Absence de régulation religieuse
Il est totalement anachronique d'imaginer des religieux pleins de compassion soucieux d'adoucir la guerre. L'Islam, à l'époque qui nous occupe et sur la côte barbaresque, c'est le Jihad maritime.
Ce côté exclusivement guerrier est revendiqué ouvertement, par exemple par cette inscription sur la mosquée Djamaa el Djedid (mosquée de la Pêcherie), située à deux pas du marché aux esclaves et construite en 1660 : "Que Dieu arrête ses regards sur les soldats victorieux et donne à chacun mille récompenses." Autre exemple : la Porte de la Marine à Alger est aussi appelée Porte de la Guerre Sainte (Bab el Jihad)[17].
Une anecdote significative, relatée par d'Aranda, met en scène Ali Bitchnin et un bourgeois poltron, qui voudrait bien tuer un chrétien pour se mettre en règle avec le ciel, mais qui a peur des coups ; le bourgeois demande à Bitchnin de lui fournir un esclave pour qu'il le tue ; Bitchnin lui fournit un grand gaillard qu'il a armé de pied en cap et indique au bourgeois que, ce qui plait à Dieu, c'est de tuer un chrétien capable de se défendre.
Même s'il le voulait, d'ailleurs, l'Islam n'aurait aucun pouvoir d'appeler à la paix, puisqu'il n'a pas d'autorité centrale comparable au Pape. Parmi les savants susceptibles de prendre position, les avis seraient dans le meilleur des cas divergents, et le pirate algérois choisirait entre eux.
Simulacres de légalité
Absence de droit opposable
Avec l'Infidèle, la seule relation est le combat. Les terres dont le gouvernement n'est pas musulman sont appelées Dar al Harb ("Maison de la guerre"[18]) et ont vocation à être conquises à plus ou moins long terme.
Il n'y a donc pas de contrat possible avec lui, mais seulement des pseudo-contrats chaque fois que c'est utile. Le chrétien n'obtient une paix relative qu'en assumant un statu d'inférieur, soit à titre individuel ("dhimmi") soit, pour les Etats, à titre de tributaire, ce qui est une forme de dépendance (plus tard, on dira : de colonisation).
La supposée licéité permanente de la prédation des Infidèles est expliquée sans détour à un ambassadeur des États-Unis, pays naissant qui n'avait jusqu'alors ni bonnes ni mauvaises relations avec la côte des Barbaresques, et qui s'étonnait donc de voir ses navires attaqués : en 1786, Thomas Jefferson, ambassadeur américain auprès de la France, et John Adams, ambassadeur auprès de la Grande-Bretagne, ont une rencontre à Londres avec Sidi Haji Abdul Rahman Adja, ambassadeur de Tripoli en visite. Ils demandent pourquoi leurs vaisseaux sont attaqués hors de toute guerre. Ils s'entendent répondre [19] que, d'après le Coran, toutes les nations qui n'ont pas reconnu le Prophète sont pécheresses, et qu'il est donc légitime de les piller et de réduire leurs peuples en esclavages, sauf si elles acceptent par traité de payer des tributs.
Côté chrétien, on se plait à souligner que le Musulman n'accorde aucune valeur aux traités et contrats qu'il passe avec l'Infidèle, et l'on se sent libre de faire de même. Dans un tel contexte, la notion de course étroitement soumise au droit est de toute évidence une pure fiction.
On a conscience que le "Traité de paix" n'est rien d'autre que l'institution d'une sorte de rançon forfaitaire, apportant au pirate le beurre et l'argent du beurre : le butin sans combat. Le terme de traité de paix est d'ailleurs abusif, puisque le Jihad est permanent. Il s'agit simplement de trèves utilitaires.
Dans un tel contexte, la partie chrétienne ne se gêne pas non plus pour jouer sur les deux tableaux. Par exemple, la France signe des traités de paix avec Alger, mais la noblesse française fournit la plus grande partie des Chevaliers de Malte, qui pratiquent le contre-corso.
Entre deux traités de paix, la France envoie aux Barbaresque ses redoutables Dunkerquois[20]. Elle le fait parce qu'elle doit le faire. Aucun pays n'est obligé de se laisser réduire au rang de tributaire.
Présence d'un cadre administratif
Sans qu'il y ait de lettres de marque, et moins encore de Tribunaux des prises (et surtout, surtout pas de Droit, au sens vrai du terme) , le corso s'exerce dans un certain cadre administratif :
* des registres des prises ayant pour seul objectif de s'assurer que les raïs partagent le butin avec le Régent ; celui démarrant en 1765 pour la Régence d'Alger a été retrouvé et analysé par l'archiviste Albert Devoulx ;
* des Traités de paix (en réalité des trêves payantes) avec les puissances chrétiennes.
Suite.....
Il est totalement anachronique d'imaginer des religieux pleins de compassion soucieux d'adoucir la guerre. L'Islam, à l'époque qui nous occupe et sur la côte barbaresque, c'est le Jihad maritime.
Ce côté exclusivement guerrier est revendiqué ouvertement, par exemple par cette inscription sur la mosquée Djamaa el Djedid (mosquée de la Pêcherie), située à deux pas du marché aux esclaves et construite en 1660 : "Que Dieu arrête ses regards sur les soldats victorieux et donne à chacun mille récompenses." Autre exemple : la Porte de la Marine à Alger est aussi appelée Porte de la Guerre Sainte (Bab el Jihad)[17].
Une anecdote significative, relatée par d'Aranda, met en scène Ali Bitchnin et un bourgeois poltron, qui voudrait bien tuer un chrétien pour se mettre en règle avec le ciel, mais qui a peur des coups ; le bourgeois demande à Bitchnin de lui fournir un esclave pour qu'il le tue ; Bitchnin lui fournit un grand gaillard qu'il a armé de pied en cap et indique au bourgeois que, ce qui plait à Dieu, c'est de tuer un chrétien capable de se défendre.
Même s'il le voulait, d'ailleurs, l'Islam n'aurait aucun pouvoir d'appeler à la paix, puisqu'il n'a pas d'autorité centrale comparable au Pape. Parmi les savants susceptibles de prendre position, les avis seraient dans le meilleur des cas divergents, et le pirate algérois choisirait entre eux.
Simulacres de légalité
Absence de droit opposable
Avec l'Infidèle, la seule relation est le combat. Les terres dont le gouvernement n'est pas musulman sont appelées Dar al Harb ("Maison de la guerre"[18]) et ont vocation à être conquises à plus ou moins long terme.
Il n'y a donc pas de contrat possible avec lui, mais seulement des pseudo-contrats chaque fois que c'est utile. Le chrétien n'obtient une paix relative qu'en assumant un statu d'inférieur, soit à titre individuel ("dhimmi") soit, pour les Etats, à titre de tributaire, ce qui est une forme de dépendance (plus tard, on dira : de colonisation).
La supposée licéité permanente de la prédation des Infidèles est expliquée sans détour à un ambassadeur des États-Unis, pays naissant qui n'avait jusqu'alors ni bonnes ni mauvaises relations avec la côte des Barbaresques, et qui s'étonnait donc de voir ses navires attaqués : en 1786, Thomas Jefferson, ambassadeur américain auprès de la France, et John Adams, ambassadeur auprès de la Grande-Bretagne, ont une rencontre à Londres avec Sidi Haji Abdul Rahman Adja, ambassadeur de Tripoli en visite. Ils demandent pourquoi leurs vaisseaux sont attaqués hors de toute guerre. Ils s'entendent répondre [19] que, d'après le Coran, toutes les nations qui n'ont pas reconnu le Prophète sont pécheresses, et qu'il est donc légitime de les piller et de réduire leurs peuples en esclavages, sauf si elles acceptent par traité de payer des tributs.
Côté chrétien, on se plait à souligner que le Musulman n'accorde aucune valeur aux traités et contrats qu'il passe avec l'Infidèle, et l'on se sent libre de faire de même. Dans un tel contexte, la notion de course étroitement soumise au droit est de toute évidence une pure fiction.
On a conscience que le "Traité de paix" n'est rien d'autre que l'institution d'une sorte de rançon forfaitaire, apportant au pirate le beurre et l'argent du beurre : le butin sans combat. Le terme de traité de paix est d'ailleurs abusif, puisque le Jihad est permanent. Il s'agit simplement de trèves utilitaires.
Dans un tel contexte, la partie chrétienne ne se gêne pas non plus pour jouer sur les deux tableaux. Par exemple, la France signe des traités de paix avec Alger, mais la noblesse française fournit la plus grande partie des Chevaliers de Malte, qui pratiquent le contre-corso.
Entre deux traités de paix, la France envoie aux Barbaresque ses redoutables Dunkerquois[20]. Elle le fait parce qu'elle doit le faire. Aucun pays n'est obligé de se laisser réduire au rang de tributaire.
Présence d'un cadre administratif
Sans qu'il y ait de lettres de marque, et moins encore de Tribunaux des prises (et surtout, surtout pas de Droit, au sens vrai du terme) , le corso s'exerce dans un certain cadre administratif :
* des registres des prises ayant pour seul objectif de s'assurer que les raïs partagent le butin avec le Régent ; celui démarrant en 1765 pour la Régence d'Alger a été retrouvé et analysé par l'archiviste Albert Devoulx ;
* des Traités de paix (en réalité des trêves payantes) avec les puissances chrétiennes.
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