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Wong Kar-Wai: Notre palmarès sera notre miroir

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  • Wong Kar-Wai: Notre palmarès sera notre miroir

    Wong Kar-Wai est le premier chinois à être président du jury au Festival de Cannes. Il aura la lourde charge avec les autres membres à sélectionner le film qui obtiendra la Palme d'or. En tous les cas il donne le ton et il a confié "Notre palmarès sera notre miroir, je ne veux pas d'un miroir déformant".

    =====

    Racontez-nous vos Festivals de Cannes...

    Je suis venu en 1988 pour As Tears Go By, sélectionné à la Semaine de la critique, puis trois fois en compétition : en 1997 pour Happy Together (Prix de la mise en scène), en 2000 pour In the Mood for Love (Prix d'interprétation masculine pour Tony Leung) et en 2004 pour 2046. La première fois, je me sentais touriste. J'ai adoré. En sélection officielle, j'étais programmé chaque fois en fin de festival, parce que mes films étaient à peine terminés. Cannes constituait l'ultime épreuve de la postproduction, si bien que j'arrivais ici avec soulagement. Je ne passais chaque fois que quarante-huit heures - arrivée, présentation du film, conférence de presse et retour.

    Dans le cas de 2046, ce fut même assez sportif...


    On peut le dire ! Certains ont pensé que c'était un plan marketing, mais pendant que le Palais projetait la première bobine du film, la seconde n'était pas arrivée. Imaginez le stress. Je ne regardais pas l'écran, je fixais la porte pour voir si mon producteur me faisait signe que la bobine était là ! J'avais travaillé au film jusqu'au dernier moment, il avait été expédié de Bangkok à Paris pour les sous-titres, et le moindre retard entre Paris et Cannes aurait pu tout compromettre.

    Votre angoisse n'était donc pas celle du cinéaste qui se demande comment son film va être reçu, mais celle du cinéaste qui se demande si son film va être vu ?

    En effet, c'était moins une inquiétude sur la réception du public qu'une impatience de le montrer. J'avais le désir qu'on le voie, tout simplement. J'avais mis cinq ans pour le mener à bien, l'achever était déjà un accomplissement, un soulagement, une satisfaction. Avoir un prix était vraiment secondaire. J'ai le souvenir d'une soirée exceptionnelle. Toute l'équipe était là. On avait tous perdu nos bagages, on a eu vingt minutes pour s'habiller... on s'est bien détendus après !

    En fait, 2046 n'était pas tout à fait terminé. La version sortie en salles n'était pas la même que celle qui a été projetée à Cannes

    Les effets spéciaux n'avaient pas pu être prêts, et effectivement, après Cannes, on a remis ces séquences à plat, on a peaufiné les effets, et on en a profité pour retravailler le montage.

    Quelle idée vous faites-vous de ce que doit promouvoir le palmarès ?

    J'y ai beaucoup réfléchi, en me demandant ce que j'allais dire à mes jurés lors de notre première réunion. Je vais les inviter à regarder les films avec la plus grande ouverture d'esprit possible, en essayant de ne pas se concentrer uniquement sur l'histoire, ou sur les émotions. La tradition de Cannes est de défendre des films pour le type de cinéma qu'ils représentent, d'être attentif aux styles, aux langages cinématographiques. Et des films qui soient à l'image du monde. A priori, on ne vient pas pour juger mais pour aimer des films. Nos critères n'auront aucun rapport avec le coût des films, ni avec l'âge ou la notoriété du réalisateur. Notre palmarès doit refléter nos choix, respecter la manière dont nous aurons reçu la sélection. Ce sera notre miroir, et je ne veux pas d'un miroir déformant.

    Ce que vous appelez "déformant", c'est lorsqu'un contexte politique influence un jury, comme cela a peut-être été le cas lorsque Fahrenheit 9/11 de Michael Moore a eu la Palme d'or ?

    Il faut éviter la subjectivité. Lutter contre la tentation de voter en fonction de critères personnels plus que pour les mérites d'un film. Dans cet exemple, ce fut leur choix, une année donnée, ce n'aurait pas été nécessairement le mien, mais... cela permet à la critique de critiquer le jury !

    Votre participation au film à sketches Eros a montré que vous étiez un admirateur d'Antonioni. Quels sont vos autres maîtres ?

    La liste serait longue... Antonioni, Hitchcock, Godard, des dizaines d'autres. Mais on n'apprend pas seulement en voyant des chefs-d'oeuvre, il y a des films ratés plein d'enseignements.

    Citez quelques Palmes d'or qui ont votre assentiment !


    J'ai l'intention de poser la même question à mes jurés ce soir, et je leur réserve la primeur de ma réponse !

    Quel sont vos projets ?

    Je m'apprête à tourner My Blueberry Night avec Norah Jones. C'est le premier film que je tourne en anglais, aux Etats-Unis. L'histoire d'une femme qui, pour rejoindre l'homme qu'elle aime, prend le chemin le plus long plutôt que le plus court. On ne peut pas dire que je change ma façon de travailler. Même si c'est avec des acteurs américains, et dans le système hollywoodien, je reste moi-même.

    Irez-vous voir le film sur Zinédine Zidane ?

    Est-ce un bon acteur ?

    Je n'ai pas vu le film...


    Figurez-vous que Diego Maradona a failli être dans Happy Together. Nous tournions dans un stade, et nous avons appris que Maradona était là. J'ai demandé s'il voulait bien venir tourner quelques séquences avec nous. Il est juste venu nous dire bonjour. Il a dû nous prendre pour une chaîne de télévision chinoise. Le football est mon sport préféré. Je suis déçu, car le tournage de mon film va m'empêcher de regarder la Coupe du monde avec mon fils. J'avais prévu d'aller à Berlin avec lui... Selon vous, quelle équipe va gagner la Coupe ?

    Signalons la parution d'un livre sur Wong Kar-wai, par Thierry Jousse, dans la collection "Les petits cahiers" publiée par les Cahiers du cinéma (96 p., 8,95 €).

    Par Le Monde
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