Le Cadavre Encerclé, une pièce intense sur un problème colonial
Une adaptation du roman au théâtre, un pari à double tranchant.
Kateb Yacine est un auteur fort renommé notamment pour ces deux ouvrages ; Le cercle des représailles et Nedjma. Le premier est un recueil de théâtre comprenant une farce et deux tragédies dont Le cadavre encerclé. Cette dernière est la transposition au théâtre du roman Nedjma.
On se retrouve donc avec Nedjma, une jeune femme, amoureuse d’un certain Lahkdar, chef d’un groupe de résistant à la colonisation française de l’Algérie. On est donc confronté d’une part à la violence des confrontations entre la police et la résistance et d’autre part à une histoire d’amour passionné et à la fois destructeur par l’investissement de Lahkdar pour son combat. On est également face à une amitié forte mais contrastée partagée par Lahkdar, Mustapha et Hassan, devenus proches en prison.
Le texte original est vraiment marqué par son aspect poétique et par les métaphores omniprésentes. Ces figures de style sont restées dans l’adaptation théâtrale, ce qui peut parfois provoquer un problème de rythme, le rendant ainsi moins naturel. Malgré tout, le jeu des acteurs touche le public dès la première scène, nous rendant ainsi tout de suite proche de Nedjma , puis de Lahkdar avec son monologue de départ et enfin des autres personnages que nous découvrons au fil de la pièce. Nous tenons donc à saluer les performances de Laeticia Lalle Bi Bénie (Nedjma), d’Ali Esmili (Lahkdar), de Mohamed Brikat (Mustapha), de Lyes Kaouah (Hasan), de Hichem Mesbah (Tahar et un marchand) et d’Amandine Vinson (la fille de l’officier).
Une mise en scène minimaliste brisant le quatrième mur.
La mise en scène est minimaliste dans le sens où il n’y a que très peu d’éléments sur scène. Une fondation tournante en métal indique ainsi aux spectateurs les différents lieux de la pièce ; la chambre de la jeune fille de l’officier français, le local des résistants, la rue des Vandales. Il y a également dans les accessoires et les costumes un aspect très épuré, rendant les personnages plus réels et le contexte plus marqué. Des habits simples, voire usés pour rappeler l’aspect pauvre de cette rue, en contraste avec les costumes sobres mais chics des amis de Lahkdar, mais aussi avec l’uniforme de l’officier français. Lors de la première scène, le public est face à une femme interprétant un chant traditionnel, une fumée se dégage peu à peu de la scène pour embrumer les spectateurs eux aussi, les incluant d’ores et déjà à la pièce.
La composition musicale de Pierrick Monnereau pourrait être assimilée à un dernier personnage mais aussi à une fonction. Il n’y a que très peu de musiques à proprement parler mais surtout un univers sonore mis en avant par des effets de synthèse appartenant aux musiques électroniques, des bruitages rappelant une guerre, des effets de voix pour renforcer le combat interne et personnel de chaque personnage.
Cet univers sonore permet aussi d’amener les transitions entre les scènes, les changements de décors et les péripéties de l’œuvre, mais aussi de renforcer le caractère engagé de la pièce.
Malgré tout, l’équilibre des sons pourrait quelque fois être aménagé différemment car, quelques fois, cet univers devenait assourdissant. Il y a dans la mise en scène ainsi que dans la composition musicale un aspect cyclique qui rappelle Le cercle des représailles mais également une notion du temps qui mélange le passé, présent et futur.
Une espace chronologique bouleversé.
Le contexte de la pièce est omniprésent. C’est celui de la colonisation française de l’Algérie mais surtout un évènement encore plus marquant mais souvent oublié : le massacre de Sétif le 8 mai 1945. Les manifestations dans les rues de Sétif, Kherrata et Constantine avaient causé la mort de 45 000 Algériens, sonnant ainsi le glas de l’ère coloniale.
Nous comprenons tout de suite l’atmosphère pesante de la pièce renforcée par une course contre le temps. Mais dans cette pièce la notion de temps est à la fois inexistante et omniprésente Ce bouleversement du temps empêche quelque fois la clarté de certaines scènes mais renforce le caractère universel de certains autres passage (le monologue de Lahkdar par exemple). Il est quelque fois difficile de comprendre l’ordre chronologique de la pièce car des éléments plus lointains sont cités dès le début ; par exemple au local, les protagonistes parlent d’un temps en prison, or ce temps nous est montré à la fin de la pièce avec la mort d’un des personnages ou si certains des personnages retournent en prison.
Le cadavre encerclé est une pièce de théâtre mais pas seulement, elle est le témoignage d’une époque, d’un conflit. La mise en scène proposée par Anaïs Cintas est intéressante et aboutie ; elle ne peut laisser aucun spectateur de marbre face à ce bouleversement sensoriel, temporel et tragique dont il est témoin.
(Retrouvez ici un extrait du cadavre encerclé)
Camille Pialoux
Le Cadavre Encerclé de Kateb Yacine est l’autre face de la poétique théâtrale,où l’esthétique dramatique est transfigurée sur scène, annonçant déplacement des conflits à l’âme du héros, mettant au jour notre perception avivée par l’idée de destinée d’un conflit tragique touchant un être exceptionnel qui s’est lancé dans les bras de l’Histoire et a accepté son destin. Tel est le message esthétique éthique attendu de ce type d’œuvres d’art éternelles
Kateb Yacine est un auteur fort renommé notamment pour ces deux ouvrages ; Le cercle des représailles et Nedjma. Le premier est un recueil de théâtre comprenant une farce et deux tragédies dont Le cadavre encerclé. Cette dernière est la transposition au théâtre du roman Nedjma.
On se retrouve donc avec Nedjma, une jeune femme, amoureuse d’un certain Lahkdar, chef d’un groupe de résistant à la colonisation française de l’Algérie. On est donc confronté d’une part à la violence des confrontations entre la police et la résistance et d’autre part à une histoire d’amour passionné et à la fois destructeur par l’investissement de Lahkdar pour son combat. On est également face à une amitié forte mais contrastée partagée par Lahkdar, Mustapha et Hassan, devenus proches en prison.
Le texte original est vraiment marqué par son aspect poétique et par les métaphores omniprésentes. Ces figures de style sont restées dans l’adaptation théâtrale, ce qui peut parfois provoquer un problème de rythme, le rendant ainsi moins naturel. Malgré tout, le jeu des acteurs touche le public dès la première scène, nous rendant ainsi tout de suite proche de Nedjma , puis de Lahkdar avec son monologue de départ et enfin des autres personnages que nous découvrons au fil de la pièce. Nous tenons donc à saluer les performances de Laeticia Lalle Bi Bénie (Nedjma), d’Ali Esmili (Lahkdar), de Mohamed Brikat (Mustapha), de Lyes Kaouah (Hasan), de Hichem Mesbah (Tahar et un marchand) et d’Amandine Vinson (la fille de l’officier).
Une mise en scène minimaliste brisant le quatrième mur.
La mise en scène est minimaliste dans le sens où il n’y a que très peu d’éléments sur scène. Une fondation tournante en métal indique ainsi aux spectateurs les différents lieux de la pièce ; la chambre de la jeune fille de l’officier français, le local des résistants, la rue des Vandales. Il y a également dans les accessoires et les costumes un aspect très épuré, rendant les personnages plus réels et le contexte plus marqué. Des habits simples, voire usés pour rappeler l’aspect pauvre de cette rue, en contraste avec les costumes sobres mais chics des amis de Lahkdar, mais aussi avec l’uniforme de l’officier français. Lors de la première scène, le public est face à une femme interprétant un chant traditionnel, une fumée se dégage peu à peu de la scène pour embrumer les spectateurs eux aussi, les incluant d’ores et déjà à la pièce.
La composition musicale de Pierrick Monnereau pourrait être assimilée à un dernier personnage mais aussi à une fonction. Il n’y a que très peu de musiques à proprement parler mais surtout un univers sonore mis en avant par des effets de synthèse appartenant aux musiques électroniques, des bruitages rappelant une guerre, des effets de voix pour renforcer le combat interne et personnel de chaque personnage.
Cet univers sonore permet aussi d’amener les transitions entre les scènes, les changements de décors et les péripéties de l’œuvre, mais aussi de renforcer le caractère engagé de la pièce.
Malgré tout, l’équilibre des sons pourrait quelque fois être aménagé différemment car, quelques fois, cet univers devenait assourdissant. Il y a dans la mise en scène ainsi que dans la composition musicale un aspect cyclique qui rappelle Le cercle des représailles mais également une notion du temps qui mélange le passé, présent et futur.
Une espace chronologique bouleversé.
Le contexte de la pièce est omniprésent. C’est celui de la colonisation française de l’Algérie mais surtout un évènement encore plus marquant mais souvent oublié : le massacre de Sétif le 8 mai 1945. Les manifestations dans les rues de Sétif, Kherrata et Constantine avaient causé la mort de 45 000 Algériens, sonnant ainsi le glas de l’ère coloniale.
Nous comprenons tout de suite l’atmosphère pesante de la pièce renforcée par une course contre le temps. Mais dans cette pièce la notion de temps est à la fois inexistante et omniprésente Ce bouleversement du temps empêche quelque fois la clarté de certaines scènes mais renforce le caractère universel de certains autres passage (le monologue de Lahkdar par exemple). Il est quelque fois difficile de comprendre l’ordre chronologique de la pièce car des éléments plus lointains sont cités dès le début ; par exemple au local, les protagonistes parlent d’un temps en prison, or ce temps nous est montré à la fin de la pièce avec la mort d’un des personnages ou si certains des personnages retournent en prison.
Le cadavre encerclé est une pièce de théâtre mais pas seulement, elle est le témoignage d’une époque, d’un conflit. La mise en scène proposée par Anaïs Cintas est intéressante et aboutie ; elle ne peut laisser aucun spectateur de marbre face à ce bouleversement sensoriel, temporel et tragique dont il est témoin.
(Retrouvez ici un extrait du cadavre encerclé)
Camille Pialoux
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