Le film "ENNEMI INTIME" doit sortir début Octobre. Il parle de la guerre d'Algérie (décolonisation). Les critiques disent que c'est un excellent film avec de trés bons acteurs français et algériens. Je vous dirais mon impression dés que possible.
Par ailleurs on vient de m'adresser la présentation d'un film dont la lecture m'a ému, trés ému. Je vous laisse le soin de lire cette présentation et j'irai voir ce film et vous dirais ce que j'en pense.
Bonne lectrure à vous tous et bon continuité de votre ramadan en espérant que cela ne soit pas trop difficile de jeûner.
B'Slama à vous tous.
« N’OUBLIE PAS, petit. »
CARTOUCHES GAULOISES, de Mehdi Charef
Un film, ou la promesse implicite, faite à celui qui part, de se souvenir.
Oeuvre d’une mémoire qui refuse d’être univoque et qui affronte les parts d’horreur autant que la nostalgie (donc la mémoire) des liens entre les êtres.
www.pathedistribution.com
http://www.pathedistribution.com/acc...p?IDFilm=1702#
(fiche du film avec synopsis + vidéo)
www.cartouchesgauloises-lefilm.com (photographie : les enfants)
http://www.cartouchesgauloises-lefilm.com
dzlit.free.fr http://dzlit.free.fr/mcharef.html (Mehdi Charef, itinéraire)
Texte rédigé après la première, à Paris :
Film très bon. Excellent, même. On pleure, mais ce n’est pas pour cela qu’il est excellent. C’est parce qu’il est excellent qu’on pleure : nuance.
Algériens arabo-berbères proches, simples, humains, vrais. Pieds-Noirs, de même.
Liens entre les gens, entre les communautés : tendresses, gentillesses, petits gestes comme on avait, voisins qui se connaissent, enfant qui va partout et qui trouve de la proximité tendre chez tous.
L'image des gens du peuple est très valorisante, au sens où le portrait est subtil, touchant, où le cinéaste casse les clichés : ce n'est pas qu'il valorise en montrant plus que la réalité, mais il réhabilite en révélant les valeurs simples des gens réels, contre les mensonges habituels et les caricatures. Qu'ils soient Arabo-Berbères ou Européens d'origine (les Pieds-Noirs, quand ce mot n'existait pas vraiment), ils sont regardés de l'intérieur, en quelque sorte, comme on regarde dans une démarche de vérité, quand on n'a pas, d'abord, des préjugés idéologiques comme préalables à la perception. Quand on ne fait pas de projections racistes.
Beaux portraits de personnages, de personnes, qui ont une présence très forte.
Rachel et son mari, le chef de gare, Ali, l'enfant central, la mère d'Ali, (mais aussi la jeune prostituée qu'il essaye de sauver, émouvante), Nico, son copain, très important, très présent, attachant aussi (et dont le départ sera montré, à la fin, par le vide de la maison, et par ce ballon de foot qu’il saisit, symbole de l'amitié des enfants). Et, bien sûr, le projecteur au beau visage chaleureux, avec la complicité en plus : celle des amoureux du cinéma. Quelques enfants, deux petites filles : une blonde, une brune.
Les groupes humains, la rue (Comment a-t-il fait pour restituer l'ambiance à ce point? J'avais l'impression de plonger dans le passé et dans des rues d'enfance).
Très beaux visages d'Algériens arabo-berbères, et très beaux visages d'Européens.
Equilibre dans le regard sur les êtres, pas de manichéisme. Il ne fait pas les uns plus justes que les autres : il montre l'épaisseur humaine de chacun.
Les relations, comme dans la vie, jusque dans la petite séduction entre Nico et la petite fille arabe, à qui il vient offrir des perles. (On peut y voir la métaphore de ce qu'aurait pu être l'avenir de l'Algérie, avec l'évolution commençante, qui aurait rendu possibles les amours entre individus de communautés différentes). Et jusque dans les disputes des deux garçons, qui s'aiment mais se font la guerre en mots, prenant fait et cause pour leur communauté, adoptant les convictions des leurs, excessifs parfois, comme peuvent être les enfants, qui disent tout, et se remettent à jouer…
Mais c'est 62, fin de guerre, longue litanie de violences.
Il n'édulcore rien, montre la brutalité des faits, l'horreur de la guerre, dans les crimes qu'elle entraîne et dans ce qu'elle fait des êtres qui combattent ou qui doivent combattre.
Justement : ceux qui combattent, pas les civils. Lui, connaissant, ne confond pas les uns et les autres. Des civils il montre le quotidien, et les victimes : il ne les confond pas, comme parfois les médias français, avec des soldats ou des politiques.
Il montre exactions et crimes, il évoque la torture.
Exécutions sommaires, rafles, brutalités, viol (l'armée, oui, car l'armée française n'a pas eu un vaccin spécial qui la protège des dérives habituelles des armées en guerre). Narration qui utilise la mémoire du peuple et l'histoire de faits attestés.
Mais, aussi, des soldats qui vaccinent des enfants et se comportent très humainement (l'armée encore, car la vérité est double).
Terrorisme : bombe dans une fête, ou famille de Julie assassinée dans sa maison, cela aussi est montré. Et l'apparition d'uniformes nouveaux, où on peut voir les prémices d'un pouvoir assez dur, quand une simple prostituée semble l'ennemi à abattre.
Harkis? On les voit ne pas avoir forcément le beau rôle, et le petit garçon va dénoncer Djelloul caché dans sa cabane (on sait bien qu'il l'envoie à la mort, on le voit). Mais c’est un petit garçon qui a aussi retenu la main de quelqu’un pour éviter une escalade meurtrière, et c’est un petit garçon traumatisé, qui a vu le pire, et dont le père, maquisard, est certainement mort (malgré la scène où il crie vers lui, à la fin). Un petit garçon qui en sait trop, qui en voit trop. Comme son copain Nico.
Les yeux effarés des enfants, yeux écarquillés devant l’horreur, et bouche qui ne crie pas, leurs yeux traduisent mieux que tout cette sidération du grand traumatisme.
Cependant on voit aussi Djelloul et les autres Harkis être repoussés, abandonnés : la responsabilité de l’armée française est clairement montrée. Le passage du camion est terrible (ils sont repoussés, il n’y a pas de place pour eux avec une armée qui fuit et qui ne les considère plus, alors, comme faisant tout à fait partie d’elle, maintenant qu’elle n’en a plus besoin – mais là aussi un soldat proteste contre cet abandon) .Ce qu’il en sera d’eux est nettement évoqué, par deux fois.
Quand cet homme, Djelloul, voulait nourrir sa famille et demandait à Ali d’être son coursier et intermédiaire, on voyait sa solitude, déjà. Dans la cabane c’est sa détresse qu’on voit : de rage il a tiré sur le lieutenant odieux qui le repoussait, et, ici, il doit se cacher – pire, il n’a plus où aller. Il se retrouve dans cet entre-deux des enfants, retour fœtal vers la mort. Perdu. Condamné. Pas jugé : montré.
Le départ des Pieds-Noirs présenté comme un déchirement, comme un arrachement. Le vieux couple qui résiste au fils, Rachel qui hurle contre l'exil : plutôt mourir ! Les enfants qui font tout pour rater le bateau ou le train, qui n'ont pas envie d'aller dans un pays "où il fait froid et où on n'a pas de copains".
La cabane qu'Ali et Nico construisent (merveilleux les petits acteurs, comme tous ces comédiens), cette cabane ressemble à nos cabanes d'enfants qui jouaient avec rien, qui fabriquaient leurs jeux avec ce qu'ils trouvaient. Elle est aussi un symbole, l'ébauche d'un pays possible que nous pouvions construire ensemble. Comme on ne refait pas l'histoire, la cabane ne se reconstruira pas en effaçant des décennies. Mais on peut récupérer ses morceaux et en faire des ponts, symboliques et réels : de mots, et de faits, comme Mehdi Charef vient de faire, fidèle lui aussi à la promesse implicite que son jeune personnage a faite silencieusement au chef de gare qui lui dit "Petit, n'oublie pas". Car seuls les Algériens ont la mémoire des Pieds-Noirs en Algérie. Et seuls les Pieds-Noirs peuvent comprendre culturellement complètement les Algériens ou leurs descendants, y compris de ce côté de la mer.
Nous avons les uns et les autres une responsabilité réciproque : un devoir de mémoire qui ne doit surtout pas tomber dans les pièges du communautarisme (personne ne nous croirait, ni les uns ni les autres - les gens ne sont pas si bêtes : en premier temps, oui, mais pas sur le long terme). Devoir de mémoire et de conscience : message universel que celui d'une parole réciproque à partager.
Devoir pour le futur, de Méditerranéens d'une terre originelle jetée sur deux rives.
Ce film est aussi le Cinéma Paradiso franco-algérien de la naissance d’une vocation. Même réalité populaire, même complicité, mais dans un contexte de guerre et de douleur. Justement : quand on a vu l’horreur on développe une acuité de regard et un besoin de mettre des images sur le monde. Peut-être pour le changer…
Ce que fait l’enfant avec ses yeux, son ami, et les mots espagnols de Los Olvidados, le film préféré. On aime qu’il sache ainsi par cœur ces mots-là.
Sortie le 8 août 07.
MCSJuan, 18-7-07
== Choisissez des titres explicites svp ==
Par ailleurs on vient de m'adresser la présentation d'un film dont la lecture m'a ému, trés ému. Je vous laisse le soin de lire cette présentation et j'irai voir ce film et vous dirais ce que j'en pense.
Bonne lectrure à vous tous et bon continuité de votre ramadan en espérant que cela ne soit pas trop difficile de jeûner.
B'Slama à vous tous.
« N’OUBLIE PAS, petit. »
CARTOUCHES GAULOISES, de Mehdi Charef
Un film, ou la promesse implicite, faite à celui qui part, de se souvenir.
Oeuvre d’une mémoire qui refuse d’être univoque et qui affronte les parts d’horreur autant que la nostalgie (donc la mémoire) des liens entre les êtres.
www.pathedistribution.com
http://www.pathedistribution.com/acc...p?IDFilm=1702#
(fiche du film avec synopsis + vidéo)
www.cartouchesgauloises-lefilm.com (photographie : les enfants)
http://www.cartouchesgauloises-lefilm.com
dzlit.free.fr http://dzlit.free.fr/mcharef.html (Mehdi Charef, itinéraire)
Texte rédigé après la première, à Paris :
Film très bon. Excellent, même. On pleure, mais ce n’est pas pour cela qu’il est excellent. C’est parce qu’il est excellent qu’on pleure : nuance.
Algériens arabo-berbères proches, simples, humains, vrais. Pieds-Noirs, de même.
Liens entre les gens, entre les communautés : tendresses, gentillesses, petits gestes comme on avait, voisins qui se connaissent, enfant qui va partout et qui trouve de la proximité tendre chez tous.
L'image des gens du peuple est très valorisante, au sens où le portrait est subtil, touchant, où le cinéaste casse les clichés : ce n'est pas qu'il valorise en montrant plus que la réalité, mais il réhabilite en révélant les valeurs simples des gens réels, contre les mensonges habituels et les caricatures. Qu'ils soient Arabo-Berbères ou Européens d'origine (les Pieds-Noirs, quand ce mot n'existait pas vraiment), ils sont regardés de l'intérieur, en quelque sorte, comme on regarde dans une démarche de vérité, quand on n'a pas, d'abord, des préjugés idéologiques comme préalables à la perception. Quand on ne fait pas de projections racistes.
Beaux portraits de personnages, de personnes, qui ont une présence très forte.
Rachel et son mari, le chef de gare, Ali, l'enfant central, la mère d'Ali, (mais aussi la jeune prostituée qu'il essaye de sauver, émouvante), Nico, son copain, très important, très présent, attachant aussi (et dont le départ sera montré, à la fin, par le vide de la maison, et par ce ballon de foot qu’il saisit, symbole de l'amitié des enfants). Et, bien sûr, le projecteur au beau visage chaleureux, avec la complicité en plus : celle des amoureux du cinéma. Quelques enfants, deux petites filles : une blonde, une brune.
Les groupes humains, la rue (Comment a-t-il fait pour restituer l'ambiance à ce point? J'avais l'impression de plonger dans le passé et dans des rues d'enfance).
Très beaux visages d'Algériens arabo-berbères, et très beaux visages d'Européens.
Equilibre dans le regard sur les êtres, pas de manichéisme. Il ne fait pas les uns plus justes que les autres : il montre l'épaisseur humaine de chacun.
Les relations, comme dans la vie, jusque dans la petite séduction entre Nico et la petite fille arabe, à qui il vient offrir des perles. (On peut y voir la métaphore de ce qu'aurait pu être l'avenir de l'Algérie, avec l'évolution commençante, qui aurait rendu possibles les amours entre individus de communautés différentes). Et jusque dans les disputes des deux garçons, qui s'aiment mais se font la guerre en mots, prenant fait et cause pour leur communauté, adoptant les convictions des leurs, excessifs parfois, comme peuvent être les enfants, qui disent tout, et se remettent à jouer…
Mais c'est 62, fin de guerre, longue litanie de violences.
Il n'édulcore rien, montre la brutalité des faits, l'horreur de la guerre, dans les crimes qu'elle entraîne et dans ce qu'elle fait des êtres qui combattent ou qui doivent combattre.
Justement : ceux qui combattent, pas les civils. Lui, connaissant, ne confond pas les uns et les autres. Des civils il montre le quotidien, et les victimes : il ne les confond pas, comme parfois les médias français, avec des soldats ou des politiques.
Il montre exactions et crimes, il évoque la torture.
Exécutions sommaires, rafles, brutalités, viol (l'armée, oui, car l'armée française n'a pas eu un vaccin spécial qui la protège des dérives habituelles des armées en guerre). Narration qui utilise la mémoire du peuple et l'histoire de faits attestés.
Mais, aussi, des soldats qui vaccinent des enfants et se comportent très humainement (l'armée encore, car la vérité est double).
Terrorisme : bombe dans une fête, ou famille de Julie assassinée dans sa maison, cela aussi est montré. Et l'apparition d'uniformes nouveaux, où on peut voir les prémices d'un pouvoir assez dur, quand une simple prostituée semble l'ennemi à abattre.
Harkis? On les voit ne pas avoir forcément le beau rôle, et le petit garçon va dénoncer Djelloul caché dans sa cabane (on sait bien qu'il l'envoie à la mort, on le voit). Mais c’est un petit garçon qui a aussi retenu la main de quelqu’un pour éviter une escalade meurtrière, et c’est un petit garçon traumatisé, qui a vu le pire, et dont le père, maquisard, est certainement mort (malgré la scène où il crie vers lui, à la fin). Un petit garçon qui en sait trop, qui en voit trop. Comme son copain Nico.
Les yeux effarés des enfants, yeux écarquillés devant l’horreur, et bouche qui ne crie pas, leurs yeux traduisent mieux que tout cette sidération du grand traumatisme.
Cependant on voit aussi Djelloul et les autres Harkis être repoussés, abandonnés : la responsabilité de l’armée française est clairement montrée. Le passage du camion est terrible (ils sont repoussés, il n’y a pas de place pour eux avec une armée qui fuit et qui ne les considère plus, alors, comme faisant tout à fait partie d’elle, maintenant qu’elle n’en a plus besoin – mais là aussi un soldat proteste contre cet abandon) .Ce qu’il en sera d’eux est nettement évoqué, par deux fois.
Quand cet homme, Djelloul, voulait nourrir sa famille et demandait à Ali d’être son coursier et intermédiaire, on voyait sa solitude, déjà. Dans la cabane c’est sa détresse qu’on voit : de rage il a tiré sur le lieutenant odieux qui le repoussait, et, ici, il doit se cacher – pire, il n’a plus où aller. Il se retrouve dans cet entre-deux des enfants, retour fœtal vers la mort. Perdu. Condamné. Pas jugé : montré.
Le départ des Pieds-Noirs présenté comme un déchirement, comme un arrachement. Le vieux couple qui résiste au fils, Rachel qui hurle contre l'exil : plutôt mourir ! Les enfants qui font tout pour rater le bateau ou le train, qui n'ont pas envie d'aller dans un pays "où il fait froid et où on n'a pas de copains".
La cabane qu'Ali et Nico construisent (merveilleux les petits acteurs, comme tous ces comédiens), cette cabane ressemble à nos cabanes d'enfants qui jouaient avec rien, qui fabriquaient leurs jeux avec ce qu'ils trouvaient. Elle est aussi un symbole, l'ébauche d'un pays possible que nous pouvions construire ensemble. Comme on ne refait pas l'histoire, la cabane ne se reconstruira pas en effaçant des décennies. Mais on peut récupérer ses morceaux et en faire des ponts, symboliques et réels : de mots, et de faits, comme Mehdi Charef vient de faire, fidèle lui aussi à la promesse implicite que son jeune personnage a faite silencieusement au chef de gare qui lui dit "Petit, n'oublie pas". Car seuls les Algériens ont la mémoire des Pieds-Noirs en Algérie. Et seuls les Pieds-Noirs peuvent comprendre culturellement complètement les Algériens ou leurs descendants, y compris de ce côté de la mer.
Nous avons les uns et les autres une responsabilité réciproque : un devoir de mémoire qui ne doit surtout pas tomber dans les pièges du communautarisme (personne ne nous croirait, ni les uns ni les autres - les gens ne sont pas si bêtes : en premier temps, oui, mais pas sur le long terme). Devoir de mémoire et de conscience : message universel que celui d'une parole réciproque à partager.
Devoir pour le futur, de Méditerranéens d'une terre originelle jetée sur deux rives.
Ce film est aussi le Cinéma Paradiso franco-algérien de la naissance d’une vocation. Même réalité populaire, même complicité, mais dans un contexte de guerre et de douleur. Justement : quand on a vu l’horreur on développe une acuité de regard et un besoin de mettre des images sur le monde. Peut-être pour le changer…
Ce que fait l’enfant avec ses yeux, son ami, et les mots espagnols de Los Olvidados, le film préféré. On aime qu’il sache ainsi par cœur ces mots-là.
Sortie le 8 août 07.
MCSJuan, 18-7-07
== Choisissez des titres explicites svp ==
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