L'auteur de «En attendant Godot» naquit le 13 avril 1906 à Dublin. Il a laissé une des oeuvres littéraires majeures du XXe siècle. Evocation.
Les Irlandais ont la réputation d'être bavards. Exilé comme nombre de ses compatriotes, Samuel Beckett n'a pas démenti ce cliché - son oeuvre est prolixe et variée -, tout en le provoquant jusqu'à l'extrême: tous ses écrits sont marqués par une quête vertigineuse de l'immobilité et du silence. Romaniste de formation, il écrivit la plupart de ses oeuvres en anglais et en français. Il reçut le Prix Nobel de littérature en 1969.
Le dépouillement ascétique de ses dix-neuf pièces, son exigence sourcilleuse dans leur mise en scène, ses accès de mutisme ainsi que son physique buriné d'oiseau de proie ont donné de lui une image d'une certaine sécheresse. Pourtant, depuis sa mort à Paris en 1989, plusieurs ouvrages ont permis de forcer les portes de sa discrétion naturelle.
La monumentale biographie de James Knowlson (Solin / Actes Sud, 1999) ou les «Souvenirs sur Samuel Beckett» de la poétesse Anne Atik (L'Olivier, 2003) - et, du côté anglo-saxon, sa correspondance avec le metteur en scène américain Alan Schneider («No Author Better Served», Harvard University Press, 1998) ou l'autobiographie de Billie Whitelaw, l'actrice anglaise qui fut sa muse («... Who He?», Hodder and Stoughton, 1995) - ont affiné le portrait d'un homme blagueur et espiègle aimant à partager le whisky et la poésie, d'un ami attentionné et chaleureux, aux antipodes du reclus misanthrope que l'on pouvait se plaire à imaginer.
L'amour des mots
Deuxième né d'une famille de protestants aisés de Dublin - descendants de huguenots français émigrés au XVIIIe siècle, il n'y a pas de hasard -, Samuel Barclay Beckett coule une enfance heureuse. Entre une mère qu'il adore et un père affectueux, Beckett devient un adolescent sportif, fasciné par la musique et la littérature. Il étudie le français, l'espagnol et l'italien au Trinity College de Dublin. Il maîtrise aussi la langue allemande. Il découvre la France à 20 ans, sillonnant à vélo pendant l'été 1926 la région des châteaux de la Loire. Deux ans plus tard, il est lecteur d'anglais à l'École normale supérieure de Paris.
Très vite, il y fait la connaissance de son compatriote James Joyce, dont il traduit un texte en français. Il s'intéresse à toutes les productions de l'esprit, de la philosophie à l'architecture, des mathématiques à la Bible, que cet agnostique à la formidable érudition considère comme l'un des domaines les plus riches de la pensée humaine. Il écrit. «Les mots ont été mes seules amours, quelques-uns», se souviendra-t-il bien plus tard. Sa toute première pièce, «Le Kid», est une parodie de Corneille. Il publie, toujours en anglais, une étude sur Proust, un premier roman inspiré d'une figure de la «Divine comédie» de Dante, des poèmes, etc.
En 1937, il s'installe définitivement à Paris où le surprend l'invasion allemande de mai 40, non sans qu'il ait eu le temps de publier le roman «Murphy» en 1938. Suite à l'arrestation d'un ami juif, il entre dans un réseau de la résistance animé par la fille de Francis Picabia. Avec sa femme Suzanne, il échappe de peu à la Gestapo lorsque l'organisation est trahie par un agent double - un prêtre! - et se réfugie à Roussillon, près d'Avignon. Après la guerre, il commence à écrire en français, traduisant notamment «Murphy» lui-même, qui paraît chez Bordas en 1947.
Humour métaphysique
Sa mère meurt en 1950. Beckett écrit désormais comme un possédé: des romans et des récits - «Molloy», «Malone meurt», «L'Innommable», «Textes pour rien» - et du théâtre. C'est le 5 janvier 1953 que Roger Blin crée «En attendant Godot» au théâtre Babylone. Via Londres, Vladimir, Estragon, Pozzo et Lucky vont faire le tour du monde. «Cette pièce a changé l'état du théâtre», confiait le metteur en scène dans une interview publiée en 1990. Elle fait basculer la vie de Beckett, en tout cas, et parfois douloureusement car il pense que le succès de son théâtre a occulté l'ensemble de son oeuvre. Il fut souvent en délicatesse avec ses metteurs en scène à cause de la vision extrêmement précise qu'il avait de ses personnages.
En Belgique, «Godot» est créé en 1956 par Emile Lanc, avec Paul Roland et Paul Anrieu, respectivement dans les rôles de Vladimir et d'Estragon. «C'est la pièce de théâtre la plus parfaite qui soit, se souvient Paul Anrieu. Aucun auteur n'a réussi à jouer à ce point sur l'ambiguïté de la réalité.» Paul Roland, qui reçut l'Eve du théâtre pour sa composition en Vladimir, joua aussi bien plus tard «La Dernière Bande», au sujet de laquelle il précisait: «Ne jamais oublier l'humour de Beckett et qu'il fut un homme vivant et un poète. Le rire de Beckett, métaphysique plus que sarcastique, remet le monde en question et nous invite à vivre.»
Les Irlandais ont la réputation d'être bavards. Exilé comme nombre de ses compatriotes, Samuel Beckett n'a pas démenti ce cliché - son oeuvre est prolixe et variée -, tout en le provoquant jusqu'à l'extrême: tous ses écrits sont marqués par une quête vertigineuse de l'immobilité et du silence. Romaniste de formation, il écrivit la plupart de ses oeuvres en anglais et en français. Il reçut le Prix Nobel de littérature en 1969.
Le dépouillement ascétique de ses dix-neuf pièces, son exigence sourcilleuse dans leur mise en scène, ses accès de mutisme ainsi que son physique buriné d'oiseau de proie ont donné de lui une image d'une certaine sécheresse. Pourtant, depuis sa mort à Paris en 1989, plusieurs ouvrages ont permis de forcer les portes de sa discrétion naturelle.
La monumentale biographie de James Knowlson (Solin / Actes Sud, 1999) ou les «Souvenirs sur Samuel Beckett» de la poétesse Anne Atik (L'Olivier, 2003) - et, du côté anglo-saxon, sa correspondance avec le metteur en scène américain Alan Schneider («No Author Better Served», Harvard University Press, 1998) ou l'autobiographie de Billie Whitelaw, l'actrice anglaise qui fut sa muse («... Who He?», Hodder and Stoughton, 1995) - ont affiné le portrait d'un homme blagueur et espiègle aimant à partager le whisky et la poésie, d'un ami attentionné et chaleureux, aux antipodes du reclus misanthrope que l'on pouvait se plaire à imaginer.
L'amour des mots
Deuxième né d'une famille de protestants aisés de Dublin - descendants de huguenots français émigrés au XVIIIe siècle, il n'y a pas de hasard -, Samuel Barclay Beckett coule une enfance heureuse. Entre une mère qu'il adore et un père affectueux, Beckett devient un adolescent sportif, fasciné par la musique et la littérature. Il étudie le français, l'espagnol et l'italien au Trinity College de Dublin. Il maîtrise aussi la langue allemande. Il découvre la France à 20 ans, sillonnant à vélo pendant l'été 1926 la région des châteaux de la Loire. Deux ans plus tard, il est lecteur d'anglais à l'École normale supérieure de Paris.
Très vite, il y fait la connaissance de son compatriote James Joyce, dont il traduit un texte en français. Il s'intéresse à toutes les productions de l'esprit, de la philosophie à l'architecture, des mathématiques à la Bible, que cet agnostique à la formidable érudition considère comme l'un des domaines les plus riches de la pensée humaine. Il écrit. «Les mots ont été mes seules amours, quelques-uns», se souviendra-t-il bien plus tard. Sa toute première pièce, «Le Kid», est une parodie de Corneille. Il publie, toujours en anglais, une étude sur Proust, un premier roman inspiré d'une figure de la «Divine comédie» de Dante, des poèmes, etc.
En 1937, il s'installe définitivement à Paris où le surprend l'invasion allemande de mai 40, non sans qu'il ait eu le temps de publier le roman «Murphy» en 1938. Suite à l'arrestation d'un ami juif, il entre dans un réseau de la résistance animé par la fille de Francis Picabia. Avec sa femme Suzanne, il échappe de peu à la Gestapo lorsque l'organisation est trahie par un agent double - un prêtre! - et se réfugie à Roussillon, près d'Avignon. Après la guerre, il commence à écrire en français, traduisant notamment «Murphy» lui-même, qui paraît chez Bordas en 1947.
Humour métaphysique
Sa mère meurt en 1950. Beckett écrit désormais comme un possédé: des romans et des récits - «Molloy», «Malone meurt», «L'Innommable», «Textes pour rien» - et du théâtre. C'est le 5 janvier 1953 que Roger Blin crée «En attendant Godot» au théâtre Babylone. Via Londres, Vladimir, Estragon, Pozzo et Lucky vont faire le tour du monde. «Cette pièce a changé l'état du théâtre», confiait le metteur en scène dans une interview publiée en 1990. Elle fait basculer la vie de Beckett, en tout cas, et parfois douloureusement car il pense que le succès de son théâtre a occulté l'ensemble de son oeuvre. Il fut souvent en délicatesse avec ses metteurs en scène à cause de la vision extrêmement précise qu'il avait de ses personnages.
En Belgique, «Godot» est créé en 1956 par Emile Lanc, avec Paul Roland et Paul Anrieu, respectivement dans les rôles de Vladimir et d'Estragon. «C'est la pièce de théâtre la plus parfaite qui soit, se souvient Paul Anrieu. Aucun auteur n'a réussi à jouer à ce point sur l'ambiguïté de la réalité.» Paul Roland, qui reçut l'Eve du théâtre pour sa composition en Vladimir, joua aussi bien plus tard «La Dernière Bande», au sujet de laquelle il précisait: «Ne jamais oublier l'humour de Beckett et qu'il fut un homme vivant et un poète. Le rire de Beckett, métaphysique plus que sarcastique, remet le monde en question et nous invite à vivre.»
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