Où le lecteur apprend qu’un nombre impressionnant de mots et de tournures de la langue française est d’origine arabe ? L’auteur y entreprend non seulement de les énumérer mais également de décortiquer les procédés variés utilisés pour en brouiller la source. Il s’agit d’une gigantesque entreprise de désarabisation de la langue française via une latinisation ou un retour au grec. Toutes ces procédures ayant comme cadre le combat implacable que l’Eglise a mené contre l’Islam dans sa phase ascendante, durant les siècles passés.
Si tout un chacun sait aujourd’hui qu’alcool, algèbre, logarithme et chiffre sont d’origine arabe, il est loin de se douter du nombre réellement impressionnant de mots, d’expressions et de tournures d’origine arabe qui existent dans la langue française. Ainsi, selon le linguiste Nass E. Boutammina, l’arabe aurait participé à la genèse de la langue française tout autant que le latin. Cette vérité peu connue commence à peine à faire du bruit. C’est que l’entreprise de mystification historique a été de taille ! En effet, une fois assimilés, les textes arabes anciens, à une époque où le monde s’efforçait d’assimiler le legs scientifique, philosophique et artistique transmis par le monde musulman, il fallait en effacer toutes les traces d’appartenance à une religion considérée comme une imposture par les clergés existants. «Un sujet dominant les sciences tout au long des XVIIe et XVIIIe siècles sont l’hellénisation et la latinisation de la nomenclature et de la classification arabe. Rappelons que lors de la politique d’hellénisation, la nomenclature arabe est progressivement remplacée par des symboles et lettres grecques sous la plume des plagiaires chrétiens et avec la bénédiction des autorités ecclésiastiques. Néanmoins, ce déguisement ne change rien aux formules et aux lois qui demeurent celles que les auteurs musulmans ont inventées et dont le fait d’en retrouver les traces dans d’anciens manuscrits reste une preuve flagrante», écrit l’auteur.
Dans le dictionnaire de E. Littré (1801/1881) qui constitue encore une référence aujourd’hui, on peut trouver la définition suivante pour le mot Mahom: «Mahom ou Mahon, s.m. Nom que dans le Moyen-Age on donnait à Mahomet. «Par Mahon» jurement qui était fort en usage.» Qui l’eut cru ! Cet exemple suffit à faire comprendre les craintes nourries par tous les clergés de l’époque face à l’extension de l’islam en Occident.
Défendant le point de vue de l’honnêteté intellectuelle, l’auteur tente à travers cet ouvrage de «dévoiler cette zone d’ombre et décloisonner, enfin, l’apport de la langue arabe au français». Il appelle à dénoncer la conception mentale rétrograde qui règne tout autant chez les historiens que chez les linguistes et les sémanticiens.
Dans cette entreprise de rétablissement de la réalité historique, M. Boutammina n’est pas seul. Il est remarquable que ces dernières décennies, nombre de voix du monde de la culture et de l’histoire s’élèvent dans ce sens. L’amnésie et le déni concernant l’apport de l’âge d’or des siècles islamiques commencent à être remis en question un peu partout dans cette Europe héritière de l’Andalousie.
Après avoir retracé les différentes étapes de formation de la langue française à travers les siècles et les mouvements de l’histoire, l’auteur retrace celle des dictionnaires. Au chapitre trois, M. Boutammina explicite les étapes qui mènent à «occulter, transformer, nier» selon différentes techniques de la mystification. Notamment à travers l’histoire des dictionnaires qui ont véhiculé la haine inter-confessionnelle et la xénophobie plus souvent qu’à leur tour ! «Moyen d’alimentation, de standardisation et d’échanges, les dictionnaires s’adaptent par leur nature, leur conception et leur visée. Néanmoins, ils véhiculent toujours des idées fausses ou des préjugés qui, par ce biais, perdurent», écrit l’auteur. Concernant la définition du mot arabe par exemple, elle va de «homme avide d’argent» à «avare, cruel, tyran» à «homme qui prête son argent à un intérêt exorbitant». «Dans la version de 1932 du dictionnaire de l’Académie, le mot arabe a été retiré purement et simplement», constate l’auteur. Quant aux définitions de la religion musulmane et de son Prophète (QSSSL), avancées par ces dictionnaires, la simple pudeur empêche qu’on les transcrive ! G. Patin (1601/1672), médecin et écrivain français déclare : «La médecine, qui depuis des siècles met à contribution ses ressources thérapeutiques en faveur des trois règnes animal, végétal et minéral, est la ‘cuisine arabesque.’ Il est un devoir pour les chrétiens de modifier cette terminologie !»
L’auteur souligne alors : «L’aversion de la chrétienté pour la langue arabe, symbole de l’islam, contribue à l’invention sur la base étymologique des termes arabes, d’expressions latines et grecques. En conséquence, l’énergie qu’elle a déployée fut à l’échelle de ses sentiments. (…) Ainsi la source fut scellée pour la postérité.» Détaillant les étapes suivies, l’auteur dresse par la suite des tableaux non exhaustifs, recensant pas moins de 573 termes de langue française dont l’origine est arabe. Abbé, Abdomen, abricot, accabler, addition, affaire, aider, alambic, albinos… Une véritable leçon de démystification historique.
K. T.
«Mots français d’origine arabe» de Nas E. Boutammina
Collections Ombres et lumières, éditions El-Bouraq, Beyrouth, 2008.
Si tout un chacun sait aujourd’hui qu’alcool, algèbre, logarithme et chiffre sont d’origine arabe, il est loin de se douter du nombre réellement impressionnant de mots, d’expressions et de tournures d’origine arabe qui existent dans la langue française. Ainsi, selon le linguiste Nass E. Boutammina, l’arabe aurait participé à la genèse de la langue française tout autant que le latin. Cette vérité peu connue commence à peine à faire du bruit. C’est que l’entreprise de mystification historique a été de taille ! En effet, une fois assimilés, les textes arabes anciens, à une époque où le monde s’efforçait d’assimiler le legs scientifique, philosophique et artistique transmis par le monde musulman, il fallait en effacer toutes les traces d’appartenance à une religion considérée comme une imposture par les clergés existants. «Un sujet dominant les sciences tout au long des XVIIe et XVIIIe siècles sont l’hellénisation et la latinisation de la nomenclature et de la classification arabe. Rappelons que lors de la politique d’hellénisation, la nomenclature arabe est progressivement remplacée par des symboles et lettres grecques sous la plume des plagiaires chrétiens et avec la bénédiction des autorités ecclésiastiques. Néanmoins, ce déguisement ne change rien aux formules et aux lois qui demeurent celles que les auteurs musulmans ont inventées et dont le fait d’en retrouver les traces dans d’anciens manuscrits reste une preuve flagrante», écrit l’auteur.
Dans le dictionnaire de E. Littré (1801/1881) qui constitue encore une référence aujourd’hui, on peut trouver la définition suivante pour le mot Mahom: «Mahom ou Mahon, s.m. Nom que dans le Moyen-Age on donnait à Mahomet. «Par Mahon» jurement qui était fort en usage.» Qui l’eut cru ! Cet exemple suffit à faire comprendre les craintes nourries par tous les clergés de l’époque face à l’extension de l’islam en Occident.
Défendant le point de vue de l’honnêteté intellectuelle, l’auteur tente à travers cet ouvrage de «dévoiler cette zone d’ombre et décloisonner, enfin, l’apport de la langue arabe au français». Il appelle à dénoncer la conception mentale rétrograde qui règne tout autant chez les historiens que chez les linguistes et les sémanticiens.
Dans cette entreprise de rétablissement de la réalité historique, M. Boutammina n’est pas seul. Il est remarquable que ces dernières décennies, nombre de voix du monde de la culture et de l’histoire s’élèvent dans ce sens. L’amnésie et le déni concernant l’apport de l’âge d’or des siècles islamiques commencent à être remis en question un peu partout dans cette Europe héritière de l’Andalousie.
Après avoir retracé les différentes étapes de formation de la langue française à travers les siècles et les mouvements de l’histoire, l’auteur retrace celle des dictionnaires. Au chapitre trois, M. Boutammina explicite les étapes qui mènent à «occulter, transformer, nier» selon différentes techniques de la mystification. Notamment à travers l’histoire des dictionnaires qui ont véhiculé la haine inter-confessionnelle et la xénophobie plus souvent qu’à leur tour ! «Moyen d’alimentation, de standardisation et d’échanges, les dictionnaires s’adaptent par leur nature, leur conception et leur visée. Néanmoins, ils véhiculent toujours des idées fausses ou des préjugés qui, par ce biais, perdurent», écrit l’auteur. Concernant la définition du mot arabe par exemple, elle va de «homme avide d’argent» à «avare, cruel, tyran» à «homme qui prête son argent à un intérêt exorbitant». «Dans la version de 1932 du dictionnaire de l’Académie, le mot arabe a été retiré purement et simplement», constate l’auteur. Quant aux définitions de la religion musulmane et de son Prophète (QSSSL), avancées par ces dictionnaires, la simple pudeur empêche qu’on les transcrive ! G. Patin (1601/1672), médecin et écrivain français déclare : «La médecine, qui depuis des siècles met à contribution ses ressources thérapeutiques en faveur des trois règnes animal, végétal et minéral, est la ‘cuisine arabesque.’ Il est un devoir pour les chrétiens de modifier cette terminologie !»
L’auteur souligne alors : «L’aversion de la chrétienté pour la langue arabe, symbole de l’islam, contribue à l’invention sur la base étymologique des termes arabes, d’expressions latines et grecques. En conséquence, l’énergie qu’elle a déployée fut à l’échelle de ses sentiments. (…) Ainsi la source fut scellée pour la postérité.» Détaillant les étapes suivies, l’auteur dresse par la suite des tableaux non exhaustifs, recensant pas moins de 573 termes de langue française dont l’origine est arabe. Abbé, Abdomen, abricot, accabler, addition, affaire, aider, alambic, albinos… Une véritable leçon de démystification historique.
K. T.
«Mots français d’origine arabe» de Nas E. Boutammina
Collections Ombres et lumières, éditions El-Bouraq, Beyrouth, 2008.
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