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Le chanteur Alain Bashung est mort

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  • Le chanteur Alain Bashung est mort

    La chanson française a perdu, samedi 14 mars, un grand monsieur. Alain Bashung, 61 ans, est mort samedi après-midi à l'hôpital Saint-Joseph à Paris. Depuis l'automne 2007, il était atteint d'un cancer du poumon et suivait une chimiothérapie. En raison de sa maladie, il avait dû annuler ses concerts prévus ce samedi 14 mars à Longjumeau (Essonne) et les 17 et 18 mars au Grand Rex à Paris.

    Sa dernière apparition publique s'est déroulée lors des dernières Victoires de la musique, le 28 février. Il y avait remporté trois nouveaux trophées, s'ajoutant à huit autres obtenus précédemment. Un triplé qui faisait de lui l'artiste le plus primé de l'histoire des Victoires. Il y était apparu alors très affaibli.

    Qualifié en 2008 de "dernier des géants" par l'hebdomadaire culturel Les Inrockuptibles, Bashung occupait depuis quelques années une place de premier plan sur l'échiquier de la chanson française. Il avait accédé en trente ans au sommet du rock français, par une démarche singulière et ambitieuse, et quelques tubes connus du plus grand public comme "Ma petite entreprise".

    Perfecto, jean moulant et bottes de cow-boy à l'époque de "Gaby, oh ! Gaby", Bashung était un enfant du rock. Né le 1er décembre 1947 d'un père inconnu et d'une mère ouvrière, il est envoyé à l'âge d'un an vivre chez sa grand-mère, à Wingersheim, en Alsace. Il y reçoit une éducation catholique - il fut enfant de chœur - et les débuts d'une culture musicale : Strauss, Wagner, et surtout Kurt Weill. Il avait grandi en écoutant Gene Vincent et son "Be bop A Lula" et la musique country américaine. Il devient connu du grand public au début des années 1980, et l'album "Pizza", avec les tubes "Gaby oh ! Gaby" et "Vertige de l'amour", aux paroles signées par Boris Bergman. Mais il prend très vite le contre-pied, avec l'album "Play Blessures", un disque moins facile d'accès, réalisé avec Serge Gainsbourg, dont est extrait "Lavabo".

    En 1989, il cherche encore et toujours à se renouveler, et commence à travailler avec un autre parolier, Jean Fauque. Pendant dix ans, il obtiendra de nouveaux tubes - comme "Osez Joséphine" (1991) ou "Ma petite entreprise" (1994). Au seuil du XXIe siècle, Bashung s'était assagi. Il s'était marié avec Chloé Mons, une jeune artiste du Nord de la France, avait eu une fille. Et il avait accouché lui-même d'une perle : "L'Imprudence", son onzième album, considéré par la critique comme le plus audacieux. Enfin "Bleu Pétrole", en 2008, marquait un retour aux guitares folk. Bashung avait une deuxième grande passion: le cinéma. Il avait joué pour les réalisateurs Fernando Arrabal, Patrice Leconte, ou plus récemment Samuel Benchetrit.

    Le Monde

  • #2
    Alain Bashung, sur les cimes de la chanson française

    Sa place dans la chanson française ? Sur les cimes, accidentées et vertigineuses. Aux "trois B" (Brassens, Brel, Barbara) essentiels, il convient d'ajouter celui de Bashung depuis les années 1990, décennie où il aura régné sans partage en réconciliant la chanson d'ici avec la culture rock la plus pure et dure : l'Amérique idéalisée des années 1950, puis la new wave désillusionnée des années 1970-1980. Bashung a prouvé que l'on peut être un rocker français sans ridicule. Il est mort le 14 mars, à 61 ans, d'un cancer du poumon.

    Il est donc rock, ou plutôt roc, comme un récif de liberté sur lequel viennent s'échouer toutes les vagues musicales, avisé que Bartok est plus subversif aujourd'hui que les Sex Pistols. Méfiant envers les stéréotypes du rock, même s'il en emprunte les codes, il publie en 1998 Fantaisie militaire, que les Victoires de la musique sacreront "meilleur album de ces vingt dernières années" en 2005. C'est un des plus beaux ouvrages musicaux jamais enregistrés en langue française. La sophistication brute des mots et des notes orchestrent, à partir d'une rupture sentimentale, la rencontre inouïe entre le country-blues et la musique savante.

    Bashung vient alors d'avoir 50 ans et dément la loi d'airain qui voudrait qu'un musicien populaire soit au pic de son inspiration dans ses plus vertes années avant d'être condamné à se répéter. Avec Johnny Cash, il offre un contre-exemple quasi unique d'épanouissement dans la maturité. Car sa carrière discographique, débutée trente ans plus tôt, est passée par autant de bas.

    Le Bashung que révèle le tube Gaby, oh Gaby, à l'aube des années 1980, est un rocker périphérique dont le timbre nicotiné s'encombre de jeux de mots fumeux, dignes des relais routiers ("Ah quoi ça sert la frite si t'as pas les moules"). "Le rock français, c'est comme le vin anglais", plaisantait John Lennon. Bashung illustre d'abord cette maxime en se heurtant aux écueils que ce genre tend à la langue française. Cet autodidacte intuitif trouvera la parade dans la quête du beau bizarre, le télescopage, la fulgurance.

    Il a souvent lié son "impureté" artistique à sa "bâtardise". Né le 1er décembre 1947 à Paris, Alain Baschung est le fils d'une Bretonne ouvrière chez un sous-traitant de Renault. Le père adoptif est mitron. L'autre est un inconnu, sans doute kabyle. "C'est pas facile d'être de nulle part/D'être le bébé von dem hasard", chantera-t-il dans Elsass Blues. Dès sa deuxième année, l'enfant quitte le logement familial, trop exigu, pour une ferme de Wingersheim, en Alsace. La grand-mère paternelle l'éduque dans l'après-guerre. Elle ne parle pas français et lui interdit de fréquenter les juifs. Elsass Blues, c'est la solitude dans les champs de houblon. Pour s'évader, il y a les maquettes d'avion et le vélo. Avant de devenir un fumeur compulsif, Bashung fut un sportif accompli.

    Il y a surtout la musique. Strauss, Wagner, et surtout le Mahagony de Kurt Weill diffusé par la radio allemande – si son univers est proche de celui de Tom Waits, ce n'est pas un hasard. Pour ses 5 ans, il reçoit son Rosebud, un harmonica. L'instrument des nomades, des mélancoliques. Posé plus tard sur un guéridon de scène avec ses clopes.

    En 1958, la nouvelle que le soldat Presley effectue son service militaire en Allemagne parvient à Wingersheim. Mais c'est à un autre rocker primitif qu'il va s'identifier. Un binoclard moins sexy et infiniment plus cynique : Buddy Holly. Il est renversé par Rave On. Le lendemain, chez l'opticien, il cherche les mêmes lunettes que le Texan. Signe que le rock'n'roll est entré dans sa vie.

    Cette vie rurale est ponctuée de vacances à Boulogne-Billancourt, chez ses parents. Là dominent la culture ouvrière, les chansons de Brel et Brassens. Mais il leur préfère un type aussi raide que Buddy Holly : Gainsbourg et sa noirceur jazz, découverts au contact de la bohème montmartroise. Une fête du comité d'entreprise de Renault offre le cadre à son premier concert. Au répertoire, Santiano, d'Hughes Aufray, des reprises de Hank Williams et des Spotnicks. Soit du folk français, de la country sudiste et du rock instrumental joué par des Suédois déguisés en astronautes. Un foutoir prémonitoire.

    Pour la paix familiale, il obtient son BTS de comptabilité. Mais, en 1966, il entre dans la maison de disques RCA comme arrangeur. Il se fait la main sur des chansonnettes de Claude Channes et Noël Deschamps, plus tard sur des albums de Dick Rivers. Le soir, on peut l'entendre, seul, au club Pierre-Charron. Un directeur artistique de Philips le repère et entend bien le métamorphoser en "Tom Jones français". L'affaire est mal engagée.

    En octobre sont publiés quatre titres de Baschung (le "c" va bientôt disparaître), dont Pourquoi rêvez-vous des Etats-Unis ?, une curiosité antiaméricaniste. Il n'a pas trouvé sa voix, et sa musique est embarrassante. Aucun des 45-tours gravés jusqu'en 1974 ne mérite d'être redécouvert. Le mieux placé, Chère petite chose, est 28e au classement de Salut les copains. Par un mystère, son nom se retrouve toutefois, en juin 1967, à l'affiche d'un show organisé par RTL au Palais des sports de Paris, au côté de Cream, des Pretty Things et de Jimmy Cliff.

    IMPRÉVOYANT ET IMPRÉVISIBLE
    Plus improbable encore : en 1973, toujours dans la salle de la porte de Versailles, il incarne Fouquier-Tinville dans la comédie musicale La Révolution française, de Claude-Michel Schöenberg (l'auteur du Premier pas). Pour l'album, il interprétait Robespierre. Dans les deux cas, il finit sous la guillotine.

    Cette même année, il trouve son partenaire parolier. Révélé avec le texte de Rain and Tears d'Aphrodite's Child ("le" tube de Mai 68), Boris Bergman a goûté au succès de variété avec Nicoletta ou Dalida. Avec Bashung, la collaboration va largement déborder du cadre professionnel. Leur style naît de soirées trop arrosées à la mauvaise bière et de lendemains blêmes. Des blagues de potaches et du sexe cru mêlés à des tentations suicidaires et des allusions à la blanche.

    Le premier album de Bashung, Roman-photo, sort en 1977. Il passe inaperçu et le restera jusqu'à sa réédition un quart de siècle plus tard, son auteur l'ayant renié entre-temps. Le deuxième, Roulette russe (1979), semble promis au même sort. Mais Gaby se glisse dans le barillet. A l'origine, le tube est un rogaton, Max Amphibie, une plaisanterie écartée de Roulette russe. Travestie, elle s'écoule à plus de 1 million d'exemplaires. Du jour au lendemain, Bashung, avec ce single, devient un chanteur populaire, cité dans les conversations de bistrot. Il conservera ce statut, comme en témoigne la fortune de l'expression "Ma petite entreprise/Connaît pas la crise".

    Dans un premier temps, le miraculé profite de cette situation chèrement acquise. Autre carton, autre classique, Vertige de l'amour dope les ventes de l'album Pizza (1981), sa première grande réussite. Bashung a désormais un groupe, KGDD, chante à l'Olympia et trouve même un premier rôle à l'écran. Il incarne un Christ destroy dans le baroque et barré Cimetière des voitures, de Fernando Arrabal.

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    • #3
      La voie est trop royale pour être honnête. Dépressif, brouillé avec Bergman, Bashung soigne son spleen en compagnie de Gainsbourg. La nuit, c'est évidemment la tournée des grands-ducs, mais avant, le duo travaille rue de Verneuil. Preuve en est Play Blessures, un disque de new wave givrée et d'électronique concassée, avant-gardiste dans la France de 1982. Bashung a suffisamment de personnalité pour ne pas se faire vampiriser par son aîné ni par le succès : "Je dédie cette angoisse à un chanteur disparu/Mort de soif dans le désert de Gaby/Respectez une minute de silence/Faites comme si j'étais pas arrivé" (Je croise aux Hébrides).

      A l'exception de Libération, l'album est descendu par la critique – depuis il est porté au pinacle. On le traite de "Johnny Hallyday de la new wave", alors qu'il en est l'exact opposé : imprévoyant, imprévisible. Etre libre, c'est s'aliéner les fidèles. Gaby et Vertige de l'amour disparaissent du répertoire. Il décide d'en finir avec sa caricature de "chanteur de rock décapé". Devenu père, le rebelle toxique se replie sur la cellule familiale. Il sort de son isolement en renouant avec Bergman pour enregistrer Tu touches pas à mon pote, offert à SOS Racisme en 1985. C'est sa période la moins intéressante. Ni Figure imposée (1983) ni Passé le Rio Grande (1986) ne méritent le détour.

      Bashung franchit le cap de la quarantaine. Pour beaucoup de chanteurs, l'inspiration s'essouffle à cet âge, avant de décliner. Lui devient un artiste majeur. De Novice, un titre à triple entrée ("Nos vices" mais encore "No Vice") en 1989 à Bleu pétrole en 2008, il commet un sans-faute. Le premier album symbolise le passage de témoin entre Bergman, qui signe là ses meilleurs textes, et Jean Fauque, un ami de quinze ans qui va progressivement s'imposer comme son successeur. Lui aussi est un adepte du calembour pour mieux faire passer la pilule du désespoir.

      CURIOSITÉ ÉCLAIRÉE

      Novice inaugure surtout une nouvelle méthode : selon ses goûts et ses humeurs, Bashung convie une multitude d'instrumentistes sans les diriger. Expression libre. A l'arrivée, il trie, élimine ou valorise selon la technique du cut-up de Burroughs. Les castings de ses albums témoignent de sa curiosité éclairée : Marc Ribot, Arto Lindsay, Steve Nieve, le trompettiste de jazz Stéphane Belmondo, des membres de Roxy Music, Einstürzende Neubauten ou Portishead…

      A l'origine, Osez Joséphine (1991) devait être un recueil de reprises de Piaf, Bécaud ou Gainsbourg. Bashung comprend qu'être moderne, ce n'est plus adopter une posture rock'n'roll en crachant sur la chanson française. Finalement, en enregistrant à Memphis, il retrouve dans la ville du King ses réflexes country-rock (la cavalcade et les hennissements de guitare de la merveilleuse chanson-titre). Mais l'évasion sur les cordes de Madame rêve ouvre la voie aux audaces de la trilogie prodigieuse Chatterton-Fantaisie militaire-L'Imprudence. Bashung se met à assimiler toutes les influences qui l'ont façonné pour définir un style unique, un symphonisme punk héritier de Léo Ferré. L'œuvre est de plus en plus noire et exigeante. Au risque d'y perdre la raison au Pavillon des lauriers.

      Pendant huit ans, Bashung s'est tenu éloigné des scènes. On l'avait quitté en rocker cuir cerné de miroirs, il revient en moderne Nosferatu pour mesurer que sa cote est au firmament. La Tournée des grands espaces, en 2003, lui redonne le goût des autres. Il multiplie les dates et les apparitions, peut-être pour repousser l'échéance du prochain opus.

      Bleu pétrole jaillit finalement en mars 2008. Beaucoup de pistes auront été explorées et abandonnées avant que le chanteur de Louise Attaque, Gaëtan Roussel, prenne les choses en main. Le disque – ou plutôt son interprète malade – est plébiscité à son tour aux Victoires de la musique. Plus direct, moins onirique, il est une relative déception balayée par l'intensité de concerts thérapeutiques. Bashung lutte avec la dernière arme qu'il lui reste, son chant. Jusqu'au bout des "nuits de satin blanc".

      Bruno Lesprit

      Le Monde

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      • #4
        Un chanteur que je n'ai jamais entendu de son nom, pourtant j'ai vécu les plus belles années du rock'n roll.


        Que dieu aie son âme.
        Ask not what your country can do for you, but ask what you can do for your country.

        J.F.Kennedy, inspired by Gibran K. Gibran.

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