Ramadhan 2008
Tops et flops de la télé
Par : Rachid Allik
Lu : (2715 fois)
L’Unique, par la voix de son directeur Hamraoui Habib-Chawki, avait promis aux téléspectateurs un mois de programmes à 75% algériens et des efforts en termes de qualité et de convivialité, notamment sur la fiction. À une semaine de l’Aïd, il est l’heure de tirer un premier bilan de ces promesses. Un bilan contrasté, forcément.
Le mois sacré est la période de l’année où l’ENTV enregistre traditionnellement ses plus forts taux d’audience (jusqu’à 80%). Il est donc naturel que la chaîne concentre le maximum de productions inédites durant ce mois où elle est placée sous le regard attentif et critique des Algériens. À une semaine de l’Aïd, Liberté tente une première évaluation d’une offre de fiction, abondante pour une fois, mais toujours largement inégale. Un bilan qui commence par ce qu’il nous manque le plus, en ces journées de jeûne : l’humour.
Le phénomène Hadj Lakhdar
C’est incontestablement le carton du Ramadhan 2008. Imarat Hadj Lakhdar 2, programmé dans la meilleure case possible – juste après le f’tour, les 20 premiers jours du mois – est la sitcom de l’année. Les aventures de Hadj Lakhdar, sa famille et ses locataires ont largement occupé les conversations des cafés, notamment les premiers jours de septembre, avant d’occuper la “une” de nombreux titres de la presse. On a également retrouvé une allusion à la sitcom dans la bouche d’un ministre, Boubekeur Benbouzid, devant les directeurs des établissements, à la veille de la rentrée. “Il faut que ça fonctionne dans vos écoles, comme Imarat Hadj Lakhdar.” Ferhat M’henni, de son côté, s’est carrément fendu d’un communiqué dénonçant “une dévalorisation des Kabyles par le biais de ‘l’humour arabe’ et un choix politique criminel.” L’animateur du MAK faisait allusion au personnage du gendre de Hadj Lakhdar, incarné par un Kamel Bouakkaz totalement caricatural. Une mini-polémique, une allusion gouvernementale et un sondage favorable, bref, la gloire. Mais qu’en est-il vraiment ? Hadj Lakhdar est-il vraiment drôle ou profite-t-il simplement d’un effet d’aubaine, les esprits étant rendus doucement euphoriques par le f’tour, donc bon public, à l’heure où la série passe sur l’ENTV ? Ceux qui ne l’aiment pas lui reprochent un jeu sans imagination, une tendance à la logorrhée, son mépris pour les scénaristes – il a viré celui qui devait travailler avec lui au bout de 4 épisodes —, et les directeurs d’acteurs. Plus attentifs aux valeurs, certains dénoncent une image de la famille algérienne rétrograde et obsédée par l’argent. Ceux qui l’apprécient… lui pardonnent tout cela, ne retenant qu’une figure actualisée du Père Fouettard, personnage récurrent dans la culture populaire algérienne. Boukhars, sans en avoir l’étoffe, veut ainsi se placer dans la filiation directe d’illustres prédécesseurs, comme Rouiched, Hadj Abderrahmane, plus encore Boubegra. Au dernier, à défaut du talent, il emprunte l’accent rural, le caractère rustre, loin des “bonnes manières” pratiquées en ville, et surtout l’avarice. À propos d’avarice, Lakhdar Boukhars et son équipe ont touché pas loin d’un milliard de centimes tout de même…
Souilah, brillant numéro 2
Si Imarat Hadj Lakhdar est le phénomène, par nature controversé, de ce mois sacré, Djemai Family, elle, rassemble tous les suffrages. Le tandem Gacem-Guenaoui de SD Box (Nass Mlah City) continue d’imprimer sa marque sur la télévision algérienne, mais avec moins d’originalité que par le passé. Djemai Family est cependant plus réussi que le “batima” qu’on nous loue tous les jours juste après le f’tour. Cette sitcom d’une vingtaine de minutes nous plonge au cœur d’une famille algérienne, les Djemai, emmenée par le père, notre Souilah national, ci-devant chauffeur de taxi diabétique. Les seconds rôles, de la grand-mère à la tante tunisienne, en passant par les enfants, sont également très bien portés, rappelant un peu le carton de la télé marocaine Lalla Fatima. Et à la montagne de rires préenregistrés près, c’est plutôt drôle. Évidemment, le jeu de Souilah souffre des travers habituels : monologues trop longs, répétitions – le taux de sucre de Salah grimpe à chaque épisode. La réalisation, soignée, ainsi que quelques trouvailles de scénario permettent d’alléger la sauce et d’imprimer le rythme nécessaire. À noter, justement, l’astuce hilarante de la grand-mère muette, inédit à la télévision. Pour de nombreux téléspectateurs, Djemai Family aurait dû passer en début de mois à la place de Hadj Lakhdar. Souilah, interrogé, la joue grand seigneur : “Ce n’est pas grave. L’essentiel, c’est que cela plaise, et que j’ai bien travaillé.” Ça s’appelle ne pas insulter l’avenir.
Les feuilletons
Les feuilletons du Ramadhan sont un exercice spécifique aux télés arabes. Ce qui semble une évidence représente toutefois un véritable défi technique : écrire une histoire sur trente épisodes à diffusion quotidienne qui puisse être regardée en famille. À titre de comparaison déraisonnable, une série comme Prison Break ou Lost requiert une douzaine de scénaristes, coûte des dizaines de millions de dollars, tout ça pour 22 épisodes par saison seulement. Nos producteurs et réalisateurs n’ont pas de tels moyens. Et surtout, ils manquent cruellement de scénaristes et de dialoguistes. Alors, ils font avec ce qu’ils ont, et à défaut de dialogue ou d’histoire bien charpentée, ils en rajoutent dans le drame et recrutent à tour de bras acteurs et figurants, compensant la profondeur du script par la largeur de la distribution. Ce qui explique ces génériques à rallonge qui font bien gagner trois minutes par jour au monteur. Et ils en rajoutent dans le drame. Qouloub fi siraâ, feuilleton phare du mois (tous les jours à 20h), réalisé par Nazim Kaidi, appartient à cette catégorie. Au centre, Youcef, jeune homme d’affaires dont la vie va basculer le jour où il tue un vieux dans un accident de voiture. C’est le début d’une litanie de “problèmes” qui vont du divorce au risque de faillite, sans compter une idylle impossible avec la fille du couple décédé, venue à l’origine le tuer pour venger ses parents. Après des premiers épisodes de mise en place interminablement étirés, une sorte de rythme s’installe, et ceux qui ont tenu jusque-là iront assurément jusqu’à l’Aïd. Sans doute aussi par empathie avec le rôle titre, Youcef, incarné correctement par Mustapha Laribi. Deuxième feuilleton, El-Bedra 2 de Mohamed Hazourli, diffusé à 21h45, reprend là ou El-Bedra 1 s’était arrêté en 2005. Vous vous souvenez Ammi Omar — Mohamed Adjaïmi, l’homme d’affaires qui perd une mallette contenant 11 milliards dans un taxi et qui voit sa vie presque détruite par cet oubli malencontreux ? On écrit presque, parce que évidemment, le chauffeur de taxi, en vrai “oulid familia”, va finir par lui rendre sa mallette, devenir son homme de confiance et… épouser sa fille, la jeune et prévenante Asma Djermoune. El-Bedra 2 nous ramène donc dans la belle villa de Ammi Omar, à la veille du mariage de Mourad et Assia. Mais évidemment, ça ne va pas se passer comme cela. Techniquement mieux tourné que le premier opus, El-Bedra 2 en a cependant gardé les faiblesses de scénario (signé Slimane Boubekeur). Ah ! les rugissements de Adjaïmi. Enfin, pour clore ce chapitre, l’ENTV nous avait annoncé Achwak El-Madina, comme un format innovant : une fiction policière en 20 épisodes de 20 minutes censée être “une rétrospective filmée de la lutte quotidienne contre le vol, le banditisme et tous les fléaux sociaux”, selon la plaquette de présentation. Le tout “traité avec une grande subtilité et intelligence”, affirme-t-on plus loin. On manque sans doute de sensibilité ou d’intelligence, mais au regard de ce qui a été déjà diffusé, Achwak El-Madina ne constitue pas une révolution. Hakim Dekkar n’est pas très bon.
Tops et flops de la télé
Par : Rachid Allik
Lu : (2715 fois)
L’Unique, par la voix de son directeur Hamraoui Habib-Chawki, avait promis aux téléspectateurs un mois de programmes à 75% algériens et des efforts en termes de qualité et de convivialité, notamment sur la fiction. À une semaine de l’Aïd, il est l’heure de tirer un premier bilan de ces promesses. Un bilan contrasté, forcément.
Le mois sacré est la période de l’année où l’ENTV enregistre traditionnellement ses plus forts taux d’audience (jusqu’à 80%). Il est donc naturel que la chaîne concentre le maximum de productions inédites durant ce mois où elle est placée sous le regard attentif et critique des Algériens. À une semaine de l’Aïd, Liberté tente une première évaluation d’une offre de fiction, abondante pour une fois, mais toujours largement inégale. Un bilan qui commence par ce qu’il nous manque le plus, en ces journées de jeûne : l’humour.
Le phénomène Hadj Lakhdar
C’est incontestablement le carton du Ramadhan 2008. Imarat Hadj Lakhdar 2, programmé dans la meilleure case possible – juste après le f’tour, les 20 premiers jours du mois – est la sitcom de l’année. Les aventures de Hadj Lakhdar, sa famille et ses locataires ont largement occupé les conversations des cafés, notamment les premiers jours de septembre, avant d’occuper la “une” de nombreux titres de la presse. On a également retrouvé une allusion à la sitcom dans la bouche d’un ministre, Boubekeur Benbouzid, devant les directeurs des établissements, à la veille de la rentrée. “Il faut que ça fonctionne dans vos écoles, comme Imarat Hadj Lakhdar.” Ferhat M’henni, de son côté, s’est carrément fendu d’un communiqué dénonçant “une dévalorisation des Kabyles par le biais de ‘l’humour arabe’ et un choix politique criminel.” L’animateur du MAK faisait allusion au personnage du gendre de Hadj Lakhdar, incarné par un Kamel Bouakkaz totalement caricatural. Une mini-polémique, une allusion gouvernementale et un sondage favorable, bref, la gloire. Mais qu’en est-il vraiment ? Hadj Lakhdar est-il vraiment drôle ou profite-t-il simplement d’un effet d’aubaine, les esprits étant rendus doucement euphoriques par le f’tour, donc bon public, à l’heure où la série passe sur l’ENTV ? Ceux qui ne l’aiment pas lui reprochent un jeu sans imagination, une tendance à la logorrhée, son mépris pour les scénaristes – il a viré celui qui devait travailler avec lui au bout de 4 épisodes —, et les directeurs d’acteurs. Plus attentifs aux valeurs, certains dénoncent une image de la famille algérienne rétrograde et obsédée par l’argent. Ceux qui l’apprécient… lui pardonnent tout cela, ne retenant qu’une figure actualisée du Père Fouettard, personnage récurrent dans la culture populaire algérienne. Boukhars, sans en avoir l’étoffe, veut ainsi se placer dans la filiation directe d’illustres prédécesseurs, comme Rouiched, Hadj Abderrahmane, plus encore Boubegra. Au dernier, à défaut du talent, il emprunte l’accent rural, le caractère rustre, loin des “bonnes manières” pratiquées en ville, et surtout l’avarice. À propos d’avarice, Lakhdar Boukhars et son équipe ont touché pas loin d’un milliard de centimes tout de même…
Souilah, brillant numéro 2
Si Imarat Hadj Lakhdar est le phénomène, par nature controversé, de ce mois sacré, Djemai Family, elle, rassemble tous les suffrages. Le tandem Gacem-Guenaoui de SD Box (Nass Mlah City) continue d’imprimer sa marque sur la télévision algérienne, mais avec moins d’originalité que par le passé. Djemai Family est cependant plus réussi que le “batima” qu’on nous loue tous les jours juste après le f’tour. Cette sitcom d’une vingtaine de minutes nous plonge au cœur d’une famille algérienne, les Djemai, emmenée par le père, notre Souilah national, ci-devant chauffeur de taxi diabétique. Les seconds rôles, de la grand-mère à la tante tunisienne, en passant par les enfants, sont également très bien portés, rappelant un peu le carton de la télé marocaine Lalla Fatima. Et à la montagne de rires préenregistrés près, c’est plutôt drôle. Évidemment, le jeu de Souilah souffre des travers habituels : monologues trop longs, répétitions – le taux de sucre de Salah grimpe à chaque épisode. La réalisation, soignée, ainsi que quelques trouvailles de scénario permettent d’alléger la sauce et d’imprimer le rythme nécessaire. À noter, justement, l’astuce hilarante de la grand-mère muette, inédit à la télévision. Pour de nombreux téléspectateurs, Djemai Family aurait dû passer en début de mois à la place de Hadj Lakhdar. Souilah, interrogé, la joue grand seigneur : “Ce n’est pas grave. L’essentiel, c’est que cela plaise, et que j’ai bien travaillé.” Ça s’appelle ne pas insulter l’avenir.
Les feuilletons
Les feuilletons du Ramadhan sont un exercice spécifique aux télés arabes. Ce qui semble une évidence représente toutefois un véritable défi technique : écrire une histoire sur trente épisodes à diffusion quotidienne qui puisse être regardée en famille. À titre de comparaison déraisonnable, une série comme Prison Break ou Lost requiert une douzaine de scénaristes, coûte des dizaines de millions de dollars, tout ça pour 22 épisodes par saison seulement. Nos producteurs et réalisateurs n’ont pas de tels moyens. Et surtout, ils manquent cruellement de scénaristes et de dialoguistes. Alors, ils font avec ce qu’ils ont, et à défaut de dialogue ou d’histoire bien charpentée, ils en rajoutent dans le drame et recrutent à tour de bras acteurs et figurants, compensant la profondeur du script par la largeur de la distribution. Ce qui explique ces génériques à rallonge qui font bien gagner trois minutes par jour au monteur. Et ils en rajoutent dans le drame. Qouloub fi siraâ, feuilleton phare du mois (tous les jours à 20h), réalisé par Nazim Kaidi, appartient à cette catégorie. Au centre, Youcef, jeune homme d’affaires dont la vie va basculer le jour où il tue un vieux dans un accident de voiture. C’est le début d’une litanie de “problèmes” qui vont du divorce au risque de faillite, sans compter une idylle impossible avec la fille du couple décédé, venue à l’origine le tuer pour venger ses parents. Après des premiers épisodes de mise en place interminablement étirés, une sorte de rythme s’installe, et ceux qui ont tenu jusque-là iront assurément jusqu’à l’Aïd. Sans doute aussi par empathie avec le rôle titre, Youcef, incarné correctement par Mustapha Laribi. Deuxième feuilleton, El-Bedra 2 de Mohamed Hazourli, diffusé à 21h45, reprend là ou El-Bedra 1 s’était arrêté en 2005. Vous vous souvenez Ammi Omar — Mohamed Adjaïmi, l’homme d’affaires qui perd une mallette contenant 11 milliards dans un taxi et qui voit sa vie presque détruite par cet oubli malencontreux ? On écrit presque, parce que évidemment, le chauffeur de taxi, en vrai “oulid familia”, va finir par lui rendre sa mallette, devenir son homme de confiance et… épouser sa fille, la jeune et prévenante Asma Djermoune. El-Bedra 2 nous ramène donc dans la belle villa de Ammi Omar, à la veille du mariage de Mourad et Assia. Mais évidemment, ça ne va pas se passer comme cela. Techniquement mieux tourné que le premier opus, El-Bedra 2 en a cependant gardé les faiblesses de scénario (signé Slimane Boubekeur). Ah ! les rugissements de Adjaïmi. Enfin, pour clore ce chapitre, l’ENTV nous avait annoncé Achwak El-Madina, comme un format innovant : une fiction policière en 20 épisodes de 20 minutes censée être “une rétrospective filmée de la lutte quotidienne contre le vol, le banditisme et tous les fléaux sociaux”, selon la plaquette de présentation. Le tout “traité avec une grande subtilité et intelligence”, affirme-t-on plus loin. On manque sans doute de sensibilité ou d’intelligence, mais au regard de ce qui a été déjà diffusé, Achwak El-Madina ne constitue pas une révolution. Hakim Dekkar n’est pas très bon.
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