'histoire de l'implantation de l'islam radical en Europe passe par une mosquée au sud de l'Allemagne. Rapidement prise en mains par l'organisation des Frères musulmans, elle constitue aujourd'hui encore un élément-clef dans la diffusion des interprétations les plus dures de l'islam.
Munich. Au nord de cette prospère ville d'ingénieurs et d'usines d'automobiles, on trouve une élégante mosquée avec un minaret mince et un dôme turquoise. Un bosquet de pins la protège d'une rue fréquentée. Dans un pays de plus de trois millions de musulmans, elle ne se fait pas remarquer, c'est juste un lieu où prient les adeptes de la religion qui se développe le plus vite en Europe.
Cependant, l'histoire de cette mosquée est plus tumultueuse. Enterré dans des archives gouvernementales et privées, des centaines de documents retracent la bataille pour le contrôle du Centre islamique de Munich. Rendu public récemment, ces documents montrent comment l'islam radical a établi l'un de ses premiers et plus importantes têtes de pont en Occident quand un groupe d'anciens nationaux-socialistes décidèrent de construire une mosquée.
«... Ce n'est que des décennies plus tard, après les attentats du 11 septembre 2001 contre les Etats-Unis que l'Allemagne concentra sérieusement son renseignement intérieur sur les opérations des Frères musulmans à Munich.. »
La présence de soldats à Munich fait partie d'un épisode presque oublié de la seconde guerre mondiale : la décision que prirent quelques dizaines de milliers de soldats de l'Armée rouge de changer de camp et de se battre pour Hitler. Après la guerre, des milliers d'entre eux ont cherché refuge en Allemagne de l'Ouest, créant l'une des plus grandes communautés musulmanes de l'Europe des années 50. Quand la Guerre Froide débuta, ils furent très recherchés pour leurs capacités linguistiques et leurs contacts en Union soviétique. Pendant plus d'une décennie, les services de renseignement américain, ouest-allemand, soviétique et britannique se sont battus pour les contrôler dans cette nouvelle guerre opposant la démocratie au communisme.
Mais le vainqueur ne fut aucun des protagonistes de la Guerre Froide. Au lieu de cela, ce fut un mouvement avec une idéologie tout aussi puissante : les Frères musulmans. Fondé dans les années 1920 en Egypte sous la forme d'un mouvement "réformateur social", les Frères musulmans devinrent la source de l'islam politique, qui réclame une domination totale de tous les aspects de la vie par la religion musulmane. Puissante force de changement politique dans le monde musulman, les Frères musulmans ont également inspiré quelques uns des plus sanglants groupes terroristes, comme le Hamas et al-Qaïda.
Une erreur récurrente
L'histoire de la méthode utilisée par les Frères musulmans pour exporter sa foi au coeur de l'Europe met en évidence une erreur récurrente de la part des démocraties occidentales. Durant des décennies, elles ont passé des accords avec l'islam politique – le soutenant pour défaire un autre ennemi, particulièrement le communisme. Il est par exemple bien connu que les USA et leurs alliés ont mis sur pied les moudjahiddines dans les années 1980 en Afghanistan pour combattre l'Union soviétique – ouvrant la voie du succès d'Oussama Ben Laden, qui s'est rapidement retourné contre ses anciens alliés américains dans les années 1990.
Munich est un exemple sérieux et précoce de cette stratégie douteuse. Des documents et interviews montrent comment les Frères musulmans formèrent un arrangement de travail avec les agences américaines de renseignement, outrepassant les agences allemandes dans le contrôle des anciens soldats nationaux-socialistes et leur mosquée. Mais les USA ont perdu la main sur ce mouvement, et en peu de temps la très conservatrice et catholique Bavière est devenue l'hôte d'un centre islamique radical.
"Si vous voulez comprendre les structures de l'islam politique, vous devez regarder ce qui s'est produit à Munich," prétend Stefan Meining, un historien munichois étudiant le centre islamique. "Munich est l'origine d'un réseau qui s'étend maintenant tout autour de la planète."
Des groupes politiques et sociaux affiliés aux Frères musulmans dominent maintenant la vie islamique dans de larges zones de l'Europe occidentale. Ces connexions sont la plupart du temps méconnues, même par les services de renseignement et les agences de police de ces pays.
Alors que ces groupes répudient le terrorisme et sont officiellement partisans de l'assimilation, le résultat de leur message est que les musulmans d'Europe – formant maintenant entre 5 et 10% de la population du continent – se doivent d'être cloisonnés de la culture occidentale. En retour, ceci a été le terreau fertile d'idées violentes. Les terroristes islamistes ont de plus en plus utilisé l'Europe comme base de lancement pour leurs attaques, des attentats du 11 septembre à ceux de Madrid l'an dernier.
Les tensions actuelles sont dans la continuité d'évènements datant d'un demi-siècle. Munich après la guerre était une ville en ruines pleine de musulmans immigrés fuyant les persécutions. Alors que l'Occident s'évertuait à les observer et les contrôler en tant qu'atout important dans la Guerre Froide, apparurent de redoutables rivaux cherchant à installer leurs propres bases de pouvoir dans le monde musulman européen alors émergeant.
Au long des décennies suivantes, quatre hommes ont successivement tenté de contrôler la mosquée de Munich : un brillant professeur de langues turcophones, un imam dans la SS d'Hitler, un écrivain musulman charismatique et un financier musulman actuellement soupçonné de financer le terrorisme. La plupart ont favorisé une certaine accommodation avec l'Occident. Mais le vainqueur avait une vision plus large : un islam global opposé à l'idée de démocratie laïque.
Munich. Au nord de cette prospère ville d'ingénieurs et d'usines d'automobiles, on trouve une élégante mosquée avec un minaret mince et un dôme turquoise. Un bosquet de pins la protège d'une rue fréquentée. Dans un pays de plus de trois millions de musulmans, elle ne se fait pas remarquer, c'est juste un lieu où prient les adeptes de la religion qui se développe le plus vite en Europe.
Cependant, l'histoire de cette mosquée est plus tumultueuse. Enterré dans des archives gouvernementales et privées, des centaines de documents retracent la bataille pour le contrôle du Centre islamique de Munich. Rendu public récemment, ces documents montrent comment l'islam radical a établi l'un de ses premiers et plus importantes têtes de pont en Occident quand un groupe d'anciens nationaux-socialistes décidèrent de construire une mosquée.
«... Ce n'est que des décennies plus tard, après les attentats du 11 septembre 2001 contre les Etats-Unis que l'Allemagne concentra sérieusement son renseignement intérieur sur les opérations des Frères musulmans à Munich.. »
La présence de soldats à Munich fait partie d'un épisode presque oublié de la seconde guerre mondiale : la décision que prirent quelques dizaines de milliers de soldats de l'Armée rouge de changer de camp et de se battre pour Hitler. Après la guerre, des milliers d'entre eux ont cherché refuge en Allemagne de l'Ouest, créant l'une des plus grandes communautés musulmanes de l'Europe des années 50. Quand la Guerre Froide débuta, ils furent très recherchés pour leurs capacités linguistiques et leurs contacts en Union soviétique. Pendant plus d'une décennie, les services de renseignement américain, ouest-allemand, soviétique et britannique se sont battus pour les contrôler dans cette nouvelle guerre opposant la démocratie au communisme.
Mais le vainqueur ne fut aucun des protagonistes de la Guerre Froide. Au lieu de cela, ce fut un mouvement avec une idéologie tout aussi puissante : les Frères musulmans. Fondé dans les années 1920 en Egypte sous la forme d'un mouvement "réformateur social", les Frères musulmans devinrent la source de l'islam politique, qui réclame une domination totale de tous les aspects de la vie par la religion musulmane. Puissante force de changement politique dans le monde musulman, les Frères musulmans ont également inspiré quelques uns des plus sanglants groupes terroristes, comme le Hamas et al-Qaïda.
Une erreur récurrente
L'histoire de la méthode utilisée par les Frères musulmans pour exporter sa foi au coeur de l'Europe met en évidence une erreur récurrente de la part des démocraties occidentales. Durant des décennies, elles ont passé des accords avec l'islam politique – le soutenant pour défaire un autre ennemi, particulièrement le communisme. Il est par exemple bien connu que les USA et leurs alliés ont mis sur pied les moudjahiddines dans les années 1980 en Afghanistan pour combattre l'Union soviétique – ouvrant la voie du succès d'Oussama Ben Laden, qui s'est rapidement retourné contre ses anciens alliés américains dans les années 1990.
Munich est un exemple sérieux et précoce de cette stratégie douteuse. Des documents et interviews montrent comment les Frères musulmans formèrent un arrangement de travail avec les agences américaines de renseignement, outrepassant les agences allemandes dans le contrôle des anciens soldats nationaux-socialistes et leur mosquée. Mais les USA ont perdu la main sur ce mouvement, et en peu de temps la très conservatrice et catholique Bavière est devenue l'hôte d'un centre islamique radical.
"Si vous voulez comprendre les structures de l'islam politique, vous devez regarder ce qui s'est produit à Munich," prétend Stefan Meining, un historien munichois étudiant le centre islamique. "Munich est l'origine d'un réseau qui s'étend maintenant tout autour de la planète."
Des groupes politiques et sociaux affiliés aux Frères musulmans dominent maintenant la vie islamique dans de larges zones de l'Europe occidentale. Ces connexions sont la plupart du temps méconnues, même par les services de renseignement et les agences de police de ces pays.
Alors que ces groupes répudient le terrorisme et sont officiellement partisans de l'assimilation, le résultat de leur message est que les musulmans d'Europe – formant maintenant entre 5 et 10% de la population du continent – se doivent d'être cloisonnés de la culture occidentale. En retour, ceci a été le terreau fertile d'idées violentes. Les terroristes islamistes ont de plus en plus utilisé l'Europe comme base de lancement pour leurs attaques, des attentats du 11 septembre à ceux de Madrid l'an dernier.
Les tensions actuelles sont dans la continuité d'évènements datant d'un demi-siècle. Munich après la guerre était une ville en ruines pleine de musulmans immigrés fuyant les persécutions. Alors que l'Occident s'évertuait à les observer et les contrôler en tant qu'atout important dans la Guerre Froide, apparurent de redoutables rivaux cherchant à installer leurs propres bases de pouvoir dans le monde musulman européen alors émergeant.
Au long des décennies suivantes, quatre hommes ont successivement tenté de contrôler la mosquée de Munich : un brillant professeur de langues turcophones, un imam dans la SS d'Hitler, un écrivain musulman charismatique et un financier musulman actuellement soupçonné de financer le terrorisme. La plupart ont favorisé une certaine accommodation avec l'Occident. Mais le vainqueur avait une vision plus large : un islam global opposé à l'idée de démocratie laïque.
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