Extraits d'une conférence sur le cinéma engagé. René Vautier, cinéaste,raconte son combat contre l'exclusion et la censure en France et sa solidarité avec la lutte du peuple algérien durant la guerre de libération
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René Vautier le rebelle
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Afrique 50
Afrique 50est considéré comme le premier film français radicalement anticolonialiste.
Né des images que René Vautier, qui devait travailler initialement pour la Ligue de l’enseignement, a tournées clandestinement en Afrique occidentale française et montées dans des conditions rocambolesques, le film est diffusé alors grâce à des réseaux militants et des associations de jeunesse.
Afrique 50apparaît de prime abord comme un cri de révolte poussé spontanément par un jeune cinéaste de 21 ans révulsé par la découverte d’une réalité africaine qu’il ne soupçonnait pas. Le commentaire, dont on sait qu’il a été enregistré par Vautier luimême improvisant d’une voix tremblée un texte au ton virulent qui n’est pas dénué d’emphase, contribue largement à cette première impression. Or, loin d’être aussi brut qu’il y paraît, le film répond à une logique argumentative qui s’appuie sur une démarche théorique et réflexive d’un cinéaste militant aguerri. Vautier, dans sa dénonciation de la colonisation en oeuvre en Afrique noire, va au fond des choses et ne s’en tient jamais à leur apparence. D’emblée, le film nous invite à suivre le cheminement d’une prise de conscience et, selon le procédé de la voix intérieure du rédacteur d’un carnet de voyage, s’adresse au spectateur : « Les seuls blancs qui sont entrés avant toi dans ce village…» Des plans d’enfants souriant à la caméra [1] laissent penser que cette dernière épouse étroitement le point de vue empathique d’un cinéaste en quête d’une autre réalité et qu’il s’écarte ainsi de la vision « objective » de la caméra des actualités cinématographiques de l’époque ou de celle des ethnographes qui sillonnaient alors l’Afrique.
Le film comporte trois parties de durées sensiblement égales. La première offre de l’Afrique rurale l’image faussement rassurante d’un continent figé dans sa quiétude immémoriale et déconstruit habilement les clichés par le commentaire. Le pittoresque ne parvient plus à faire oublier la grande pauvreté : pagnes et boubous sont insuffisants quand les nuits sont froides, le Niger est un fleuve sale, les villages sont dépourvus d’écoles et de dispensaires. Du réveil au crépuscule (selon le déroulement de la première partie du film), la journée au village apparaît comme un long combat contre la misère.
La deuxième partie aborde l’oppression dont les Africains sont victimes : un village réfractaire à l’impôt a été rasé, ses habitants passés par les armes. Ici sont privilégiés des effets plus démonstratifs : des impacts de balles sur la terre des cases [2], des trainées de sang, des douilles, des colonisés trimant… Les images frappent, autant que les procédés rhétoriques qu’emploie le commentateur révolté : anaphores (« les troupes ont cerné le village, elles ont tiré, elles ont tué »), répétitions (« les balles françaises»), comparaisons scandaleuses (« les nègres sont moins chers que le mazout»).
Bientôt, la virulence du propos autorise les juxtapositions d’images excessives, suscite des symboles (les vautours et les façades des sociétés coloniales [3 et 4], les Africain sportant des fardeaux et le bousier roulant sa boule). L’empreinte de l’Européen estb toujours en creux. Absent à l’image, il pèse cependant sur chacune des réalités mises
en avant. Quand la deuxième partie du film repose sur l’opposition (du blanc et du noir, de la France oublieuse de ses valeurs et de l’Afrique oppressée, de la modernité coloniale et de la misère africaine), la troisième partie, enfin, par un habile retournement, repose sur l’idée d’union. Celle des Africains eux-mêmes d’abord, dont les plans montrent les rassemblements en nombre toujours croissant dans la contestation [5], le ralliement aux idéaux mêmes d’une métropole qui les a reniés. Le film évoque le drapeau tricolore, la Constitution, Oradour, les résistants fusillés naguère pour la liberté. La mémoire de la Résistance est ici invoquée pour justifier le combat des Africains. Partant d’une réalité locale, le film évoque une internationalisation de la lutte contre la colonisation : juxtaposant les images de manifestations en Afrique et en France, il souligne l’espoir d’une union des opprimés face à l’injustice. Promoteur d’une pensée de la gauche communiste alors farouchement anticolonialiste, Afrique 50 s’achève ainsi dans la promesse de lendemains qui chantent : camarade africain, tu n’es plus seul !
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