Vous avez vu?
O Yumma! voilà un scénario d'amour ‘bobinable’ jusqu'à la fin! Et j'use de ce substansif parce que ce n'est pas un film facile! Le réalisateur, M. A. Kechiche, traite de la vie des jeunes des cités de façon brute, réaliste et simple. On entre immédiatement dans une histoire naïve et complexe où les filles sont aussi gaillardes que les garçons : «Tu touches pas à ce mec, pigé! C'est le mien!» En fait, on pourrait dire que c'est une vision, une cinématographie, de filles; ce sont elles qui mènent le jeu. Les garçons, aux références machistes, sont des pantins chéris.
C'est du théâtre, dans le sens propre du mot, puisqu'il s'agit de la répétition d'une pièce de Marivaux, «Le jeu de l'amour et du hasard» par des jeunes. C'est aussi et avant tout, dès les premières images, les intrigues de leurs comportements singuliers, de leur langage déchiqueté, des gestes et des regards propres à la scène des zones du tiers-pays dont le contexte problématique rejoint, à se méprendre, la mise en scène théâtrale. On baigne sous la caméra dans la pédagogie thérapeutique; de l'art quoi!
Le film, à ma grande surprise, ne s'en prend pas aux clichés de la violence auxquels on nous a habitués sur le monde des cités. Il n'y en a pas à proprement parlé, sinon circonstancielle: quand la police fait un contrôle d'identité; on en vient à haïr les flics. Mais le réalisateur ne pêche pas en eau trouble, il n'y a pas de brutalité démagogique pour remplir la caisse. L'autre moment, c'est quand un garçon, pour régler un problème d'amour se retrouve pris dans une spirale de colère et empoigne une fille à la gorge. Rien ne dérape pourtant, comme c'est si facile au cinéma. Si facilement prévisible. Il est plus fin que cela, notre algérien. Ça fait du bien à des cœurs d'algériens comme le mien.
Et pas de sexe! Ô Yumma, pas de sexe! C'est toute une belle et adorable histoire d'amour dans une cité des bas-fonds de la société et il n'y a pas de scènes de ***! Bravo M. Kechiche! On en est à souhaiter que la vie dans les cités, et ailleurs, se déroule ainsi.
Le réalisateur ne marche pas pour autant à côté de ses pompes. J'en veux pour preuve cette scène : «C'est magnifique», répond le tailleur en guise de compliment; il essaie de convaincre sa cliente insatisfaite, la jeune héroïne, que la robe lui va bien. Suit alors d'éprouvantes tractations où on ne sait pas qui triche l'autre. C'est de cette étoffe qu'est fait le film, un scénario imprévisible et des rebondissements savoureux qui gratifient notre patience d'un plaisir goulu. Et ces jeunes jouent pour notre plus grand bonheur comme des acteurs venus au monde sur un studio dont la cité est le plateau.
Pas d'images riches et spectaculaires, mais le jeu de la caméra compense largement: les esquives et les parades d'amours s'apparentent à des ballets d'oiseaux au moment de l'accouplement, capricieux, sautillants et sensuels sans jamais faire allusion aux fantasmes dégoûtants dont l'âme humaine est si friande, surtout dans certaines cultures. Ici, nul besoin. La façon dont l'histoire est montée nous rentre dans le ventre comme l'aiguille d'un pistolet pour une biopsie: pan!
Ô ma mère! Quel film original. On aime le cinéma après ça comme on aime la littérature. On ne s'en priverait plus. Car il ne s'agit pas ici de passer la soirée, mais bien de rentrer dans la vie de la cité et la peau des personnages pour tâter du comportement social et humain, surtout humain, dans son sens noble. Assez de l'animal! Et ce n'est pas que du théâtre! Les répétitions à l'école et à ciel ouvert dans la cité confrontent les acteurs à la réalité de leurs vécus immédiats. L'un dans l'autre, le scénario est prenant.
Le professeur, qui joue très bien d'ailleurs et qui semble, à n'en pas douter, ne pas faire vraiment partie du drame -de la cité-, développe pour les élèves le sens philosophique de la pièce de Marivaux. En substance: «Il n'y a pas d'amour pur. . . La vie est conditionnée par notre environnement social. . . On n'en sort pas. . . On tombe toujours amoureux de quelqu'un comme nous. . . Non, on peut toujours se déguiser, imiter, mais on n'échappe pas à notre condition d'origine! . . .» etc. À un moment donné, la prof s'énerve. Elle voudrait que le garçon mette plus d'entrain à jouer son rôle, qu'il agisse comme si c'était vrai. «Oublie tout! Embrasse cette main. . . amuse-toi!» Dans la classe, la tension est à couper au couteau. Elle est seule à ne pas réaliser, que plus vrai que cela, tu meurs; qu'ils ont déjà répété la scène, pour de vrai! et qu'il a essayé d'embrasser la fille (rendu par une scène adorable). Mais tout cela, le professeur ne le comprend pas. Comme quoi, on peut avoir des théories sophistiquées, une grande connaissance de la psychologie sociale mais manquer de sensibilité intuitive pragmatique.
Ce n'est pas un film pour le grand monde, commercial, on s'entend là-dessus, (la diction ne s'y prête absolument pas) mais bon sang que ça fait du bien de voir un film intelligent comme ça !
O Yumma! voilà un scénario d'amour ‘bobinable’ jusqu'à la fin! Et j'use de ce substansif parce que ce n'est pas un film facile! Le réalisateur, M. A. Kechiche, traite de la vie des jeunes des cités de façon brute, réaliste et simple. On entre immédiatement dans une histoire naïve et complexe où les filles sont aussi gaillardes que les garçons : «Tu touches pas à ce mec, pigé! C'est le mien!» En fait, on pourrait dire que c'est une vision, une cinématographie, de filles; ce sont elles qui mènent le jeu. Les garçons, aux références machistes, sont des pantins chéris.
C'est du théâtre, dans le sens propre du mot, puisqu'il s'agit de la répétition d'une pièce de Marivaux, «Le jeu de l'amour et du hasard» par des jeunes. C'est aussi et avant tout, dès les premières images, les intrigues de leurs comportements singuliers, de leur langage déchiqueté, des gestes et des regards propres à la scène des zones du tiers-pays dont le contexte problématique rejoint, à se méprendre, la mise en scène théâtrale. On baigne sous la caméra dans la pédagogie thérapeutique; de l'art quoi!
Le film, à ma grande surprise, ne s'en prend pas aux clichés de la violence auxquels on nous a habitués sur le monde des cités. Il n'y en a pas à proprement parlé, sinon circonstancielle: quand la police fait un contrôle d'identité; on en vient à haïr les flics. Mais le réalisateur ne pêche pas en eau trouble, il n'y a pas de brutalité démagogique pour remplir la caisse. L'autre moment, c'est quand un garçon, pour régler un problème d'amour se retrouve pris dans une spirale de colère et empoigne une fille à la gorge. Rien ne dérape pourtant, comme c'est si facile au cinéma. Si facilement prévisible. Il est plus fin que cela, notre algérien. Ça fait du bien à des cœurs d'algériens comme le mien.
Et pas de sexe! Ô Yumma, pas de sexe! C'est toute une belle et adorable histoire d'amour dans une cité des bas-fonds de la société et il n'y a pas de scènes de ***! Bravo M. Kechiche! On en est à souhaiter que la vie dans les cités, et ailleurs, se déroule ainsi.
Le réalisateur ne marche pas pour autant à côté de ses pompes. J'en veux pour preuve cette scène : «C'est magnifique», répond le tailleur en guise de compliment; il essaie de convaincre sa cliente insatisfaite, la jeune héroïne, que la robe lui va bien. Suit alors d'éprouvantes tractations où on ne sait pas qui triche l'autre. C'est de cette étoffe qu'est fait le film, un scénario imprévisible et des rebondissements savoureux qui gratifient notre patience d'un plaisir goulu. Et ces jeunes jouent pour notre plus grand bonheur comme des acteurs venus au monde sur un studio dont la cité est le plateau.
Pas d'images riches et spectaculaires, mais le jeu de la caméra compense largement: les esquives et les parades d'amours s'apparentent à des ballets d'oiseaux au moment de l'accouplement, capricieux, sautillants et sensuels sans jamais faire allusion aux fantasmes dégoûtants dont l'âme humaine est si friande, surtout dans certaines cultures. Ici, nul besoin. La façon dont l'histoire est montée nous rentre dans le ventre comme l'aiguille d'un pistolet pour une biopsie: pan!
Ô ma mère! Quel film original. On aime le cinéma après ça comme on aime la littérature. On ne s'en priverait plus. Car il ne s'agit pas ici de passer la soirée, mais bien de rentrer dans la vie de la cité et la peau des personnages pour tâter du comportement social et humain, surtout humain, dans son sens noble. Assez de l'animal! Et ce n'est pas que du théâtre! Les répétitions à l'école et à ciel ouvert dans la cité confrontent les acteurs à la réalité de leurs vécus immédiats. L'un dans l'autre, le scénario est prenant.
Le professeur, qui joue très bien d'ailleurs et qui semble, à n'en pas douter, ne pas faire vraiment partie du drame -de la cité-, développe pour les élèves le sens philosophique de la pièce de Marivaux. En substance: «Il n'y a pas d'amour pur. . . La vie est conditionnée par notre environnement social. . . On n'en sort pas. . . On tombe toujours amoureux de quelqu'un comme nous. . . Non, on peut toujours se déguiser, imiter, mais on n'échappe pas à notre condition d'origine! . . .» etc. À un moment donné, la prof s'énerve. Elle voudrait que le garçon mette plus d'entrain à jouer son rôle, qu'il agisse comme si c'était vrai. «Oublie tout! Embrasse cette main. . . amuse-toi!» Dans la classe, la tension est à couper au couteau. Elle est seule à ne pas réaliser, que plus vrai que cela, tu meurs; qu'ils ont déjà répété la scène, pour de vrai! et qu'il a essayé d'embrasser la fille (rendu par une scène adorable). Mais tout cela, le professeur ne le comprend pas. Comme quoi, on peut avoir des théories sophistiquées, une grande connaissance de la psychologie sociale mais manquer de sensibilité intuitive pragmatique.
Ce n'est pas un film pour le grand monde, commercial, on s'entend là-dessus, (la diction ne s'y prête absolument pas) mais bon sang que ça fait du bien de voir un film intelligent comme ça !
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