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Le goût des autres

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  • Le goût des autres

    Enfin un film qui a de la gueule! ai-je pensé, en prenant en main Comme une
    image
    qui s'annonçait intéressant. J'ai lu en diagonal sur la pochette qu'il
    avait un rapport étroit avec une autre réalisation des mêmes auteurs, Le
    goût des autres
    dont le boîtier se trouvait juste à côté et dont je me
    rappelle, sans être certain, l‘avoir déjà vu. Il faudrait que je le reloue car
    depuis quelque temps je médite sur ce sujet qui prend forme, notamment,
    avec des critiques littéraires, s’il en est, du genre "Au fond, qu'est-ce que la
    laideur" ou "Bourdieu: ce que j'en pense".

    Ce sont des travaux en chantier mais avec une approche personnelle
    remettant en cause les concepts véhiculés par les pédagogues de la vérité
    subjective, largement matérialistes et déterministes.


    Ces derniers renient une
    quelconque qualité intrinsèque à l’objet et prônent que nos difficultés sont
    causées par d'autres humains; ceux-là que la nature et le système social
    favorisent. (Une contradiction qui saute aux yeux: si l’objet ne possède pas
    de qualités comment peut-il agir sur nous?)

    Les conséquences philosophiques appliquées de ces théories sont douteuses
    et nihilistes. Bref, à me rendre compte de ce qui ce fait en cinéma, depuis
    longtemps déjà, je réalise à quel point je ne suis pas au faîte de ces
    problèmes. J'estime, cependant, que mes participations franches et tardives
    en la matière ne sont que plus honnêtes, considérant que je ne lis rien sur
    ces films lorsque j’écris mes impressions. Ceci étant une présentation
    formelle pour mon site Web, il sera toujours temps, plus tard, d'en rectifier le
    tir.

    Comme une image est une production au vernis richissime qui prétend
    compatir à la cause des défavorisés, tous problèmes confondus: le genre de
    réalisation à travers laquelle on crée un film pour démontrer une idée. On a
    donc une théorie sur laquelle on greffe une histoire. De la propagande
    artistique. Je préfère les films qui ont un scénario original, ou même classique,
    et d'où les idées découlent naturellement. Frida, par Julie Taymor, la
    réalisatrice, en est un excellent exemple. À partir d’un récit vécu, bien que
    taraudé par l’engagement communiste radical des figures centrales du film, en
    l’occurrence le peintre Diego Rivera, son mari, et Léon Trotski, dont les
    portraits sont brossés sous un jour héroïque, l’art cinématographique, ici,
    frappe agréablement nos sens par une atmosphère surréaliste, à la manière
    des toiles de Frida Kahlo . . .

    (Pour Bachi, s'il me lit: voilà ce qui me fait tiquer -entre autres- lorsqu'on me parle d'A. Jacquard.)

    C'est une réussite totale et je trouve cette façon
    artistique de procéder tout à fait légitime et adéquate
    car elle permet de soustraire notre mental, le temps
    de la projection, à la polémique, les dessous historiques
    pour le moins naïfs, sinon cruels et désastreux de toute
    cette aventure, pour profiter du contenu qui est un régal.


    Ce que je venais tout juste d'écrire au sujet de la BD s'applique aussi au
    cinéma : "En général, ces illustrés commencent bien, l'originalité des images
    aidant. Puis, ça se gâte par la banalité ou l'excentricité gratuite." Dans le
    cas de Comme une image, c'est un marteau et un gros clou qu'on utilise
    pour enfoncer, tout ce qu'il y a de plus sérieux, les stéréotypes.

    Pour
    faire l'affaire, on n'a trouvé rien de mieux qu'un beau maghrébin, Rachid, une
    grosse fille passionnée de chant et complexée "au boute" (qu'on s'efforce de
    faire passer comme une laideur infinie dans nos sociétés évoluées, du moins
    en est-elle convaincue); il y a les grosses têtes d'éditeurs; l'écrivain
    déterminé au succès à tout prix; et même un ex-terroriste délicat aux
    manières des plus politiquement correctes, réhabilité pour la bonne
    conscience des croyants de la révolte guerrière. Un peu niais, tout de même.
    C'est le seul personnage tragi-comique de cette production dont la
    caricature s'accorde bien avec le ridicule des situations décrites. Il ne
    manquait qu'un gai pour brosser un tableau complet. Pourtant, ce dernier est
    une des pièces maîtresses de l'échiquier social.

    Comme une image nous martèle encore et encore que c'est la faute du
    père, de l'argent, de l'avidité pour le succès et la renommée, etc., qui sont
    la cause de nos malheurs. Ces privilégiés sont indifférents à l'amour
    véritable, à la vision de la beauté non explicite, aux qualités qui n’alimentent
    pas le plaisir de leurs goûts, toutes choses fort décevantes pour l’harmonie
    de la société, surtout lorsque l'homme en est le protagoniste –de surcroît
    bourgeois et capitaliste.

    Au fur et à mesure que Comme une image défile sur
    nos écrans, davantage le scénario doctrinaire devient insoutenable.


    Sous prétexte de s'intéresser au sort des défavorisés, les réalisateurs font retentir
    sans complexes la sonnerie du tiroir caisse sous forme de voyeurisme
    réjouissant de la vie mondaine. Ils empochent par la même occasion un plus
    grand nombre d'entrées. On est sans aucun doute, face à des créateurs de
    la haute bourgeoisie qui ont trouvé la manne pour dorer leurs blasons : le
    peuple en admiration.

    Au cinéma, une facture classique, tel ce film, est extrêmement exigeante.
    Même si on a pas lésiné sur les moyens professionnels tels que le décor et la
    mise en scène très réussis par ailleurs, même si les enjeux sociaux font la
    substance de cette histoire et portent allègrement les acteurs dans leur rôle,
    c'est globalement moyen avec des scènes lamentables; les personnages
    s'auto-détruisent en gageant sur la compassion du spectateur. Ainsi, ces
    infortunés n'en finissent pas de se sacrifier à la destinée qui les a jetés dans
    ce monde ingrat. Ils deviennent du même coup des héros.

    Fort heureusement pour notre héroïne, Rachid est beau gosse et, au
    contraire des Occidentaux obnubilés par le standard formaté de la beauté
    promotionnelle, il les préfère bien en chair, comme tous les orientaux, à ce
    qu'il paraît. Mais Rachid, à l’instar de tout maghrébin qui se respecte, est un
    dur, doublé d'un romantique. Il s'excusera auprès de son hôte avec laquelle il
    dînait dans un restaurant pour ne pas avoir tabassé le garçon de café aux
    manières un peu rude. Comme il a le rôle du révolté, il refuse l'emploi offert
    sur un plateau en or par son futur beau-père qui croule sous le fric. Mais ce
    que le film ne dit pas c'est ce qu'il adviendra de lui?

    (Style, philo Jacquard )

    Quoique la résistance et la rébellion, selon la bohème utopique, soient sensés
    agir comme une thérapeutique pour l'individu, les résultats sont décevants.
    Que font-ils, en fait, après l'âge de la révolte? De la jeunesse? Ils entrent
    tous dans le moule, de la droite ou de la gauche, comme on dit.


    Pourquoi ?
    Parce que "la civilisation se construit sur notre disposition à accepter les
    règles et à renoncer à la satisfaction de nos intérêts personnels par
    déférence pour les besoins et les intérêts des autres". La plupart de ceux que
    j'ai connus des années 70, roulent dans des voitures rutilantes et vivent dans
    des demeures cossues, tout en s'objectant au capitalisme et en tenant des
    propos anticonformistes. À la Micheal Moore, un exemple on ne peut plus
    parfait puisqu'il représente une des idoles de la contre-culture. Ce dernier
    prétend vouloir réformer les institutions néo-libérales mais vie comme un bourgeois
    de haut standing. Malgré cela il obtient la majorité du vote
    populaire! Débile. Et Jacques Attali nous rappelle, pour mieux faire avaler la
    pilule, une phrase du marquis de Sade: «Il y avait à Athènes une loi qui
    séparait l'homme de l'opinion qu'il annonçait, et l'auteur de l'ouvrage qu'il
    publiait.» Une conception très prisée par nos contemporains.

    «En fait, l'un des traits pernicieux de la critique de la société de masse, écrit
    Joseph Heath, c'est qu'elle a fait paraître beaucoup trop facile le fait de se
    dégager de la société de consommation. Elle veut nous faire croire qu'il peut
    exister une solution alors que nous sommes devant un phénomène naturel de
    consommation concurrentielle, motivée par la quête d'une distinction propre à
    susciter l'envie –une façon de se distinguer de la masse ou de prouver qu'on
    n'est pas un raté.»

    Akiles

  • #2
    Sur l'écran du téléviseur (une image que j'ai concocté), on aperçoit la scène
    où, par dépit, Frida se coupe les cheveux et revêt un costume d'homme. Une
    colère viscérale, causée par son mari qui l'a trompée avec une autre femme,
    dicte ses faits et gestes. Pour sublimer la douleur qui l'accable, elle prend
    refuge dans sa masculinité et choisit comme exutoire l’amour lesbien.

    En tout cas, je trouve ce scénario mieux travaillé
    et plus subtil que celui de Brokeback Mountain

    où l’on nous a concocté la révélation amoureuse à petit feu, dès la
    rencontre fortuite des deux hommes. Il est vrai, cependant, qu'avec les
    femmes, ces rapports passent mieux. Évidemment, ces films ne sont pas
    comparables. Dans Frida, l'incident n’est qu’accessoire; l'autre traite
    exclusivement -d’un- problème de l’homosexualité, de ce que j'ai compris. Il
    ne s'agissait pas d'une condition essentiellement homosexuelle, mais une
    conséquence, du moins pour l'un des deux acteurs.

    Il va de soi que l’homosexualité ait besoin d’être mieux compris et pour cela
    il est nécessaire de diffuser cette réalité incontournable.

    Mais la pédagogie
    gaye à l’œuvre dans B.M. fait la promotion d’une dérive sexuelle, plutôt
    que de sa nature incontestable chez un pourcentage important d’êtres
    humains. Leur vie n'est jamais facile, surtout lorsque la société cultive des
    préjugés défavorables, injurieux et néfastes à leurs endroits.

    Faut rajouter, entre parenthèses, que les gays n'arrangent pas les choses
    une fois sortis du placard, même si je généralise. Leurs arts, si influents dans
    les milieux culturels, ne se préoccupent le plus souvent que de l'aspect
    grossier de la sexualité, sinon pornographique. (Mon article sur Cocteau au
    Musée des beaux-arts de Montréal, censuré sur ce site, traitait de la question.)

    À vrai dire, j’ai trouvé la première demi-heure de ce film si pénible, sur tous
    les points de vue, que j’ai renoncé à le regarder. J’en veux pour preuve, la
    singulière relation entre les deux hommes, leurs conduites face à cette
    expérience sexuelle. Car il était question pour les réalisateurs, il me semble,
    de faire ressortir des confrontations de sentiments profonds et
    contradictoires, inusitées pour l'époque et en catimini puisque cela sentait le
    fagot. Pas que ce genre de relations ne furent pas courantes; elles se pratiquaient
    sous tous les cieux et à toutes les époques. Dans ce film, cependant, c’est le
    désir sexuel « instinctif » et brut qui les conduit à l’amour, et non l’inverse.
    Pourquoi pas?

    À un moment donné, après l’éclosion affective de leurs sentiments l’un pour
    l’autre, heureux de cette découverte qui les requinque,
    les voilà qu'ils se mettent, sans crier gare,
    comme dans une transe maléfique,
    à se frapper sauvagement dessus?!?

    Le spectateur doit interpréter ce comportement pour le moins étrange à un
    complexe psychologique... freudien, je suppose, ou que sais-je? Le couvercle
    de la cocotte-minute des émotions étant verrouillé, la violence, étonnement,
    constitue la soupape par laquelle la sexuelle refoulée s'évacue. Ainsi, ce
    genre d'agressivité brutale passe pour une thérapie.

    Et c'est ainsi qu'on éduque les masses. De Charybde on passe à Scilla.

    The Crying Game:
    un des bons films sur l'homosexualité; la trame sonore
    est excellente
    Fight Club: Very good. Dans ce film, la violence est encouragée
    comme une forme de valeur supérieure de la contre-culture.

    Akiles

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    • #3
      (Pour Bachi, s'il me lit: voilà ce qui me fait tiquer -entre autres- lorsqu'on me parle d'A. Jacquard.)

      C'est une réussite totale et je trouve cette façon
      artistique de procéder tout à fait légitime et adéquate
      car elle permet de soustraire notre mental, le temps
      de la projection, à la polémique, les dessous historiques
      pour le moins naïfs, sinon cruels et désastreux de toute
      cette aventure, pour profiter du contenu qui est un régal.
      J'ai lu, Akiles...
      Mais comme je ne m'y connais pas du tout en arts visuels, je m'abstiens d'émettre tout autre commentaire...
      Merci de ta riche présentation.



      Ajout:
      Le titre m'a fait penser Au Goût de la Cerise.
      Je crois bien que c'est le meilleur cinéma que j'ai vu...
      Maintenant, était-ce de bon goût ou pas..
      Je n'en sais fichtrement rien...
      Dernière modification par Bachi, 02 octobre 2006, 21h18.
      ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément

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