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Dihia, l'ode aux paysannes kabyles

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  • Dihia, l'ode aux paysannes kabyles

    La maison de la culture de Béjaïa a connu, dimanche dernier, une animation bien particulière. Le jeune cinéaste Omar Belkacemi et son producteur Hocine Redjala, l'allure tout aussi juvénile, ont choisi cet établissement pour y donner le premier tour de manivelle d'un moyen métrage de fiction intitulé Dihia. La singularité réside évidemment dans cette atmosphère chaleureuse et empreinte de gaieté où le septième art était justement à l'honneur.

    Rares, en effet, sont les occasions où les créateurs et le public se retrouvent dans une sorte de communion pour se revoir et se raconter dans la simplicité. De nombreux artistes et cinéphiles de la région ont tenu à marquer leur présence à cette circonstance, qui, aussitôt le premier plan pris, s'est transformée en une espèce de forum sur les difficultés du métier. Redjala évoquera toutes les contraintes qui se dressent devant la nouvelle génération de cinéastes. Il cite, non sans regret, l'absence de mécanismes de soutien à la production, l'inexistence des établissements de formation, le démantèlement de l'industrie du film, la fermeture des salles de projection, l'ostracisme qui frappe la libre création et le verrouillage du champ audiovisuel. Il témoigne en relatant ses déboires dans le montage de ses propres films documentaires (52') : l'Encre de la liberté, un hommage aux journalistes algériens, Gardienne de la mémoire, un hymne à la féminité, et Pèlerinage au bout du pic, une fresque dédiée au Djurdjura. Afin d'encourager le développement de la filière, il estime que la télévision nationale a un grand rôle à jouer en diffusant les œuvres -du reste bien reçues ailleurs- de cette génération qui monte.

    De son côté, Belkacemi relatera, lui aussi, son parcours de combattant à la recherche d'un producteur à son film qui aurait eu, selon ses dires, les encouragements de nombreux spécialistes. Il cite Amine Zaoui, Jean-Pierre Lledo, Tahar Chikhaoui, Jean- Michel Fredon et Alexandrine Bresson comme autant de critiques qui ont salué son scénario.

    Après de nombreuses allées et venues entre la direction de la culture et le ministère de tutelle, Omar n'a récolté que des promesses qui ont fini par décourager un premier producteur qui avait manifesté de l'intérêt à son projet. «J'ai même bradé des biens de la famille pour les besoins du casting et du repérage», dit-il avant de souligner que seule l'APC d'Adekar lui avait promis d'assurer le transport des comédiens et des techniciens. «Il me faut, au moins, une prise en charge de toute l'équipe durant les quinze jours de tournage», implore-t-il, déterminé à aller jusqu'au bout.

    Dihia est une fiction qui lui tient trop à cœur pour renoncer facilement. C'est un témoignage poignant sur les sacrifices de la femme paysanne.

    La scène est un village kabyle de haute montagne (Seddouk) dans la tourmente des années 1990. Enclavée, la communauté villageoise vit toujours dans le respect absolu de la tradition et des usages ancestraux. En plus du conservatisme habituel, qui n'a pas pris une ride, le hameau se trouve soudain saisi d'une espèce de délire contagieux, transmis par des visiteurs qui lui sont manifestement étrangers.

    Des barbus, curieusement accoutrés, et des femmes entièrement voilées qui montent, essentiellement, de la ville.

    Des citadins, originaires de la contrée, qui viennent en pèlerinage, ou en visite de courtoisie. L'ambiance s'alourdit. Une espèce d'incertitude plane partout. Profitant de cette situation d'exception, le patriarcat s'épaissit lui aussi. Un climat malsain s'instaure. Une paysanne, jeune épouse d'émigré, vit seule avec son écolier de fils dans l'attente d'un mari qui n'a pas donné signe de vie depuis des années. Face à l'incertitude ambiante, Dihia et Ameziane déploient des trésors de courage et de résignation pour tenir bon.

    Privations, solitude et moments de doute meublent cette vie introvertie qui est la leur. Vaincre ses rêves, refouler ses ambitions et taire ses désirs sont, en quelque sorte, autant de victoires qu'ils remportent au quotidien pour ne pas sombrer dans la déprime. Leur périmètre est très limité : la maison, le verger familial et l'école.

    Personne ne leur rend visite. Seul l'épicier du village, Da Lounes, leur vient couramment en aide en acceptant de les approvisionner à crédit en produits de première nécessité. La radio, seul moyen d'information et de distraction disponible, donne de mauvaises nouvelles. Un événement heureux allait cependant renverser cette monotonie.

    «Dihia ne voit pas le bout du tunnel. Et pourtant, avec l'arrivée impromptue de son frère Mohand, elle réalisera que l'horizon pourrait bien s'éclaircir», lit-on dans le synopsis. Voilà, à peu près, la trame du rêve tenace de Omar.

    Lui-même fils d'émigré, Belkacemi avoue qu'il s'agit là d'une biographie romancée de sa propre mère pour rendre «le meilleur des hommages aux paysannes du pays profond, qui, par leur courage, leur amour et leur générosité ont, encore une fois, remis l'Algérie debout», précise-t-il, en soulignant que ces mères-courage, modestement, donnent toujours sans compter «continuent de souffrir en silence et dans l'indifférence».

    Ancien comédien du TRB, Omar Belkacemi s'est exilé en 1997 pour étudier le cinéma (réalisation et scénarisation). Il s'établit en Tunisie à partir de 1999 et participe en qualité d'acteur et d'assistant réalisateur à une quinzaine de films dont on citera Kamikaze de Nouri Bouzid (Tunisie 2005), le Tigre et la Neige de Roberto Benini (co-production tuniso-italienne 2004) et Deadline Beyrouth de Michael Alan et Ludi Boeken (co-production franco-tunisienne 2002). Après les Berbères en Tunisie, un court métrage documentaire écrit et réalisé en 2003, Omar Belkacemi, signe là sa deuxième œuvre personnelle.

    Par La Tribune
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