Du Cinéma sans cinéma ! Sans sales de diffusions ! C’est le cas de l’Arabie Saoudite.
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La 28e édition du Festival des cinémas des trois continents de Nantes (21-28 novembre 2006) met sous les projecteurs des films en provenance d’Arabie Saoudite où le cinéma commence à peine à naître. Le royaume reste toutefois l’unique pays au monde à ne pas avoir une seule salle obscure.
Des films d’Arabie Saoudite à Nantes
D’une superficie de 2,24 millions de kilomètres carrés, l’Arabie Saoudite compte 22,7 millions d’habitants et aucune salle de cinéma, malgré un engouement croissant pour le 7e Art. Parmi les quatre films en provenance du royaume et présentés à Nantes cette année, Cinéma à 500 km est celui qui illustre le mieux la situation cinématographique dans ce pays. Il raconte l’histoire de deux jeunes Saoudiens, amoureux du cinéma. Ils ont commencé, il y a plusieurs années, à regarder des films et sont aujourd’hui critiques dans la presse saoudienne et arabe. Leur seul problème est que pour entrer dans une salle de cinéma, il leur faut quitter leur pays et partir à l’étranger.
Dans ce documentaire-fiction autobiographique, le réalisateur Abdullah Al-Eyaf, né en 1976, et dont c’est le premier film, emmène les spectateurs dans une sorte de «road-movie» à travers le désert, de Riyad jusqu’à Bahreïn. Pour les passionnés comme lui, la devise est : «aide toi et le ciel t’aidera». Ou plutôt «si le cinéma ne vient pas vers toi, c’est à toi d’aller vers lui».
La caméra suit le réalisateur et un ami. La longueur du parcours les oblige à voyager en groupe pour réduire les coûts et ne pas s’ennuyer en route. Après un périple épuisant de plus de 500 kilomètres parsemé de quelques embouteillages et de pannes mécaniques, ils arrivent enfin dans un multiplexe ultra moderne à Bahreïn. Leur cas s’avère loin d’être unique. La clientèle des cinémas à Bahreïn est en effet composée à 90% de Saoudiens. Et peu importe finalement la qualité des films. Seule compte l’expérience vécue d’ailleurs comme un grand événement. Une véritable initiation tant attendue. Surtout qu’un homme doit absolument être âgé de 21 ans pour pouvoir sortir seul du pays. Les Saoudiens découvrent donc bien tard les salles de projection. Les enfants, eux, doivent se contenter de films sur DVD, sauf quand leur père décide de les emmener à Bahreïn, avec ou sans leur mère. Quoiqu’il en soit, c’est le père qui décide du film à voir. Toutefois, bon nombre d’entre eux rêvent aujourd'hui, d'aller au cinéma en famille dans leur propre pays.
«J’ai tout appris en regardant des films»
La force du film Cinéma à 500 km tient dans son authenticité. Autodidacte, le réalisateur joue son propre rôle et le récit repose sur son expérience personnelle. Il est devenu metteur en scène et acteur de manière intuitive après des études d’ingénieur en mécanique. Car il n’y a pas d’école de cinéma en Arabie Saoudite. «J’ai tout appris en regardant des films. Parmi mes maîtres : Akira Kurosawa, Ingmar Bergman et Werner Hirtzog», confie-t-il.
En Arabie Saoudite, pays musulman conservateur qui applique de manière rigide la charia (loi islamique), «on assiste à la naissance d’un cinéma», selon le directeur artistique du Festival des trois continents de Nantes, Philippe Jalladeau. «Il y a un bouillonnement, un tel désir parmi les jeunes de faire des films qu’ils se sont lancés en espérant l’ouverture prochaine de salles de projection. Elles existent, pourtant ! Bien qu’il y ait une pression contre leur ouverture, il n’y a pas de loi spécifique qui les interdise. Elles fonctionnent de temps à autre avec des dessins animés pour enfants», explique-t-il. «Les Saoudiens ont néanmoins une culture cinématographique plus grande que celle des pays voisins comme le Qatar ou le Koweït où la programmation est commerciale. Cette culture s’est forgée grâce à la vidéo ou des téléchargements de films sur internet», précise Philippe Jalladeau.
Les autorités de Riyad ne reconnaissent pas le cinéma. Il n’y a donc pas d’aide de la part de l’Etat. Tout repose sur des fonds privés. Les films saoudiens sont vus hors du pays, notamment dans divers festivals dans le monde arabe. Tourner dans le pays ne relève cependant pas d’une mince affaire. Il faut des autorisations. La lourdeur bureaucratique oblige à attendre parfois jusqu’à un an avant d’avoir le feu vert. Certains préfèrent donc réaliser leur film dans des pays voisins, tel que Dubaï, qui présentent des similitudes environnementales avec l’Arabie Saoudite. Les jeunes cinéastes se montrent quand même optimistes. Ils espèrent une ouverture des salles, ce qui donnera un grand élan à cette dynamique existante. Reste à savoir vers quel type de production vont-ils se diriger ?
- La Nouvelle Republique
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La 28e édition du Festival des cinémas des trois continents de Nantes (21-28 novembre 2006) met sous les projecteurs des films en provenance d’Arabie Saoudite où le cinéma commence à peine à naître. Le royaume reste toutefois l’unique pays au monde à ne pas avoir une seule salle obscure.
Des films d’Arabie Saoudite à Nantes
D’une superficie de 2,24 millions de kilomètres carrés, l’Arabie Saoudite compte 22,7 millions d’habitants et aucune salle de cinéma, malgré un engouement croissant pour le 7e Art. Parmi les quatre films en provenance du royaume et présentés à Nantes cette année, Cinéma à 500 km est celui qui illustre le mieux la situation cinématographique dans ce pays. Il raconte l’histoire de deux jeunes Saoudiens, amoureux du cinéma. Ils ont commencé, il y a plusieurs années, à regarder des films et sont aujourd’hui critiques dans la presse saoudienne et arabe. Leur seul problème est que pour entrer dans une salle de cinéma, il leur faut quitter leur pays et partir à l’étranger.
Dans ce documentaire-fiction autobiographique, le réalisateur Abdullah Al-Eyaf, né en 1976, et dont c’est le premier film, emmène les spectateurs dans une sorte de «road-movie» à travers le désert, de Riyad jusqu’à Bahreïn. Pour les passionnés comme lui, la devise est : «aide toi et le ciel t’aidera». Ou plutôt «si le cinéma ne vient pas vers toi, c’est à toi d’aller vers lui».
La caméra suit le réalisateur et un ami. La longueur du parcours les oblige à voyager en groupe pour réduire les coûts et ne pas s’ennuyer en route. Après un périple épuisant de plus de 500 kilomètres parsemé de quelques embouteillages et de pannes mécaniques, ils arrivent enfin dans un multiplexe ultra moderne à Bahreïn. Leur cas s’avère loin d’être unique. La clientèle des cinémas à Bahreïn est en effet composée à 90% de Saoudiens. Et peu importe finalement la qualité des films. Seule compte l’expérience vécue d’ailleurs comme un grand événement. Une véritable initiation tant attendue. Surtout qu’un homme doit absolument être âgé de 21 ans pour pouvoir sortir seul du pays. Les Saoudiens découvrent donc bien tard les salles de projection. Les enfants, eux, doivent se contenter de films sur DVD, sauf quand leur père décide de les emmener à Bahreïn, avec ou sans leur mère. Quoiqu’il en soit, c’est le père qui décide du film à voir. Toutefois, bon nombre d’entre eux rêvent aujourd'hui, d'aller au cinéma en famille dans leur propre pays.
«J’ai tout appris en regardant des films»
La force du film Cinéma à 500 km tient dans son authenticité. Autodidacte, le réalisateur joue son propre rôle et le récit repose sur son expérience personnelle. Il est devenu metteur en scène et acteur de manière intuitive après des études d’ingénieur en mécanique. Car il n’y a pas d’école de cinéma en Arabie Saoudite. «J’ai tout appris en regardant des films. Parmi mes maîtres : Akira Kurosawa, Ingmar Bergman et Werner Hirtzog», confie-t-il.
En Arabie Saoudite, pays musulman conservateur qui applique de manière rigide la charia (loi islamique), «on assiste à la naissance d’un cinéma», selon le directeur artistique du Festival des trois continents de Nantes, Philippe Jalladeau. «Il y a un bouillonnement, un tel désir parmi les jeunes de faire des films qu’ils se sont lancés en espérant l’ouverture prochaine de salles de projection. Elles existent, pourtant ! Bien qu’il y ait une pression contre leur ouverture, il n’y a pas de loi spécifique qui les interdise. Elles fonctionnent de temps à autre avec des dessins animés pour enfants», explique-t-il. «Les Saoudiens ont néanmoins une culture cinématographique plus grande que celle des pays voisins comme le Qatar ou le Koweït où la programmation est commerciale. Cette culture s’est forgée grâce à la vidéo ou des téléchargements de films sur internet», précise Philippe Jalladeau.
Les autorités de Riyad ne reconnaissent pas le cinéma. Il n’y a donc pas d’aide de la part de l’Etat. Tout repose sur des fonds privés. Les films saoudiens sont vus hors du pays, notamment dans divers festivals dans le monde arabe. Tourner dans le pays ne relève cependant pas d’une mince affaire. Il faut des autorisations. La lourdeur bureaucratique oblige à attendre parfois jusqu’à un an avant d’avoir le feu vert. Certains préfèrent donc réaliser leur film dans des pays voisins, tel que Dubaï, qui présentent des similitudes environnementales avec l’Arabie Saoudite. Les jeunes cinéastes se montrent quand même optimistes. Ils espèrent une ouverture des salles, ce qui donnera un grand élan à cette dynamique existante. Reste à savoir vers quel type de production vont-ils se diriger ?
- La Nouvelle Republique