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Opération automne de Bruno de Almeida projeté à Alger

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  • Opération automne de Bruno de Almeida projeté à Alger

    Les sales dossiers de Salazar
    Opération automne de Bruno de Almeida décortique la manière sournoise avec laquelle les services secrets enterrent leurs crimes appuyés par une justice complice.



    C’est un épisode peu connu de l’histoire. Au début des années 1960, Ahmed Ben Bella, premier Président de l’Algérie indépendante, avait accordé son soutien au général portugais, Humberto Delgado, qui était opposé au régime d’Antonio De Oliveira Salazar.

    Après des séjours au Brésil et en Tchécoslovaquie, Delgado était venu s’installer à Alger pour organiser l’opposition active à la dictature de Lisbonne. Dans Opération automne, projeté mercredi soir à la salle Mohamed Zinet à l’Office Riad El Feth, à la faveur de la 2e édition des Journées du film européen d’Alger, le cinéaste portugais Bruno De Almeida revient sur l’appui apporté par la nouvelle République algérienne à Delgado. Comme Ben Bella n’a pas écrit ses mémoires et que les historiens algériens n’ont pas fait leur travail, on n’en saura pas plus. Le propos de la fiction n’était évidemment pas l’amitié qu’avait Ben Bella pour Delgado à une certaine époque, basée sur le livre-enquête de l’historien Frederico Delgado Rosa, petit-fils de Humberto Delgado. Opération automne reprend le nom donné par la PIDE (Policia internationale de defesa do estado), les redoutables services secrets de Salazar, pour réduire au silence le général opposant. Dès le début du film, un ancien officiel de la PIDE défend la police politique : «La PIDE n’a jamais tué ni torturé.

    Il arrive qu’elle bouscule les opposants, mais pas plus.» Bruno De Almeida, qui s’est appuyé parfois sur des images d’archives, s’est employé durant les 92 minutes du long métrage à démonter la mécanique froide de la PIDE dont les agents sont sournois, rusés et grands fumeurs. Une caricature ? Non. Des officiers de la PIDE ont fait preuve d’un incroyable excès de zèle au service du «Nouvel Etat» (L’estado Novo) que le dictateur Salazar voulait imposer aux Portugais durant un règne de 36 ans (entre 1932 et 1968) en espionnant le peuple et pourchassant les antirégime. L’estado Novo ? Un mélange de nationalisme et de christianisme. Pas très loin du régime de Franco en Espagne. Neutraliser Delgado était donc devenu une obsession pour les officiers de la PIDE, qui ont monté un traquenard en terre espagnole. La préparation de l’opération «Automne» est détaillée dans le film de Bruno De Almeida, mais pas assez pour en connaître tous les aboutissants.

    La scène du crime est montrée en deux mouvements. Car le cinéaste voulait savoir comment le général avait été assassiné le 13 février 1965 dans la forêt de Villanueva Del Fresno dans la région de Badajoz, au sud-ouest de l’Espagne, non loin des frontières avec le Portugal. La justice espagnole a mené une enquête fournie après s’être assurée de l’identité de la victime (tuée avec sa secrétaire particulière, une jeune femme brésilienne) à partir d’une bague en or. Le témoignage des paysans espagnols a été très précieux pour les enquêteurs.
    Des preuves ont été collectées et les noms des tueurs découverts grâce à la vigilance d’un garde-frontière et les aveux d’un douanier. Mais de l’autre côté, à Lisbonne, les juges portugais n’ont pas fourni de grands efforts pour révéler la vérité sur un assassinat politique. Les agents de la PIDE ont été libérés pour... raisons de santé au bout d’un procès de quatre ans (entre 1978 et 1981). Cette complicité inexplicable des juges est subtilement dénoncée dans Opération automne. Des juges qui n’ont même pas cherché à savoir qui a donné l’ordre de liquider Humberto Delgado. «C’était une farce en pleine démocratie», a souligné le cinéaste dans une interview.

    La PIDE a détruit tous les documents liés à l’opération. La PIDE, devenue Direcção Geral de Segurança (DGS), a été dissoute par la Révolution des œillets (1974) en raison de son comportement criminel durant cette révolte populaire. Bruno De Almeida a quelque peu célébré cette révolution qui a libéré le Portugal de la dictature, avec une chanson de délivrance appuyée par des images des actualités filmées de l’époque. Mais il n’a pas su développer le projet politique réel de Humberto Delgado et montrer pourquoi il faisait peur à la dictature de Salazar.

    Conçu comme un thriller, le film n’est pas allé dans les détails qui permettent de mieux situer les personnages dans le contexte politique portugais. Le cinéaste et ses deux co-scénaristes, Frederico Delgado Rosa et John Frey, se sont concentrés sur l’acte d’assassinat lui-même et sa préparation. Ceux qui seraient intéressés par un film sur l’assassinat de Mohamed Boudiaf ou de Krim Belkacem en Algérie peuvent trouver de belles idées dans le long métrage de Bruno De Almeida, même si le chemin de la vérité est tortueux. Le cinéma n’écrit pas l’histoire, mais l’aide à sortir de ses sommeils et de ses oublis parfois. 

    Fayçal Métaoui - El Watan
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