Les obsèques extrêmement populaires du Président Boumediène le 27 décembre 1978 ont montré l'attachement du peuple algérien à ce qu'il est convenu d'appeler les acquis des orientations politiques de l'Algérie: lutte pour l'indépendance économique nationale, puissance des investissements étatiques, organisation d'une participation même relative de la base à la gestion des affaires publiques, redistribution de la rente pétrolière, etc.
La Constitution nouvellement adoptée désigne le Président de l'Assemblée Populaire Nationale pour assurer l'intérim de la Présidence de la République. M. Bitat a quarante cinq jours pour organiser l'élection d'un nouveau Président de la République. C'est un Congrès du Parti du FLN qui doit désigner le candidat unique à la fonction suprême de l'Etat.
Ainsi se trouve accélérée la réunion du Congrès du Parti du FLN que le Président Boumediène concevait comme une étape importante de la rénovation de l'organisation permanente.
1. -LA SUCCESSION DU PRÉSIDENT BOUMEDIÈNE
L'année 1978 a été celle des congrès de la presque totalité des organisations de masse: UGTA, UNPA, ONM, UNFA (cf. Chronique politique H. Michel in AAN 1978). De profondes transformations dans les directions nationales, en particulier dans l'UGTA, ont permis l'émergence de nouveaux militants indispensables au renouvellement des forces du Parti du FLN. Le Congrès de l'UNJA qui devait se tenir durant la dernière semaine de décembre 1978 est repoussé au 6 janvier en raison du décès du Président Boumediène.
La préparation du congrès a déjà été l'objet de nombreux affrontements entre étudiants volontaires et permanents des kasmates quant au renouvellement des bureaux de sections et à la désignation des délégués. Dans son discours d'ouverture, M. S. Yahiaoui rend un profond hommage à la mémoire du Président défunt et à sa conception de l'organisation de la jeunesse: « L'organisation puissante qui sera édifiée par les jeunes doit avoir pour objectif de garantir la continuité de la Révolution, de la préserver et de lui permettre d'aller toujours de l'avant '".
A l'unanimité, les jeunes délégués désignent leur congrès, Congrès Houari Boumediène. Cette unanimité cache mal les profonds clivages qui traversent pendant quatre jours l'assemblée autour de thèmes aussi divers que la vie culturelle dans l'entreprise, au lycée, à l'Université ou dans le quartier, le développement du sport, la place de la jeune fille dans l'UNJA, ou la mise à disposition permanente de locaux par le Parti.
Les délégués ont réclamé un enseignement scientifique adapté aux réalités nationales pour maîtriser les technologies importées. La violence du débat sur l'arabisation a imposé l'intervention de M. S. Yahiaoui pour rétablir le calme de la réunion. Le "caractère progressiste, progressif et scientifique qui doit animer l'arabisation," a été réaffirmé. L'hétérogénéité sociale du congrès a ouvert des divergences quant à la prise en compte des préoccupations respectives des diverses catégories sociales présentes dans la jeunesse: ouvriers, chômeurs, paysans, émigrés, lycéens, étudiants... Bientôt ces divergences tournent à l'affrontement politique lorsque les étudiants volontaires réclament la création d'une Commission Nationale Etudiante visant à faire avancer la satisfaction de leurs revendications. Craignant une renaissance du mouvement syndical étudiant, la tendance conservatrice liée à l'appareil du Parti tente de dresser les délégués contre les étudiants. Ces derniers sont accusés de corporatisme et de division du mouvement de la jeunesse. M. S. Yahiaoui intervient de nouveau pour rétablir les règles démocratiques de fonctionnement. Il est hué par les délégués représentant l'appareil conservateur du Parti qui l'accusent d'intelligence avec les communistes. Le congrès adopte un compromis favorable aux étudiants : "Il a été décidé de créer des commissions de travail pour chaque catégorie de la jeunesse ainsi qu'une commission nationale permanente des étudiants composée des membres du Conseil national et présidée par un secrétaire national". (1)
La composition du Conseil National de l'UNJA et de son Secrétariat entérinée par le congrès accuse ce changement de majorité. Les anciens membres de la JFLN perdent le contrôle de l'organisation au profit de jeunes militants liés au volontariat étudiant pour la révolution agraire. Dans son discours de clôture, M. S. Yahiaoui souligne que ce congrès, comme les précédents, "a conduit à l'émergence de directions représentant une large base militante d'une façon réelle et totale, et a favorisé la réunion de conditions objectives garantissant le succès du congrès du Parti du FLN".
Plusieurs courants politiques, représentés chacun par une personnalité, s'affirment en mesure de diriger les affaires du pays au nom de tout le peuple et pour son bien être. Il y a bien sûr le courant socialiste que cristallise en cette période M. S. Yahiaoui, responsable exécutif chargé de l'appareil du Parti et installé en 1977 par le Président Boumediène lui-même.
Une campagne de dénigrement menée dans les milieux dirigeants depuis le congrès de l'UNJA vise M. S. Yahiaoui en le transformant en cheval de Troie d'une idéologie étrangère.
A l'opposé le courant libéral partisan de l'utilisation du potentiel économique étatique par la bourgeoisie nationale se reconnaît dans la candidature potentielle de A. Bouteflika. Les grands propriétaires terriens rassemblés autour de M. Benchérif, ministre de l'Hydraulique, de l'Environnement et de la Bonification des terres ne se reconnaissent dans aucun de ces deux courants: ils s'opposent à la révolution agraire et réclament la restitution des terres nationalisées; l'ouverture vers le monde occidental prônée par A. Bouteflika va à l'encontre des valeurs "féodales", de cette aristocratie terrienne.
Enfin, une partie des officiers et sous-officiers représentatifs de l'aile gauche de l'armée poussent à la candidature le colonel Hadjérès, commandant de la Véme région militaire.
Les affrontements entre ces principaux courants ne sont pas seulement politiques. Ils recouvrent de profondes querelles personnelles liées à des luttes d'influence passées et présentes. Ce qui rend toute compréhension de ce moment historique plus difficile. D'autre part, l'unicité du Parti interdit toute publicité à ces affrontements. Les hésitations et les flous de la presse nationale durant cette période désignent, en creux, les débats qui se déroulent en haut lieu. L'un de ceux-ci tient à l'interprétation des textes législatifs et partisans.
Le courant libéral réclame la désignation d'un Président de la République et d'un Secrétaire Général du Parti du FLN. A. Bouteflika brigue le premier poste, décisif dans un régime présidentiel, et abandonne provisoirement le second à ses adversaires. Ce même courant cherche à faire désigner le candidat à la fonction suprême par une conférence nationale de cadres qui rassemblerait les hauts fonctionnaires et les responsables des sociétés nationales, en place et lieu du Congrès du Parti.
Un autre conflit éclate à propos de l'appellation du congrès. Le courant de gauche entend confirmer la continuité de l'orientation socialiste issue de la lutte de libération nationale, tandis que A. Bouteflika veut tourner au plus vite la page de la radicalisation du régime de Boumediène.
Les partisans de l'orientation socialiste imposent leur point de vue en baptisant le congrès à tenir Quatrième Congrès. Les trois premiers congrès sont ceux de la Soummam (1956), de Tripoli (1962) et d'Alger (1964).
El Moudjahid du 21 janvier 1979 rend compte de cette continuité en publiant un article historique sur le Congrès de la Soummam.
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La Constitution nouvellement adoptée désigne le Président de l'Assemblée Populaire Nationale pour assurer l'intérim de la Présidence de la République. M. Bitat a quarante cinq jours pour organiser l'élection d'un nouveau Président de la République. C'est un Congrès du Parti du FLN qui doit désigner le candidat unique à la fonction suprême de l'Etat.
Ainsi se trouve accélérée la réunion du Congrès du Parti du FLN que le Président Boumediène concevait comme une étape importante de la rénovation de l'organisation permanente.
1. -LA SUCCESSION DU PRÉSIDENT BOUMEDIÈNE
L'année 1978 a été celle des congrès de la presque totalité des organisations de masse: UGTA, UNPA, ONM, UNFA (cf. Chronique politique H. Michel in AAN 1978). De profondes transformations dans les directions nationales, en particulier dans l'UGTA, ont permis l'émergence de nouveaux militants indispensables au renouvellement des forces du Parti du FLN. Le Congrès de l'UNJA qui devait se tenir durant la dernière semaine de décembre 1978 est repoussé au 6 janvier en raison du décès du Président Boumediène.
La préparation du congrès a déjà été l'objet de nombreux affrontements entre étudiants volontaires et permanents des kasmates quant au renouvellement des bureaux de sections et à la désignation des délégués. Dans son discours d'ouverture, M. S. Yahiaoui rend un profond hommage à la mémoire du Président défunt et à sa conception de l'organisation de la jeunesse: « L'organisation puissante qui sera édifiée par les jeunes doit avoir pour objectif de garantir la continuité de la Révolution, de la préserver et de lui permettre d'aller toujours de l'avant '".
A l'unanimité, les jeunes délégués désignent leur congrès, Congrès Houari Boumediène. Cette unanimité cache mal les profonds clivages qui traversent pendant quatre jours l'assemblée autour de thèmes aussi divers que la vie culturelle dans l'entreprise, au lycée, à l'Université ou dans le quartier, le développement du sport, la place de la jeune fille dans l'UNJA, ou la mise à disposition permanente de locaux par le Parti.
Les délégués ont réclamé un enseignement scientifique adapté aux réalités nationales pour maîtriser les technologies importées. La violence du débat sur l'arabisation a imposé l'intervention de M. S. Yahiaoui pour rétablir le calme de la réunion. Le "caractère progressiste, progressif et scientifique qui doit animer l'arabisation," a été réaffirmé. L'hétérogénéité sociale du congrès a ouvert des divergences quant à la prise en compte des préoccupations respectives des diverses catégories sociales présentes dans la jeunesse: ouvriers, chômeurs, paysans, émigrés, lycéens, étudiants... Bientôt ces divergences tournent à l'affrontement politique lorsque les étudiants volontaires réclament la création d'une Commission Nationale Etudiante visant à faire avancer la satisfaction de leurs revendications. Craignant une renaissance du mouvement syndical étudiant, la tendance conservatrice liée à l'appareil du Parti tente de dresser les délégués contre les étudiants. Ces derniers sont accusés de corporatisme et de division du mouvement de la jeunesse. M. S. Yahiaoui intervient de nouveau pour rétablir les règles démocratiques de fonctionnement. Il est hué par les délégués représentant l'appareil conservateur du Parti qui l'accusent d'intelligence avec les communistes. Le congrès adopte un compromis favorable aux étudiants : "Il a été décidé de créer des commissions de travail pour chaque catégorie de la jeunesse ainsi qu'une commission nationale permanente des étudiants composée des membres du Conseil national et présidée par un secrétaire national". (1)
La composition du Conseil National de l'UNJA et de son Secrétariat entérinée par le congrès accuse ce changement de majorité. Les anciens membres de la JFLN perdent le contrôle de l'organisation au profit de jeunes militants liés au volontariat étudiant pour la révolution agraire. Dans son discours de clôture, M. S. Yahiaoui souligne que ce congrès, comme les précédents, "a conduit à l'émergence de directions représentant une large base militante d'une façon réelle et totale, et a favorisé la réunion de conditions objectives garantissant le succès du congrès du Parti du FLN".
Plusieurs courants politiques, représentés chacun par une personnalité, s'affirment en mesure de diriger les affaires du pays au nom de tout le peuple et pour son bien être. Il y a bien sûr le courant socialiste que cristallise en cette période M. S. Yahiaoui, responsable exécutif chargé de l'appareil du Parti et installé en 1977 par le Président Boumediène lui-même.
Une campagne de dénigrement menée dans les milieux dirigeants depuis le congrès de l'UNJA vise M. S. Yahiaoui en le transformant en cheval de Troie d'une idéologie étrangère.
A l'opposé le courant libéral partisan de l'utilisation du potentiel économique étatique par la bourgeoisie nationale se reconnaît dans la candidature potentielle de A. Bouteflika. Les grands propriétaires terriens rassemblés autour de M. Benchérif, ministre de l'Hydraulique, de l'Environnement et de la Bonification des terres ne se reconnaissent dans aucun de ces deux courants: ils s'opposent à la révolution agraire et réclament la restitution des terres nationalisées; l'ouverture vers le monde occidental prônée par A. Bouteflika va à l'encontre des valeurs "féodales", de cette aristocratie terrienne.
Enfin, une partie des officiers et sous-officiers représentatifs de l'aile gauche de l'armée poussent à la candidature le colonel Hadjérès, commandant de la Véme région militaire.
Les affrontements entre ces principaux courants ne sont pas seulement politiques. Ils recouvrent de profondes querelles personnelles liées à des luttes d'influence passées et présentes. Ce qui rend toute compréhension de ce moment historique plus difficile. D'autre part, l'unicité du Parti interdit toute publicité à ces affrontements. Les hésitations et les flous de la presse nationale durant cette période désignent, en creux, les débats qui se déroulent en haut lieu. L'un de ceux-ci tient à l'interprétation des textes législatifs et partisans.
Le courant libéral réclame la désignation d'un Président de la République et d'un Secrétaire Général du Parti du FLN. A. Bouteflika brigue le premier poste, décisif dans un régime présidentiel, et abandonne provisoirement le second à ses adversaires. Ce même courant cherche à faire désigner le candidat à la fonction suprême par une conférence nationale de cadres qui rassemblerait les hauts fonctionnaires et les responsables des sociétés nationales, en place et lieu du Congrès du Parti.
Un autre conflit éclate à propos de l'appellation du congrès. Le courant de gauche entend confirmer la continuité de l'orientation socialiste issue de la lutte de libération nationale, tandis que A. Bouteflika veut tourner au plus vite la page de la radicalisation du régime de Boumediène.
Les partisans de l'orientation socialiste imposent leur point de vue en baptisant le congrès à tenir Quatrième Congrès. Les trois premiers congrès sont ceux de la Soummam (1956), de Tripoli (1962) et d'Alger (1964).
El Moudjahid du 21 janvier 1979 rend compte de cette continuité en publiant un article historique sur le Congrès de la Soummam.
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