fallu d’un rien pour que je bascule dans une délectation tragique et un puits d’amertume.

    Présentation et biographie de l'auteur :

    http://www.heliedesaintmarc.com

  • #2
    Grace a lui
    ... et a ses prises de position politiques
    ... l'un des fleurons de La Legion
    ... a ete dissout par De Gaulle
    ... le 1er Regiment Etranger de Parachutistes
    ... n'a pas survecu au putsch d'Alger

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