L’histoire sanglante d’une révolte oubliée
Sous les sables de Babylone est un film dur, renversant, noir, presque insupportable à voir.
Le long métrage du jeune cinéaste irakien Mohamed Jabara Al Daradji, projeté lundi soir à la Cinémathèque algérienne à Alger, à la faveur des Premières Journées du film irakien, n’est pas un film d’épouvante, mais l’horreur qu’il décrit dépasse toutes les limites, tous les effets spéciaux. Construit comme une fiction réaliste, appuyée par des interviews et des images d’archives, Sous les sables de Babylone, sorti en 2013, revient sur un épisode sombre de l’histoire contemporaine de l’Irak. Après le retrait des forces irakiennes du Koweït, en janvier 1991, un soulèvement populaire a eu lieu dans le sud de l’Irak, notamment à Nasriyah et à Bassorah.
La population réclamait le départ de Saddam Hussein, voulait plus de liberté, demandait la fin de la guerre, une existence paisible. La réponse du régime tyrannique de Baghdad fut foudroyante, violente et impitoyable. Des quartiers entiers ont été attaqués à l’arme chimique, des milliers d’hommes ont été arrêtés, torturés avant d’être tués. Les victimes ont été enterrées dans des fosses communes. La fureur de Saddam et de sa Garde républicaine aurait fait plus de 100 000 victimes.
Un crime toujours impuni. Mohamed Al Darradj n’a pas hésité à se mêler personnellement de l’histoire en interviewant trois rescapés du massacre, comme Jabar Al Ghalbi, Bassem Mohamed et Abderrahmane Ahmed. «Aujourd’hui, ces hommes sont cassés, parlent difficilement, vivent en prenant des médicaments», a témoigné le cinéaste. Pour mieux narrer le drame, Mohamed Al Darradji a inventé le personnage de Brahim (Samer Mohamed), un soldat fuyant le bourbier koweitien après la fin des hostilités. Il est arrêté en plein désert du sud irakien par des troupes de la garde républicaine qui l’accusent d’être «un rebelle».
Brahim sera conduit dans un campement où les hommes sont réduits au statut d’animal, battus, insultés, violés, obligés de baisser la tête en continu… Brahim, qui rencontre le jeune étudiant en droit, Salim et d’autre prisonniers, rêvait de revoir sa mère et son épouse après des mois de guerre au Koweït. «Dans les fosses communes, il y a des hommes simples qui portaient des rêves simples. A l’époque, le gouvernement américain et d’autres pays arabes avaient promis de soutenir la révolte du peuple irakien contre la dictature. C’était un mensonge. La révolte du sud de l’Irak de 1991 a été assassinée médiatiquement. Personne n’a entendu parler de cet événement, y compris en Algérie. En 1988, nous avons su que les Algériens étaient sortis dans la rue contre le pouvoir. Ceux qui ont pris part à la révolte du Sud m’ont dit qu’ils étaient inspirés par ce qui s’est passé en Algérie. Des émeutes qui ont fait peur à l’ensemble du monde arabe et aux gouvernements répressifs de l’époque.La répression de la révolte du Sud est une page noire dans l’Histoire de l’Irak», a soutenu le cinéaste rappelant que 14 gouvernorats du sud de l’Irak étaient tombés aux mains d’une population désarmée qui s’était soulevée d’une manière spontanée sans aucune aide d’un parti politique ou de l’extérieur.
Il a également rappelé qu’à l’époque les Etats-Unis étaient préoccupés par des enjeux stratégiques, comme le déplacement de leurs bases militaires trois ans après la chute du régime soviétique. Mohamed Al Darradji a visiblement eu une certaine difficulté à sortir du documentaire, raconter la vérité dans sa cruauté, montrer les saletés de la torture et de l’oppression. «J’avoue que j’étais perdu, mais je voulais réaliser une fiction comme Le fils de Babylone. Mais j’ai compris que ce n’était pas suffisant. Il me fallait prendre le risque en montrant les victimes réelles de la répression. Leur témoignage était très précieux. Il me fallait trancher. Et je me suis rappelé ce que ma mère m’avait dit : ‘‘Pourquoi tu fais du cinéma, nous y sommes déjà !’’ Dans les années 1990, l’Algérie était dans une autre forme de cinéma violent ! Donc, mon film n’est pas un docu-fiction, mais un long métrage avec les deux univers qui se complètent. C’était un exercice très difficile. J’ai passé une année à monter le film pour assurer le lien entre le documentaire et la fiction», a noté le cinéaste. Mohamed Al Darradji, 36 ans, a à son actif plusieurs films déjà, comme Ahlam (2005), Le fils de Babylone, Fi ahdhan oumi (Dans les bras de ma mère), réalisé avec son frère Atia en 2011.
Fayçal Métaoui- El Watan
Sous les sables de Babylone est un film dur, renversant, noir, presque insupportable à voir.
Le long métrage du jeune cinéaste irakien Mohamed Jabara Al Daradji, projeté lundi soir à la Cinémathèque algérienne à Alger, à la faveur des Premières Journées du film irakien, n’est pas un film d’épouvante, mais l’horreur qu’il décrit dépasse toutes les limites, tous les effets spéciaux. Construit comme une fiction réaliste, appuyée par des interviews et des images d’archives, Sous les sables de Babylone, sorti en 2013, revient sur un épisode sombre de l’histoire contemporaine de l’Irak. Après le retrait des forces irakiennes du Koweït, en janvier 1991, un soulèvement populaire a eu lieu dans le sud de l’Irak, notamment à Nasriyah et à Bassorah.
La population réclamait le départ de Saddam Hussein, voulait plus de liberté, demandait la fin de la guerre, une existence paisible. La réponse du régime tyrannique de Baghdad fut foudroyante, violente et impitoyable. Des quartiers entiers ont été attaqués à l’arme chimique, des milliers d’hommes ont été arrêtés, torturés avant d’être tués. Les victimes ont été enterrées dans des fosses communes. La fureur de Saddam et de sa Garde républicaine aurait fait plus de 100 000 victimes.
Un crime toujours impuni. Mohamed Al Darradj n’a pas hésité à se mêler personnellement de l’histoire en interviewant trois rescapés du massacre, comme Jabar Al Ghalbi, Bassem Mohamed et Abderrahmane Ahmed. «Aujourd’hui, ces hommes sont cassés, parlent difficilement, vivent en prenant des médicaments», a témoigné le cinéaste. Pour mieux narrer le drame, Mohamed Al Darradji a inventé le personnage de Brahim (Samer Mohamed), un soldat fuyant le bourbier koweitien après la fin des hostilités. Il est arrêté en plein désert du sud irakien par des troupes de la garde républicaine qui l’accusent d’être «un rebelle».
Brahim sera conduit dans un campement où les hommes sont réduits au statut d’animal, battus, insultés, violés, obligés de baisser la tête en continu… Brahim, qui rencontre le jeune étudiant en droit, Salim et d’autre prisonniers, rêvait de revoir sa mère et son épouse après des mois de guerre au Koweït. «Dans les fosses communes, il y a des hommes simples qui portaient des rêves simples. A l’époque, le gouvernement américain et d’autres pays arabes avaient promis de soutenir la révolte du peuple irakien contre la dictature. C’était un mensonge. La révolte du sud de l’Irak de 1991 a été assassinée médiatiquement. Personne n’a entendu parler de cet événement, y compris en Algérie. En 1988, nous avons su que les Algériens étaient sortis dans la rue contre le pouvoir. Ceux qui ont pris part à la révolte du Sud m’ont dit qu’ils étaient inspirés par ce qui s’est passé en Algérie. Des émeutes qui ont fait peur à l’ensemble du monde arabe et aux gouvernements répressifs de l’époque.La répression de la révolte du Sud est une page noire dans l’Histoire de l’Irak», a soutenu le cinéaste rappelant que 14 gouvernorats du sud de l’Irak étaient tombés aux mains d’une population désarmée qui s’était soulevée d’une manière spontanée sans aucune aide d’un parti politique ou de l’extérieur.
Il a également rappelé qu’à l’époque les Etats-Unis étaient préoccupés par des enjeux stratégiques, comme le déplacement de leurs bases militaires trois ans après la chute du régime soviétique. Mohamed Al Darradji a visiblement eu une certaine difficulté à sortir du documentaire, raconter la vérité dans sa cruauté, montrer les saletés de la torture et de l’oppression. «J’avoue que j’étais perdu, mais je voulais réaliser une fiction comme Le fils de Babylone. Mais j’ai compris que ce n’était pas suffisant. Il me fallait prendre le risque en montrant les victimes réelles de la répression. Leur témoignage était très précieux. Il me fallait trancher. Et je me suis rappelé ce que ma mère m’avait dit : ‘‘Pourquoi tu fais du cinéma, nous y sommes déjà !’’ Dans les années 1990, l’Algérie était dans une autre forme de cinéma violent ! Donc, mon film n’est pas un docu-fiction, mais un long métrage avec les deux univers qui se complètent. C’était un exercice très difficile. J’ai passé une année à monter le film pour assurer le lien entre le documentaire et la fiction», a noté le cinéaste. Mohamed Al Darradji, 36 ans, a à son actif plusieurs films déjà, comme Ahlam (2005), Le fils de Babylone, Fi ahdhan oumi (Dans les bras de ma mère), réalisé avec son frère Atia en 2011.
Fayçal Métaoui- El Watan