C'est une très belle légende que j'aimerais partager avec vous, le rite est encore pratiqué et célébré de nos jours dans certaines régions de Kabylie ou du Maroc.
- Partie 1 -
« II était jadis un personnage du nom d’Anzar. C’était le Maître de la pluie. Il désirait épouser une jeune fille d’une merveilleuse beauté : la lune brille dans le ciel, ainsi elle brillait elle-même sur la terre. Son visage était resplendissant, son vêtement était de soie chatoyante.
Elle avait l’habitude de se baigner dans une rivière aux reflets d’argent. Quand le Maître de la pluie descendait sur terre et s’approchait d’elle, elle prenait peur, et lui se retirait.
Un jour, il finit par lui dire :
Tel l’éclair j’ai fendu l’immensité du ciel,
ô Toi, Étoile plus brillante que les autres,
donne-moi donc le trésor qui est tien
sinon je te priverai de cette eau
La jeune fille lui répondit :
Je t’en supplie, Maître des eaux,
au front couronné de corail.
(Je le sais) nous sommes faits l’un pour l’autre…
mais je redoute le « qu’en dira-t-on »…
À ces mots, le Maître de l’eau tourna brusquement la bague qu’il portait au doigt : la rivière soudain tarit et il disparut. La jeune fille poussa un cri et fondit en larmes. Alors elle se dépouilla de sa robe de soie et resta toute nue. Et elle criait vers le ciel :
Ô Anzar, ô Anzar !
Ô Toi, floraison des prairies !
Laisse à nouveau couler la rivière,
et viens prendre ta revanche.
À l’instant même elle vit le Maître de l’eau sous l’aspect d’un éclair immense. Il serra contre lui la jeune fille : la rivière se remit à couler et toute la terre se couvrit de verdure.
Voilà l’origine de cette coutume : en cas de sécheresse on célèbre sans tarder Anzar. Et la jeune fille choisie pour la circonstance doit s’offrir nue. »
« À l’époque où se durcit la terre, et que se présente ce que l’on nomme ‘sécher*esse’, les vieilles se réunissent pour fixer le jour où elles célébreront Anzar.
Au jour dit, toutes (les femmes), jeunes et vieilles, sortent, accompagnées des jeunes garçons, et elles chantent :
Anzar ! Anzar !
Ô Roi, fais cesser la sécheresse,
et que le blé mûrisse sur la montagne
comme aussi dans la plaine...
Autrefois on escortait processionnellement une jeune fille pubère et de plus gracieuse. On lui mettait le henné et on la parait des plus beaux bijoux : bref, on en faisait une ‘fiancée’.La matrone du village, femme aimée de tous et de conduite irréprochable, devait procéder elle-même à la toilette de ‘la fiancée d’Anzar’. Ce faisant, elle ne devait pas pleurer, sinon on aurait pu penser qu’elle ne donnait pas de bon cœur à Anzar sa fiancée. Elle remet à la jeune fille une cuiller à pot (aghenja) sans aucun ornement qu’elle tiendra à la main. Puis la matrone charge ‘la fiancée d’Anzar’ sur son dos.
Celle-ci, la louche en main, ne cesse de redire :
Ô Anzar, la louche est sèche,
toute verdure a disparu.
Le vieillard est voûté par les ans,
la tombe l’appelle à elle.
Mon ventre est stérile
et ne connaît pas de progéniture.
Ta fiancée t’implore,
ô Anzar, car elle te désire.
Un immense cortège les accompagne composé des gens accourus du village qui les suivent par derrière. À chaque seuil devant lequel passe le cortège, de nouveaux membres se joignent à lui et chantent eux aussi :
Anzar ! Anzar !
Ô Roi, fais cesser la sécheresse,
et que le blé mûrisse sur la montagne
comme aussi dans la plaine…
Sur le trajet de la procession on offre semoule, viande fraîche ou séchée, graisse, oignons, sel… Et les familles ainsi visitées jettent de l’eau sur les têtes, s’efforçant surtout d’atteindre la fiancée que le cortège emmène avec lui.
Une fois arrivées à la mosquée ou à l’un des sanctuaires (du village), les femmes déposent la fiancée. Puis elles se mettent à faire cuire ce qu’elles ont recueilli de porte en porte : huile, oignons… Et tous les accompagnateurs pren*nent part à ce repas. Celui-ci terminé, on lave sur place les ustensiles et on jette l’eau dans la rigole.
Après quoi, la matrone enlève ses habits à la fiancée, et la laisse nue comme au jour de sa naissance. La jeune fille s’enveloppe d’un filet à fourrage – et ceci signifie qu’il n’y a plus ni verdure ni rien de ce que produit la terre ; bref, que les gens en sont réduits à manger de l’herbe. Puis elle fait sept fois le tour du sanctuaire, tenant la louche en main de façon à avoir la tête de la louche en avant comme si elle demandait de l’eau. Tout en tournant, elle répète :
Ô vous, Maîtres des eaux, donnez-nous de l’eau…
J’offre ma vie à qui veut la prendre.
C’est pour cette raison qu’on la nomme ‘la fiancée d’Anzar’.
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