Par Alexandre Boussageon
Dans son film "Les terrasses", en compétition ce vendredi à la 70ème Mostra, veille du palmarès, le réalisateur franco-algérien Merzak Allouache donne sa vision impressionniste d'une société algérienne "malade de ses contradictions", filmée des toits d'Alger. Filmé en janvier 2013 de cinq terrasses dans cinq quartiers d'Alger (la Casbah, Bab el Oued, Belcourt, Notre-Dame d'Afrique, Telemly), "Les Terrasses" raconte cinq histoires sombres et fictives de violence ordinaire. Rythmées par les appels à la prière des muezzins, elles sont filmées comme des huis clos à ciel ouvert et alternent avec des plans panoramiques de la ville blanche, sa mer azur et son horizon à perte de vue.
L'auteur de "Normal" et "Le repenti", pour la première fois en compétition officielle à Venise mais habitué du festival italien et de celui de Cannes en sections parallèles, y poursuit son exploration de la société algérienne à travers une galerie de portraits. Par petites touches, il passe de personnage en personnage sans s'apesantir. On croise une mère âgée rejetée par sa famille qui vit seule avec son fils et sa fille, adultes, l'un drogué, l'autre mutique; une petite fille qui apporte de la nourriture à son oncle "fou", enfermé comme un chien dans une niche; de jeunes musiciens en quête d'un lieu pour jouer et d'espoir; un prédicateur abuseur, un alcoolique, un homme qui torture son frère…
"Alger est construite sur des collines. On voit facilement les terrasses qui ont toujours joué un rôle dans cette ville. J'avais envie de travailler sur cette perspective de hauteur pour parler des problèmes de la société algérienne", explique Merzak Allouache. "Depuis quelques temps les choses se sont aggravées. On n'en est pas arrivé à la situation égyptienne où les gens habitent dans les cimetières mais on squatte les terrasses, il y a des bidonvilles (…) Je travaille depuis longtemps sur cette société, très malade des années de terrorisme et de violence absolue. Depuis 1999, une espèce d'amnésie s'est installée. On ne parle plus de ce qui est arrivé, on le refoule".
Le réalisateur met en scène les outrances de la religion, omniprésente dans son film, et ses déviances, à travers un prédicateur, incapable d'empathie, qui abuse de l'ignorance des fidèles et en particulier de celle d'une femme. "On a l'impression que les appels à la prière ne servent à rien, qu'ils sont juste là comme une ambiance sonore parmi les autres bruits", constate le réalisateur.
"Les terrasses" parle aussi de la jeunesse qui rêve de musique et de jours meilleurs. "Dans cette mégapole, souligne Merzak Allouache, 80% des habitants sont des jeunes, au chômage, complètement perdus, qui vivotent. Mon film parle de cette +malvie+, des inégalités flagrantes, dans un pays riche grâce au pétrole (…) Les jeunes revendiquent de plus en plus, et leurs revendications s'expriment par la violence. Il y a des émeutes mais elles sont motivées par des problèmes sociaux, le logement, les coupures d'eau, la malvie".
"L'Algérie a subi une telle violence, et surtout une violence qui l'a isolée, sans soutien de ses voisins, qu'aujourd'hui les Algériens observent avec une certaine neutralité ce qui se passe dans le monde arabe, en ayant l'impression de l'avoir déjà vécu", souligne le réalisateur."La société algérienne doit évoluer, elle a besoin de changements démocratiques qui ne peuvent se faire qu'avec un débat démocratique".
L'Obs
Dans son film "Les terrasses", en compétition ce vendredi à la 70ème Mostra, veille du palmarès, le réalisateur franco-algérien Merzak Allouache donne sa vision impressionniste d'une société algérienne "malade de ses contradictions", filmée des toits d'Alger. Filmé en janvier 2013 de cinq terrasses dans cinq quartiers d'Alger (la Casbah, Bab el Oued, Belcourt, Notre-Dame d'Afrique, Telemly), "Les Terrasses" raconte cinq histoires sombres et fictives de violence ordinaire. Rythmées par les appels à la prière des muezzins, elles sont filmées comme des huis clos à ciel ouvert et alternent avec des plans panoramiques de la ville blanche, sa mer azur et son horizon à perte de vue.
L'auteur de "Normal" et "Le repenti", pour la première fois en compétition officielle à Venise mais habitué du festival italien et de celui de Cannes en sections parallèles, y poursuit son exploration de la société algérienne à travers une galerie de portraits. Par petites touches, il passe de personnage en personnage sans s'apesantir. On croise une mère âgée rejetée par sa famille qui vit seule avec son fils et sa fille, adultes, l'un drogué, l'autre mutique; une petite fille qui apporte de la nourriture à son oncle "fou", enfermé comme un chien dans une niche; de jeunes musiciens en quête d'un lieu pour jouer et d'espoir; un prédicateur abuseur, un alcoolique, un homme qui torture son frère…
"Alger est construite sur des collines. On voit facilement les terrasses qui ont toujours joué un rôle dans cette ville. J'avais envie de travailler sur cette perspective de hauteur pour parler des problèmes de la société algérienne", explique Merzak Allouache. "Depuis quelques temps les choses se sont aggravées. On n'en est pas arrivé à la situation égyptienne où les gens habitent dans les cimetières mais on squatte les terrasses, il y a des bidonvilles (…) Je travaille depuis longtemps sur cette société, très malade des années de terrorisme et de violence absolue. Depuis 1999, une espèce d'amnésie s'est installée. On ne parle plus de ce qui est arrivé, on le refoule".
Le réalisateur met en scène les outrances de la religion, omniprésente dans son film, et ses déviances, à travers un prédicateur, incapable d'empathie, qui abuse de l'ignorance des fidèles et en particulier de celle d'une femme. "On a l'impression que les appels à la prière ne servent à rien, qu'ils sont juste là comme une ambiance sonore parmi les autres bruits", constate le réalisateur.
"Les terrasses" parle aussi de la jeunesse qui rêve de musique et de jours meilleurs. "Dans cette mégapole, souligne Merzak Allouache, 80% des habitants sont des jeunes, au chômage, complètement perdus, qui vivotent. Mon film parle de cette +malvie+, des inégalités flagrantes, dans un pays riche grâce au pétrole (…) Les jeunes revendiquent de plus en plus, et leurs revendications s'expriment par la violence. Il y a des émeutes mais elles sont motivées par des problèmes sociaux, le logement, les coupures d'eau, la malvie".
"L'Algérie a subi une telle violence, et surtout une violence qui l'a isolée, sans soutien de ses voisins, qu'aujourd'hui les Algériens observent avec une certaine neutralité ce qui se passe dans le monde arabe, en ayant l'impression de l'avoir déjà vécu", souligne le réalisateur."La société algérienne doit évoluer, elle a besoin de changements démocratiques qui ne peuvent se faire qu'avec un débat démocratique".
L'Obs
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