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A propos d'Elly de Asghar Farhadi

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    A propos d'Elly Film iranien d'Asghar Farhadi avec Golshifteh Farahani, Taraneh Alidousti, Mani Haghighi

    C'est une bande de copains qui part en week-end au bord de la mer. Ils pourraient partir de Paris pour Deauville, de New York pour les Hamptons, mais ils quittent Téhéran pour les rives de la Caspienne. Ils ont passé la trentaine, ils trimbalent leurs petits enfants, en 4 × 4 pour ceux qui ont réussi, dans des berlines japonaises pour les autres. Ils font les fous comme s'ils étaient encore à la fac, où ils se sont connus.

    Le temps de prendre en compte quelques particularités - les foulards qui couvrent la tête des femmes, les chansons populaires en farsi qui remplacent les tubes pop - et l'on est pris au piège de ce film troublant, qui met la trame d'un divertissement classique à l'épreuve des dures contraintes du monde, tel qu'il s'est construit en Iran ces trente dernières années.

    Dans un premier temps, on croit reconnaître leurs homologues occidentaux dans le comportement libre et drôle de ces jeunes Iraniens. Cette identification est d'autant plus aisée que le scénario d'Asghar Farhadi repose sur un mécanisme familier : arrivé en villégiature, le groupe est frappé par un événement imprévu qui le fait voler en éclats. Elly (Taraneh Alidousti), une jeune femme très belle, a été invitée afin qu'elle fasse la connaissance d'Ahmad, seul élément de la bande à ne pas être venu en couple, puisqu'il vient de divorcer d'une femme allemande. Mais Elly n'est pas tout à fait celle que l'on croyait, et un accident force chacun des sept amis à se dévoiler en essayant d'élucider le mystère qui l'entoure.

    Le scénario dégage vite une figure dominante, celle de Sepideh, la jeune épouse d'Amir, le doyen du groupe. C'est elle qui a invité Elly, elle qui s'est trompée en réservant la villa au bord de la mer, une erreur qui oblige les amis à s'installer dans une grande bâtisse délabrée, et à renouer avec les joies du camping post-adolescent. En apparence, Sepideh est une femme sûre d'elle-même, séduisante. Son mariage ne l'empêche pas d'exercer un ascendant sur les autres hommes, que les épouses tolèrent dans un premier temps. Mais Sepideh est aussi une victime idéale quand le groupe se sent menacé ; sa beauté, sa fantaisie deviennent bientôt les manifestations d'un dérèglement moral que tous - hommes et femmes - s'accordent à réprouver. Golshifteh Farahani (Leonard Di Caprio en tombait amoureux dans Mensonges d'Etat), tient avec grâce ce rôle complexe.

    Asghar Farhadi la filme de près, comme il le fait de tous les personnages. Il les suit de pièce en pièce dans la grande villa délabrée. Cette façon de faire est un peu prévisible, comme le sont certaines péripéties du scénario. Mais elle permet au réalisateur de coller au plus près de la vérité des personnages.

    Manifestants de Téhéran

    C'est dans les métamorphoses que subissent ces personnages que se trouve le vrai enjeu, le vrai suspense d'A propos d'Elly. En apparence, Sepideh et ses amis essaient de déterminer l'identité et les motivations de la mystérieuse invitée. Cette enquête force chacun d'entre eux à se confronter aux lois qui régissent la vie amoureuse et familiale en Iran, et la question est de savoir si la compassion l'emportera sur le conformisme, le désir d'émancipation sur les conventions sociales (la religion n'est jamais explicitement mentionnée). Un peu comme si les personnages américains des Copains d'abord (Lawrence Kasdan, 1983) avaient dû obéir aux règles puritaines de La Lettre écarlate (Nathaniel Hawthorne, 1850).

    Vu d'ici et maintenant, de France, quelques mois après le soulèvement qui a suivi l'élection présidentielle iranienne, A propos d'Elly résonne très profondément. On ne peut s'empêcher de penser que Sepideh et ses amis ressemblent à nombre de ces manifestants qui sont descendus dans les rues de Téhéran. Le film d'Asghar Farhadi donne une autre idée des obstacles que ces insurgés avaient à renverser, ces façons de faire et de penser reçues en héritage de trente années de guerre et de révolution islamique. Nés en même temps qu'elle, les jeunes gens d'A propos d'Elly en sont les prisonniers plutôt que les gardiens.

    par le Monde


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