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« Valse avec Bashir »; revisite le massacre de Sabra et Chatila avec Ari Folman

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  • « Valse avec Bashir »; revisite le massacre de Sabra et Chatila avec Ari Folman

    Sabra et Chatila sont des mots et une date (du 16 au 18 septembre 1982) qui ne passent pas. Deux nuits et un jour de massacre dans des camps de réfugiés palestiniens à Beyrouth, perpétré par les phalangistes chrétiens que menait Elie Hobeika, tandis que l’armée israélienne, puissance occupante du secteur depuis l’opération Paix en Galilée, détournait les yeux.

    Parmi les troufions de Tsahal envoyés sur ce front de la guerre du Liban, le jeune Ari Folman fait partie de ceux, nombreux, qui ne digèreront pas l’épisode. Mais la violence du traumatisme qu’il subit n’a d’égal que les profondeurs psychiques où il l’enfouit  : rien, il ne se souvient de rien, si ce n’est cette image où il se voit se baignant nu, la nuit, avec deux camarades, près du rivage d’une ville que d’étranges mèches embrasées illuminent. Inaccessibles, refoulés, tabous, les souvenirs du soldat pèseront néanmoins assez lourd pour justifier que, vingt-cinq ans plus tard, Folman parte finalement à leur recherche. Mais pour cela, il fallait trouver le bon remède, la bonne formule, le bon chemin  : il fallait qu’entre-temps le soldat soit devenu cinéaste. C’est donc en tant que tel qu’Ari Folman est arrivé à Cannes, avec son film de souvenirs sous le bras, Valse avec Bashir, retraçant l’enquête introspective menée par Folman (sur) lui-même.

    La surprise, c’est la forme qu’il donne à son projet : un film d’animation, choix qui pourrait paraître de pur effet ou de pure audace, mais qui s’impose à tous dès les premières images. Parmi les hypothèses qui peuvent expliquer ce choix, une forme de pudeur a certainement joué son rôle. Racontant sa propre vie et les processus d’évocation auxquels il se soumet (les rêves, les vieux amis, la psychothérapie…) pour recouvrer ce bloc de mémoire perdu, Folman semble avoir eu besoin de tendre, entre cette intimité et nous, un drap graphique, couche protectrice de matériaux, dessins et peintures posée sur un récit trop longtemps indicible et qui émerge sous nos yeux. Jamais pourtant ce travail d’artiste n’amoindrit la teneur du film ni son impact  : l’image dessinée accélère au contraire le processus d’intermédiation, le simplifie, l’encourage, le facilite. Le style retenu campe au croisement des meilleures tendances actuelles de l’animation  : des cauchemars aux couleurs manga, des tête-à-tête en ligne claire, de l’énergie à revendre, de la gravité en toutes occasions. Un peu d’animation Flash par ici, du fusain par là et de la 3D avec numérisation cotonneuse de « vraies » images de temps en temps.

    Beaucoup de mélange dans le chaudron, donc, mais, au final, une réussite, à l’image de ces mèches embrasées qui forment l’ingrédient dramatique originel, le Rosebud de Valse avec Bashir. Elles sont d’une part le motif poétique initial, suspendu dans son lumineux mystère, pluie de lucioles géantes, torches célestes fondant sur un paysage imprécis. Elles s’avéreront, au terme du retour sur soi du cinéaste, des fusées éclairantes. C’est-à-dire le symbole de la honte pour cette armée israélienne qui les a lâchées la nuit, au-dessus des camps, facilitant ainsi la besogne des assassins.

    A ce stade, ce n’est plus de l’animation, c’est de la réanimation  : un retour à la vie sous le masque des images dessinées, ou plutôt sous leur cristal magique, leur formidable pouvoir de révélateur et leur capacité à fixer ce qu’elles font revenir. La poésie de l’animation devient alors un réel absolu, cueillant par ses sortilèges l’émotion du spectateur et rendant à l’héroïque antihéros sa sérénité d’homme n’ayant rien demandé de cet affreux merdier.

    A todo cerdo le llega su San Martín.
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