Après Ahmed Nani Bouderba, Ahmed
Benabid, Mme Néfissa Hammoud-Laliam,
Abdelkader Boukhroufa et Mustapha Laliam,
voilà que Djamel Eddine Bensalem nous quitte en
ce mercredi 4 août 2010. Il a été enterré au cimetière
de Sidi Embarek d’Oued Erroumane, à
quelques pas de chez lui.
Djamel Eddine Bensalem est issu d’une grande
famille de Bordj Bou Arréridj. «Outre nos activités
estudiantines, en raison de mon entourage familial
à forte proportion d’intellectuels, dont plusieurs
étaient élus à diverses assemblées (conseil municipal,
Assemblée algérienne, voire Assemblée française
et Sénat), j’étais d’autant plus politisé que
mon propre père, Aïssa, descendant du prophète
‘‘Sidna Mohamed’’, célèbre médecin, installé à
Bordj Arréridj, époux d’une fille d’industriels (les
Tamzali), était devenu, porté par la population, un
homme politique. Il était, sous l’étiquette UDMA,
ou apparenté, un élu ‘‘musulman’’, comme on disait
à l’époque !» (Bensalem Dj-E., Voyez nos armes,
voyez nos médecins, p. 8, Enal Ed., Alger1985)
Djamel-Eddine est né le 23 juin 1930 à Bordj Bou
Arréridj, il a fait ses études primaires dans sa ville
natale, puis a rejoint le collège de Blida. Après le
bac qu’il a passé en 1951, il part étudier la médecine
à Montpellier. Il présente une conjonctivite allergique
saisonnière qui le gêne énormément dans ses
examens, d’où un double échec en 1re et 2e années
de médecine. Il a comme hobby la photographie, il
développe un système de photos en relief qu’il fait
breveter. Bien que pro-UGEA au début, il rejoint
l’UGEMA par la suite. Il va passer ses vacances en
1955 dans sa ville natale ; sous le conseil de son
père, il se fait recruter comme faisant fonction
d’externe en chirurgie chez un chirurgien local où
il apprend les rudiments de la chirurgie, il retourne
à Montpellier pour entamer sa deuxième année de
médecine. La grève du 19 mai 1956 arrive et avec
elle l’appel de rejoindre l’ALN. Sous prétexte de
rendre visite à sa famille installée à Tunis, il décide
de rejoindre cette ville par bateau à partir de
Marseille. La tradition dans les rangs de l’UGEMA
était d’accompagner les volontaires jusqu’au dernier
point du territoire, cette tâche incombe à
Abdelmadjid Boudiaf, également étudiant à
Montpellier, de faire avec lui le voyage par train
jusqu’à Marseille. Arrivé à Tunis, il contacte le Dr
Nekkache qui l’invite à suivre des cours destinés
aux brancardiers–manipulateurs de TSF. Après un
mois de formation, il est affecté en février à l’hôpital
de Sousse où il retrouve deux aînés, Salim
Mourad Taleb et Mahmoud Atsamena. Il est externe
dans le service du Dr El Okby. Il accompagne
Laliam comme aide de chirurgie dans un service
d’ophtalmologie dans un hôpital à Tunis. Il est
volontaire pour rejoindre le maquis et attend le feu
vert. Le colonel Amirouche est justement en visite
à Tunis pour chercher des recrues dans le domaine
de la santé, il le rencontre. Bensalem rapporte dans
son livre, ce bref entretien : «J’accepte de servir en
Algérie, d’autant plus volontiers que mon père
s’était arrangé pour que je ne fasse pas mon service
militaire dans l’armée française, lui dis-je. Il
(Amirouche) insista : ‘‘Etes-vous volontaire pour
le maquis ? J’estime, quant à moi, qu’un médecin
de l’intérieur vaut une katiba ; votre présence sera
la bienvenue’’. Quand et où devrais-je me présenter
pour partir ? ‘‘Le 1er mai, ici, à 10 heures.’’ Le
1er mai, je retrouvais Amirouche au siège de
l’UGTT. Après un bout de conversation, il me souhaita
la bienvenue en Kabylie et avec des officiers
de l’ALN. et des dirigeants syndicaux de l’UGTT ;
j’eus l’honneur de poser à ses côtés pour une photographie
à l’occasion de la fête du travail. Ensuite,
je pris place dans une camionnette bâchée qui se
dirigea vers la frontière». (Bensalem Dj.-E., ibid,
pp. 23-24)
Il est affecté en zone 1 de la Wilaya III, malgré des
conditions de maquis extrêmement difficiles, il fait
des prodiges. Lui-même reconnaît qu’il n’a pas
passé deux nuits de suite dans le même endroit.
Durant toute sa vie de maquis, il a passé une seule
nuit sur un lit mais n’est pas arrivé à s’endormir !
«Le docteur Djamel Eddine Bensalem, quand il
rédigeait ses ordonnances, notait en français le
nom du médicament et en arabe le mode d’emploi
– chose que le plus dévoué des médecins militaires
français était incapable de faire. Expert dans l’art
des sutures, il fut vite renommé chez les djounoud
presque à l’égal d’un héros pour sa baraka lui permettant
de recoudre les hommes à neuf». (Meynier
G., Histoire intérieure du FLN, p. 499, Casbah Ed,
Alger 2003) Il a été capturé par l’ennemi à la fin
mars de 1958. Il a été emprisonné à la prison militaire
de Sétif puis dans celle de Bordj Bou Arréridj.
Il a été gardé six mois en isolement avant d’être
transféré dans le camp disciplinaire d’Aïn Tayr près
de Sétif. Il a ensuite été envoyé au camp de
Berrouaghia où la chance lui sourit puisqu’il rencontre
les envoyés de la Croix-Rouge internationale
venant en inspection. Grâce à celle-ci, il est
transféré au château d’Holden à Douéra, avant
d’être libéré et envoyé à Paris en février 1960. Il
part s’inscrire à la faculté de médecine de Paris. De
nouveau, la chance lui sourit ; à la vue de ses fiches
de notes de l’année 1955-56, la secrétaire de la
faculté remarque un 9 sur 10 en anatomie, on lui
permet de s’inscrire en 2e année malgré l’avancement
de l’année universitaire, il passe l’examen en
septembre et est admis en 3e année qu’il termine
sans problème. A l’indépendance, il est reçu en
examen de 4e année et retourne à Alger s’inscrire en
5e année. Il termine ses études médicales et soutient
sa thèse de doctorat en médecine à Alger en 1964 :
«Contribution à l’étude du canal déchiré antérieur».
Il opte pour la carrière universitaire, il choisit la
filière de chirurgie maxillo-faciale. Il passe avec
succès le concours d’agrégation et est nommé professeur
à l’INESSM d’Alger le 8 octobre 1977. Il
écrit un premier livre sur la Carie dentaire : maladie
ou élément d’un syndrome, publié par l’OPU en
1983. Cette oeuvre pédagogique très prisée par les
étudiants lui attire le courroux de ses confrères, il
décide de changer de service et travaille quelque
temps dans le service d’ORL de l’hôpital
Mustapha, avant de s’installer dans le privé. Il écrit
en 1985 un livre sur sa vie dans le maquis dans la
Wilaya III : Voyez nos armes, Voyez nos médecins,
publié à Alger par l’ENAL. Il revient à la médecine
et signe en 2002 un nouveau livre intitulé Mieuxêtre
par la chirurgie esthétique, paru aux éditions
Hounas à Alger. Il prend ensuite sa retraite et se
consacre à l’écriture. Il fait paraître L’invisible syndrome
des maladies communes, édition Musart-
Presse à Alger en 2009. Il revient une nouvelle fois
sur la vie de maquis suite à de longs entretiens avec
le commandant Hmimi de la Wilaya III, son ancien
compagnon ; il termine un livre qui n’est pas encore
publié et qu’il a intitulé Le rêve fou.
Parallèlement, sa santé a commencé à décliner. Il
est opéré du coeur il y a une vingtaine d’années et
suit un traitement. Il y a une dizaine de jours, il a
été hospitalisé pour 24 heures à la suite d’un malaise.
Homme simple et travailleur, il a vécu ses dernières
années de sa retraite d’enseignant hospitalouniversitaire
en se consacrant aux siens, à la lecture
et à l’écriture. Seuls ses parents et quelques amis
ont assisté à son enterrement le vendredi après la
prière. Les membres de l’organisation des
Moudjahidine étaient-ils tous en congé ?
Pr Mostefa Khiati
Benabid, Mme Néfissa Hammoud-Laliam,
Abdelkader Boukhroufa et Mustapha Laliam,
voilà que Djamel Eddine Bensalem nous quitte en
ce mercredi 4 août 2010. Il a été enterré au cimetière
de Sidi Embarek d’Oued Erroumane, à
quelques pas de chez lui.
Djamel Eddine Bensalem est issu d’une grande
famille de Bordj Bou Arréridj. «Outre nos activités
estudiantines, en raison de mon entourage familial
à forte proportion d’intellectuels, dont plusieurs
étaient élus à diverses assemblées (conseil municipal,
Assemblée algérienne, voire Assemblée française
et Sénat), j’étais d’autant plus politisé que
mon propre père, Aïssa, descendant du prophète
‘‘Sidna Mohamed’’, célèbre médecin, installé à
Bordj Arréridj, époux d’une fille d’industriels (les
Tamzali), était devenu, porté par la population, un
homme politique. Il était, sous l’étiquette UDMA,
ou apparenté, un élu ‘‘musulman’’, comme on disait
à l’époque !» (Bensalem Dj-E., Voyez nos armes,
voyez nos médecins, p. 8, Enal Ed., Alger1985)
Djamel-Eddine est né le 23 juin 1930 à Bordj Bou
Arréridj, il a fait ses études primaires dans sa ville
natale, puis a rejoint le collège de Blida. Après le
bac qu’il a passé en 1951, il part étudier la médecine
à Montpellier. Il présente une conjonctivite allergique
saisonnière qui le gêne énormément dans ses
examens, d’où un double échec en 1re et 2e années
de médecine. Il a comme hobby la photographie, il
développe un système de photos en relief qu’il fait
breveter. Bien que pro-UGEA au début, il rejoint
l’UGEMA par la suite. Il va passer ses vacances en
1955 dans sa ville natale ; sous le conseil de son
père, il se fait recruter comme faisant fonction
d’externe en chirurgie chez un chirurgien local où
il apprend les rudiments de la chirurgie, il retourne
à Montpellier pour entamer sa deuxième année de
médecine. La grève du 19 mai 1956 arrive et avec
elle l’appel de rejoindre l’ALN. Sous prétexte de
rendre visite à sa famille installée à Tunis, il décide
de rejoindre cette ville par bateau à partir de
Marseille. La tradition dans les rangs de l’UGEMA
était d’accompagner les volontaires jusqu’au dernier
point du territoire, cette tâche incombe à
Abdelmadjid Boudiaf, également étudiant à
Montpellier, de faire avec lui le voyage par train
jusqu’à Marseille. Arrivé à Tunis, il contacte le Dr
Nekkache qui l’invite à suivre des cours destinés
aux brancardiers–manipulateurs de TSF. Après un
mois de formation, il est affecté en février à l’hôpital
de Sousse où il retrouve deux aînés, Salim
Mourad Taleb et Mahmoud Atsamena. Il est externe
dans le service du Dr El Okby. Il accompagne
Laliam comme aide de chirurgie dans un service
d’ophtalmologie dans un hôpital à Tunis. Il est
volontaire pour rejoindre le maquis et attend le feu
vert. Le colonel Amirouche est justement en visite
à Tunis pour chercher des recrues dans le domaine
de la santé, il le rencontre. Bensalem rapporte dans
son livre, ce bref entretien : «J’accepte de servir en
Algérie, d’autant plus volontiers que mon père
s’était arrangé pour que je ne fasse pas mon service
militaire dans l’armée française, lui dis-je. Il
(Amirouche) insista : ‘‘Etes-vous volontaire pour
le maquis ? J’estime, quant à moi, qu’un médecin
de l’intérieur vaut une katiba ; votre présence sera
la bienvenue’’. Quand et où devrais-je me présenter
pour partir ? ‘‘Le 1er mai, ici, à 10 heures.’’ Le
1er mai, je retrouvais Amirouche au siège de
l’UGTT. Après un bout de conversation, il me souhaita
la bienvenue en Kabylie et avec des officiers
de l’ALN. et des dirigeants syndicaux de l’UGTT ;
j’eus l’honneur de poser à ses côtés pour une photographie
à l’occasion de la fête du travail. Ensuite,
je pris place dans une camionnette bâchée qui se
dirigea vers la frontière». (Bensalem Dj.-E., ibid,
pp. 23-24)
Il est affecté en zone 1 de la Wilaya III, malgré des
conditions de maquis extrêmement difficiles, il fait
des prodiges. Lui-même reconnaît qu’il n’a pas
passé deux nuits de suite dans le même endroit.
Durant toute sa vie de maquis, il a passé une seule
nuit sur un lit mais n’est pas arrivé à s’endormir !
«Le docteur Djamel Eddine Bensalem, quand il
rédigeait ses ordonnances, notait en français le
nom du médicament et en arabe le mode d’emploi
– chose que le plus dévoué des médecins militaires
français était incapable de faire. Expert dans l’art
des sutures, il fut vite renommé chez les djounoud
presque à l’égal d’un héros pour sa baraka lui permettant
de recoudre les hommes à neuf». (Meynier
G., Histoire intérieure du FLN, p. 499, Casbah Ed,
Alger 2003) Il a été capturé par l’ennemi à la fin
mars de 1958. Il a été emprisonné à la prison militaire
de Sétif puis dans celle de Bordj Bou Arréridj.
Il a été gardé six mois en isolement avant d’être
transféré dans le camp disciplinaire d’Aïn Tayr près
de Sétif. Il a ensuite été envoyé au camp de
Berrouaghia où la chance lui sourit puisqu’il rencontre
les envoyés de la Croix-Rouge internationale
venant en inspection. Grâce à celle-ci, il est
transféré au château d’Holden à Douéra, avant
d’être libéré et envoyé à Paris en février 1960. Il
part s’inscrire à la faculté de médecine de Paris. De
nouveau, la chance lui sourit ; à la vue de ses fiches
de notes de l’année 1955-56, la secrétaire de la
faculté remarque un 9 sur 10 en anatomie, on lui
permet de s’inscrire en 2e année malgré l’avancement
de l’année universitaire, il passe l’examen en
septembre et est admis en 3e année qu’il termine
sans problème. A l’indépendance, il est reçu en
examen de 4e année et retourne à Alger s’inscrire en
5e année. Il termine ses études médicales et soutient
sa thèse de doctorat en médecine à Alger en 1964 :
«Contribution à l’étude du canal déchiré antérieur».
Il opte pour la carrière universitaire, il choisit la
filière de chirurgie maxillo-faciale. Il passe avec
succès le concours d’agrégation et est nommé professeur
à l’INESSM d’Alger le 8 octobre 1977. Il
écrit un premier livre sur la Carie dentaire : maladie
ou élément d’un syndrome, publié par l’OPU en
1983. Cette oeuvre pédagogique très prisée par les
étudiants lui attire le courroux de ses confrères, il
décide de changer de service et travaille quelque
temps dans le service d’ORL de l’hôpital
Mustapha, avant de s’installer dans le privé. Il écrit
en 1985 un livre sur sa vie dans le maquis dans la
Wilaya III : Voyez nos armes, Voyez nos médecins,
publié à Alger par l’ENAL. Il revient à la médecine
et signe en 2002 un nouveau livre intitulé Mieuxêtre
par la chirurgie esthétique, paru aux éditions
Hounas à Alger. Il prend ensuite sa retraite et se
consacre à l’écriture. Il fait paraître L’invisible syndrome
des maladies communes, édition Musart-
Presse à Alger en 2009. Il revient une nouvelle fois
sur la vie de maquis suite à de longs entretiens avec
le commandant Hmimi de la Wilaya III, son ancien
compagnon ; il termine un livre qui n’est pas encore
publié et qu’il a intitulé Le rêve fou.
Parallèlement, sa santé a commencé à décliner. Il
est opéré du coeur il y a une vingtaine d’années et
suit un traitement. Il y a une dizaine de jours, il a
été hospitalisé pour 24 heures à la suite d’un malaise.
Homme simple et travailleur, il a vécu ses dernières
années de sa retraite d’enseignant hospitalouniversitaire
en se consacrant aux siens, à la lecture
et à l’écriture. Seuls ses parents et quelques amis
ont assisté à son enterrement le vendredi après la
prière. Les membres de l’organisation des
Moudjahidine étaient-ils tous en congé ?
Pr Mostefa Khiati
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