Orson Welles dans le rôle du Christ, Paul McCartney dans celui de Frodon, Al Pacino incarnant Noriega, et sept autres films qui sont restés à l’état de projet.
A la fin de l'année dernière, un superbe ouvrage en 10 volumes a été publié en édition limitée, en l'honneur d'un chef-d'œuvre qui n'a jamais été réalisé et ne le sera jamais: Napoléon, de Kubrick. 2.974 pages et presque 11 kg: c'est la seule consolation que des fans pourront retirer de l'épopée biographique que Stanley Kubrick rêvait de faire après 2001: l'odyssée de l'espace.
Pendant plusieurs années Kubrick a, dit-on, compulsé près de 500 livres sur Napoléon. Il serait allé en repérage sur de multiples sites et aurait rassemblé 17.000 diapositives d'images napoléoniennes. Le coffret de 10 volumes paru chez Taschen illustre à quel point Kubrick s'est impliqué dans ce projet: analyse de photos, étude des costumes de l'époque, retranscription d'interviews d'experts réalisées par Kubrick, et même version finale du script. Le réalisateur avait assuré à ses sponsors que ce serait «le meilleur film jamais réalisé». Ce qui a presque été repris textuellement dans le sous-titre de cet ouvrage: Le plus grand film jamais réalisé.
Tous les films non réalisés n'ont pas droit à un «monument» en leur honneur (le prix de ce coffret: 700 dollars (570 €) au Etats-Unis, limités à 1.000 exemplaires, déjà épuisés). L'histoire cinématographique est pleine de grandes idées qui n'ont jamais réussi à se matérialiser en œuvre. Voici une liste de 10 projets de films très ambitieux - sans doute menés «à mal» -, qui n'ont pas vu le jour en raison de financements insuffisants, de problèmes de casting, de bases inadaptées ou, bien souvent, des trois à la fois.
La vie du Christ
Orson Welles recèle une série de projets restés lettre morte qui excite toutes les curiosités. Elle a fait l'objet d'un livre publié en 2009: Orson Welles and the Unfinished RKO Projects [Orson Welles et ses projets RKO inachevés]. Ces projets comprennent Don Quichote (dont il voulait situer l'intrigue dans l'Espagne moderne), The Other Side of the Wind [L'Autre face du vent], qui aurait raconté l'histoire d'un réalisateur de cinéma en fin de carrière qui travaille sur son ultime œuvre, et La vie de Jésus-Christ , monté sous forme de western. Son scénario reprenait des dialogues provenant entièrement des évangiles de Marc, Mathieu et Luc.
Au début des années 40, Welles a tenté de mobiliser le soutien de chefs religieux américains, avec un certain succès. Il est ensuite parti en repérage au Mexique en compagnie du grand cinéaste Gregg Toland. C'est sur un point surprenant que ce projet a achoppé: Welles voulait incarner lui-même le rôle du Christ. Comme l'universitaire Marguerite Rippy l'a fait remarquer: «le personnage de Welles, tellement imposant, est à la fois humain et plein de défauts». Or, Jésus n'était pas complètement humain et n'avait pas de défaut. La voix tonitruante du réalisateur semblait également contraster avec la douce voix qu'on prête traditionnellement au Christ. D'abord, les studios n'étaient pas très chauds. Et, pour ne rien arranger, les tournages de Welles en Égypte dans les années 50 n'ont pas été concluants.
Adam et Eve
En 1947, après deux films sur des prêtres qui ont fait recette (La Route semée d'étoiles et Les Cloches de Sainte-Marie), le très dévot Leo McCarey voulait remonter aux origines de l'humanité. Il commanda un script sur le Jardin d'Eden à Sinclair Lewis dont l'action se déroulait au temps de la Bible. Le script n'était, parait-il, absolument pas parfait. Mais, plusieurs années après la mise en suspens de ce projet, McCarey s'est dit que le problème venait du casting. «Plus on fouille, plus c'est difficile de trouver Adam», avait confié le réalisateur à Peter Bogdanovich. «Eve, c'est bien plus simple. (...) Mais pourquoi donc? J'ai soulevé la question dans des fêtes, et les réactions sont très variables.». Jimmy Stewart et Ingrid Bergman auraient pu décrocher les rôles. Mais Jimmy Stewart rechignait à jouer nu, avec pour seul vêtement une feuille de figuier recouvrant ses parties - aussi, Ingrid Bergman était plus grosse que lui. «Plus j'y repensais, plus je me disais qu'il avait raison, avait conclu McCarey, il est trop mince».
Le Seigneur des anneaux - avec les Beatles
Il est de notoriété publique que le chemin vers le tournage du Seigneur des anneaux - initialement publié en 1954 - fut presque aussi long et sinueux que celui emprunté par Frodon dans son voyage vers le Mont du Destin. Tolkien avait exprimé sa préférence pour une version animée, qui équivaudrait à une «vulgarisation» plutôt que l'«idiotisation» d'un film avec des acteurs. Dans The Beatles at the Movies, on apprend qu'il a un temps été question que les Beatles participent au film (John Lennon était prêt à incarner Gollum; Paul McCartney, Frodon; George Harrison, Gandalf et Ringo Starr, Sam). En collaborant avec le réalisateur John Boorman, le scénariste Rospo Pallenberg s'est dit que les Beatles devraient jouer les quatre hobbits (il était d'accord avec McCartney que ce dernier incarnerait à merveille Frodon). Difficile, quoiqu'amusant, de s'imaginer les Fab Four métamorphosant leur personnalité pour interpréter l'histoire fantastique de Tolkien. Mais la société de production United Artists décida de ne pas donner suite au projet, avec ou sans les Beatles.
Genèse 1948
En 1970, Otto Preminger a racheté les droits d'adaptation cinématographique de la chronique non romanesque de plus de 800 pages The First Arab-Israeli War [La Première guerre israélo-arabe], souhaitant apporter une suite à son épopée de 1960, Exodus. Dans une conférence de presse, il a déclaré: «Nous montrerons ce conflit sur les champs de bataille et dans les arènes politiques de Washington, de Moscou, des Nations unies et du Moyen-Orient». Il a exprimé le souhait de «n'offenser ni les Arabes, ni les Juifs» dans son film, sans reconnaître qu'Exodus avait certainement offensé les Arabes. En tout cas, les parents israéliens avaient de quoi se méfier des prises de vue en extérieur. Au cours du tournage d'Exodus, il rencontra des difficultés sur une scène dans laquelle une douzaine de jeunes israéliens devaient pleurer au moment où les Arabes attaquent leur maison. La consigne qu'avait donnée Preminger à ses assistants dans le cas où les enfants ne laisseraient pas échapper des larmes, était de conduire leur mère sur une colline, hors de leur vue. Alors le réalisateur leur disait: «Vous ne les reverrez plus jamais. Plus Jamais!». Là, naturellement, les enfants éclataient en sanglot... Mais au lieu de Genèse 1948, il fit un film sur les disputes conjugales: Des amis comme les miens.
A la fin de l'année dernière, un superbe ouvrage en 10 volumes a été publié en édition limitée, en l'honneur d'un chef-d'œuvre qui n'a jamais été réalisé et ne le sera jamais: Napoléon, de Kubrick. 2.974 pages et presque 11 kg: c'est la seule consolation que des fans pourront retirer de l'épopée biographique que Stanley Kubrick rêvait de faire après 2001: l'odyssée de l'espace.
Pendant plusieurs années Kubrick a, dit-on, compulsé près de 500 livres sur Napoléon. Il serait allé en repérage sur de multiples sites et aurait rassemblé 17.000 diapositives d'images napoléoniennes. Le coffret de 10 volumes paru chez Taschen illustre à quel point Kubrick s'est impliqué dans ce projet: analyse de photos, étude des costumes de l'époque, retranscription d'interviews d'experts réalisées par Kubrick, et même version finale du script. Le réalisateur avait assuré à ses sponsors que ce serait «le meilleur film jamais réalisé». Ce qui a presque été repris textuellement dans le sous-titre de cet ouvrage: Le plus grand film jamais réalisé.
Tous les films non réalisés n'ont pas droit à un «monument» en leur honneur (le prix de ce coffret: 700 dollars (570 €) au Etats-Unis, limités à 1.000 exemplaires, déjà épuisés). L'histoire cinématographique est pleine de grandes idées qui n'ont jamais réussi à se matérialiser en œuvre. Voici une liste de 10 projets de films très ambitieux - sans doute menés «à mal» -, qui n'ont pas vu le jour en raison de financements insuffisants, de problèmes de casting, de bases inadaptées ou, bien souvent, des trois à la fois.
La vie du Christ
Orson Welles recèle une série de projets restés lettre morte qui excite toutes les curiosités. Elle a fait l'objet d'un livre publié en 2009: Orson Welles and the Unfinished RKO Projects [Orson Welles et ses projets RKO inachevés]. Ces projets comprennent Don Quichote (dont il voulait situer l'intrigue dans l'Espagne moderne), The Other Side of the Wind [L'Autre face du vent], qui aurait raconté l'histoire d'un réalisateur de cinéma en fin de carrière qui travaille sur son ultime œuvre, et La vie de Jésus-Christ , monté sous forme de western. Son scénario reprenait des dialogues provenant entièrement des évangiles de Marc, Mathieu et Luc.
Au début des années 40, Welles a tenté de mobiliser le soutien de chefs religieux américains, avec un certain succès. Il est ensuite parti en repérage au Mexique en compagnie du grand cinéaste Gregg Toland. C'est sur un point surprenant que ce projet a achoppé: Welles voulait incarner lui-même le rôle du Christ. Comme l'universitaire Marguerite Rippy l'a fait remarquer: «le personnage de Welles, tellement imposant, est à la fois humain et plein de défauts». Or, Jésus n'était pas complètement humain et n'avait pas de défaut. La voix tonitruante du réalisateur semblait également contraster avec la douce voix qu'on prête traditionnellement au Christ. D'abord, les studios n'étaient pas très chauds. Et, pour ne rien arranger, les tournages de Welles en Égypte dans les années 50 n'ont pas été concluants.
Adam et Eve
En 1947, après deux films sur des prêtres qui ont fait recette (La Route semée d'étoiles et Les Cloches de Sainte-Marie), le très dévot Leo McCarey voulait remonter aux origines de l'humanité. Il commanda un script sur le Jardin d'Eden à Sinclair Lewis dont l'action se déroulait au temps de la Bible. Le script n'était, parait-il, absolument pas parfait. Mais, plusieurs années après la mise en suspens de ce projet, McCarey s'est dit que le problème venait du casting. «Plus on fouille, plus c'est difficile de trouver Adam», avait confié le réalisateur à Peter Bogdanovich. «Eve, c'est bien plus simple. (...) Mais pourquoi donc? J'ai soulevé la question dans des fêtes, et les réactions sont très variables.». Jimmy Stewart et Ingrid Bergman auraient pu décrocher les rôles. Mais Jimmy Stewart rechignait à jouer nu, avec pour seul vêtement une feuille de figuier recouvrant ses parties - aussi, Ingrid Bergman était plus grosse que lui. «Plus j'y repensais, plus je me disais qu'il avait raison, avait conclu McCarey, il est trop mince».
Le Seigneur des anneaux - avec les Beatles
Il est de notoriété publique que le chemin vers le tournage du Seigneur des anneaux - initialement publié en 1954 - fut presque aussi long et sinueux que celui emprunté par Frodon dans son voyage vers le Mont du Destin. Tolkien avait exprimé sa préférence pour une version animée, qui équivaudrait à une «vulgarisation» plutôt que l'«idiotisation» d'un film avec des acteurs. Dans The Beatles at the Movies, on apprend qu'il a un temps été question que les Beatles participent au film (John Lennon était prêt à incarner Gollum; Paul McCartney, Frodon; George Harrison, Gandalf et Ringo Starr, Sam). En collaborant avec le réalisateur John Boorman, le scénariste Rospo Pallenberg s'est dit que les Beatles devraient jouer les quatre hobbits (il était d'accord avec McCartney que ce dernier incarnerait à merveille Frodon). Difficile, quoiqu'amusant, de s'imaginer les Fab Four métamorphosant leur personnalité pour interpréter l'histoire fantastique de Tolkien. Mais la société de production United Artists décida de ne pas donner suite au projet, avec ou sans les Beatles.
Genèse 1948
En 1970, Otto Preminger a racheté les droits d'adaptation cinématographique de la chronique non romanesque de plus de 800 pages The First Arab-Israeli War [La Première guerre israélo-arabe], souhaitant apporter une suite à son épopée de 1960, Exodus. Dans une conférence de presse, il a déclaré: «Nous montrerons ce conflit sur les champs de bataille et dans les arènes politiques de Washington, de Moscou, des Nations unies et du Moyen-Orient». Il a exprimé le souhait de «n'offenser ni les Arabes, ni les Juifs» dans son film, sans reconnaître qu'Exodus avait certainement offensé les Arabes. En tout cas, les parents israéliens avaient de quoi se méfier des prises de vue en extérieur. Au cours du tournage d'Exodus, il rencontra des difficultés sur une scène dans laquelle une douzaine de jeunes israéliens devaient pleurer au moment où les Arabes attaquent leur maison. La consigne qu'avait donnée Preminger à ses assistants dans le cas où les enfants ne laisseraient pas échapper des larmes, était de conduire leur mère sur une colline, hors de leur vue. Alors le réalisateur leur disait: «Vous ne les reverrez plus jamais. Plus Jamais!». Là, naturellement, les enfants éclataient en sanglot... Mais au lieu de Genèse 1948, il fit un film sur les disputes conjugales: Des amis comme les miens.
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