Quand Salim Toumi conceva l’idée de faire appel aux frères Barberousse pour l’aider à se débarrasser des Espagnols, s’ouvrit alors une des plus obscures pages de la régence d’Alger. Car c’est d’un meurtre dont elle va retentir
Par Larbi Graine
Le 22 mai 2006 Alger accueillait le Premier ministre turc, M. Recep Tayyip Erdogan. Quoi de plus banal que la visite d’un officiel dans notre pays ? Pourtant, depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962, nous n’avons pas été habitués à voir venir des Turcs. Chose tout de même curieuse, dirions-nous, puisque ces derniers sont les représentants d’un pays qui avait jadis tant pesé puis marqué d’une manière indélébile notre destin national. Je me posais des tas de questions, pourquoi la Turquie était devenue soudainement si lointaine alors que sous le règne des Ottomans, elle avait réussi à faire de la presque totalité de ce qu’on nomme aujourd’hui le Maghreb, une des provinces de son vaste empire ? Tout de même, la venue d’Erdogan, seconde du genre, faisait suite si mes souvenirs sont bons, à la visite qu’avait faite quelques mois plus tôt son compatriote, le ministre des Affaires étrangères. A vrai dire, il y a loin de la coupe aux lèvres entre les visites effectuées par les officiels turcs de haut rang et qu’on peut compter du reste sur les doigts d’une seule main, et celles effectuées par leurs homologues français, indéniablement plus nombreuses. C’est dire que nos hôtes de l’ancienne Sublime Porte ne se sont jamais bousculés au portillon, s’avisant d’arborer vis-à-vis d’Alger une tiédeur rare. Comparativement aux Français qui avaient occupé l’Algérie pendant 130 années, les Turcs, eux, qui y sont demeurés encore plus longtemps soit quelques 314 années, n’ont pas tenté de faire la redécouverte du pays. Quelle en est l’explication ? L’histoire du coup de l’éventail vaut-elle plus que celle de l’appel au secours à Barberousse ? Certainement les symboles ont vocation de délivrer le message qu’ils veulent signifier. A ce niveau d’analyse on peut mesurer assez la dissemblance entre les deux situations. Là, c’est un agresseur qui s’invite à l’agression et ici, c’est un agresseur qu’on invite chez soi.
Mais on se surprend à penser que tout de même la population turque contrairement à la française n’a pas gardé d’attache avec le sol national. Tiens, tiens ! Mais où sont passés ces Turcs, ou plutôt ces Kourdoughlis, issus de mariages mixtes entre Algériennes et Turcs et qui à un moment donné formaient une importante partie de la population d’Alger ? On sait que dès le débarquement de Sidi Ferruch, une forte proportion d’entre eux et même parmi la population algérienne qui servait les Turcs a fui le pays pour regagner Istanbul. Je n’ai jamais eu vent de ces Kourdoughlis « Pieds-noirs » turcs qui reviennent en Algérie. On n’a pas croisé dans nos aéroports d’émigrés algériens de Turquie. C’est fou comme le temps peut gommer d’un trait trois siècles de présence. Je n’ai jamais entendu parler ne serait-ce que d’un seul turcophone dans un pays qui compte des dizaines de milliers de francophones ! Et dire que le turc fut la langue officielle de la régence d’Alger. L’éclipse turque est vraiment surprenante. Et il faut attendre le mouvement national pour voir réapparaître dans le ciel d’Alger le croissant qui jadis l’avait illuminé. Même si celui-ci revient sous une forme laïcisée avec Kemal Atatürk, il avait incarné tout de même l’espoir pour la population algérienne colonisée. La jeunesse turque avait inspiré en son temps le mouvement des Jeunes Algériens qui avait préparé le lit du nationalisme séparatiste.
Cela étant dit, il nous faut revenir à Erdogan. Je me souviens qu’il s’était rendu à la Casbah où il a dû visiter tour à tour quelques vestiges de l’ancien Odjak : la mosquée Ketchaoua, le palais du Dey Hussein et le palais de Mustapha Pacha. Il était accompagné de M. Abdelhamid Temmar, ministre de l’Industrie et de Mme Khalida Toumi, ministre de la Culture. A vrai dire, j’ai été frappé par quelque chose d’assez singulier. Je m’aperçois que Khalida Toumi porte le nom du dernier roi d’Alger, Salim Toumi, le maître de Djazaïr Bani Mezghenna. Nous voulons dire le dernier roi qui soit autochtone de ce pays.
Par Larbi Graine
Le 22 mai 2006 Alger accueillait le Premier ministre turc, M. Recep Tayyip Erdogan. Quoi de plus banal que la visite d’un officiel dans notre pays ? Pourtant, depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962, nous n’avons pas été habitués à voir venir des Turcs. Chose tout de même curieuse, dirions-nous, puisque ces derniers sont les représentants d’un pays qui avait jadis tant pesé puis marqué d’une manière indélébile notre destin national. Je me posais des tas de questions, pourquoi la Turquie était devenue soudainement si lointaine alors que sous le règne des Ottomans, elle avait réussi à faire de la presque totalité de ce qu’on nomme aujourd’hui le Maghreb, une des provinces de son vaste empire ? Tout de même, la venue d’Erdogan, seconde du genre, faisait suite si mes souvenirs sont bons, à la visite qu’avait faite quelques mois plus tôt son compatriote, le ministre des Affaires étrangères. A vrai dire, il y a loin de la coupe aux lèvres entre les visites effectuées par les officiels turcs de haut rang et qu’on peut compter du reste sur les doigts d’une seule main, et celles effectuées par leurs homologues français, indéniablement plus nombreuses. C’est dire que nos hôtes de l’ancienne Sublime Porte ne se sont jamais bousculés au portillon, s’avisant d’arborer vis-à-vis d’Alger une tiédeur rare. Comparativement aux Français qui avaient occupé l’Algérie pendant 130 années, les Turcs, eux, qui y sont demeurés encore plus longtemps soit quelques 314 années, n’ont pas tenté de faire la redécouverte du pays. Quelle en est l’explication ? L’histoire du coup de l’éventail vaut-elle plus que celle de l’appel au secours à Barberousse ? Certainement les symboles ont vocation de délivrer le message qu’ils veulent signifier. A ce niveau d’analyse on peut mesurer assez la dissemblance entre les deux situations. Là, c’est un agresseur qui s’invite à l’agression et ici, c’est un agresseur qu’on invite chez soi.
Mais on se surprend à penser que tout de même la population turque contrairement à la française n’a pas gardé d’attache avec le sol national. Tiens, tiens ! Mais où sont passés ces Turcs, ou plutôt ces Kourdoughlis, issus de mariages mixtes entre Algériennes et Turcs et qui à un moment donné formaient une importante partie de la population d’Alger ? On sait que dès le débarquement de Sidi Ferruch, une forte proportion d’entre eux et même parmi la population algérienne qui servait les Turcs a fui le pays pour regagner Istanbul. Je n’ai jamais eu vent de ces Kourdoughlis « Pieds-noirs » turcs qui reviennent en Algérie. On n’a pas croisé dans nos aéroports d’émigrés algériens de Turquie. C’est fou comme le temps peut gommer d’un trait trois siècles de présence. Je n’ai jamais entendu parler ne serait-ce que d’un seul turcophone dans un pays qui compte des dizaines de milliers de francophones ! Et dire que le turc fut la langue officielle de la régence d’Alger. L’éclipse turque est vraiment surprenante. Et il faut attendre le mouvement national pour voir réapparaître dans le ciel d’Alger le croissant qui jadis l’avait illuminé. Même si celui-ci revient sous une forme laïcisée avec Kemal Atatürk, il avait incarné tout de même l’espoir pour la population algérienne colonisée. La jeunesse turque avait inspiré en son temps le mouvement des Jeunes Algériens qui avait préparé le lit du nationalisme séparatiste.
Cela étant dit, il nous faut revenir à Erdogan. Je me souviens qu’il s’était rendu à la Casbah où il a dû visiter tour à tour quelques vestiges de l’ancien Odjak : la mosquée Ketchaoua, le palais du Dey Hussein et le palais de Mustapha Pacha. Il était accompagné de M. Abdelhamid Temmar, ministre de l’Industrie et de Mme Khalida Toumi, ministre de la Culture. A vrai dire, j’ai été frappé par quelque chose d’assez singulier. Je m’aperçois que Khalida Toumi porte le nom du dernier roi d’Alger, Salim Toumi, le maître de Djazaïr Bani Mezghenna. Nous voulons dire le dernier roi qui soit autochtone de ce pays.
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