Sous la conduite éclairée du réalisateur, les acteurs, une fois n’est pas coutume, jouent juste et vrai.
Rarement un feuilleton de l’unique aura suscité pareil engouement dans les chaumières d’Algérie. À l’heure de sa diffusion, les téléspectateurs désertent la table du f’tour pour venir, toutes affaires cessantes, suivre les dernières péripéties du duel d’hommes d’affaires Omar-Saïd, superbement campés par Mohamed Adjaïmi et Mustapha Ayad - le digne fils de Rouiched -, pour une fois débarrassés du carcan télévisuel unique fait de longues tirades trempées dans une langue savante, mais inaccessible au commun des téléphages. Ce moule qui obligeait les acteurs à débiter leurs répliques plutôt que de jouer comme ils l’avaient toujours appris sur les planches du théâtre, au contact de grands virtuoses du verbe et du geste, avant que des apprentis réalisateurs, soudain promus créateurs, ne viennent leur imposer une langue filmique étrange. Cela a duré de trop longues années jusque à l’avènement d’une race de réalisateurs qui sait respecter les comédiens. Amar Tribèche, qui fait partie de l’une des rares promotions de réalisateurs formés dans de prestigieuses écoles de cinéma étrangères, accompagne ses acteurs sur le plateau en évitant de blesser leur sensibilité à fleur de peau. Sans élever la voix, il sait transmettre discrètement, par un signe imperceptible, ses consignes au comédien pour qu’il ne s’écarte pas trop du fil rouge du scénario. Pour le reste, il fait confiance au talent des personnages qu’il met en scène. Les rôles, il les confie à des acteurs dont il connaît les possibilités pour ne point laisser une chance à l’approximation et à l’improvisation - un euphémisme pour dire l’amateurisme qui caractérise la plupart des tournages en nos contrées - sur le plateau. Il sait écouter ses acteurs, les consulte assez souvent, se tient au plus près de leurs préoccupations, ne fait pas de drame si un comédien n’est pas à l’heure fixée au filmage d’une scène tant il comprend ce qui agite les tréfonds d’un artiste en proie au doute. Tribèche demande seulement à ses acteurs de jouer juste, dans une langue débarrassée des scories et des redondances. Patiemment, il imprime une dynamique au feuilleton en mettant insensiblement ses comédiens dans une situation de pré-montage ; ce qui a l’avantage de leur “faire vivre” le feuilleton “en live” puisqu’ils n’exécutent pas de scène prise au hasard dans le découpage filmique. Puis vient la phase cruciale du montage, là où on reconnaît définitivement le talent du metteur en scène. C’est dans une sombre cabine, alors que tout le set prend des vacances méritées, que le réalisateur donne corps et vie à son œuvre en lui imprimant, séquence après séquence, le rythme nécessaire qui tiendra en haleine la masse de téléspectateurs pendant le ramadan, le mois qui affole l’indicateur d’audience et les tarifs publicitaires en prime time. Quoi que l’on dise, le téléspectateur algérien sait séparer la bonne bedra (graine) de l’ivraie. Surfant sur la vague envahissante des sketchs-chorba, servis jusqu’à la nausée, El Bedra a su réconcilier le public algérien, l’espace d’un épisode haletant par soir, avec la bonne télévision. C’est si rare qu’on ne passe pas l’occasion de le signaler. Pour rendre grâce aux comédiens de talent. Pour s’incliner devant la science d’un réalisateur humble qui ne croit qu’aux vertus du travail bien fait. Qui ne sollicite jamais d’éloges…
Rarement un feuilleton de l’unique aura suscité pareil engouement dans les chaumières d’Algérie. À l’heure de sa diffusion, les téléspectateurs désertent la table du f’tour pour venir, toutes affaires cessantes, suivre les dernières péripéties du duel d’hommes d’affaires Omar-Saïd, superbement campés par Mohamed Adjaïmi et Mustapha Ayad - le digne fils de Rouiched -, pour une fois débarrassés du carcan télévisuel unique fait de longues tirades trempées dans une langue savante, mais inaccessible au commun des téléphages. Ce moule qui obligeait les acteurs à débiter leurs répliques plutôt que de jouer comme ils l’avaient toujours appris sur les planches du théâtre, au contact de grands virtuoses du verbe et du geste, avant que des apprentis réalisateurs, soudain promus créateurs, ne viennent leur imposer une langue filmique étrange. Cela a duré de trop longues années jusque à l’avènement d’une race de réalisateurs qui sait respecter les comédiens. Amar Tribèche, qui fait partie de l’une des rares promotions de réalisateurs formés dans de prestigieuses écoles de cinéma étrangères, accompagne ses acteurs sur le plateau en évitant de blesser leur sensibilité à fleur de peau. Sans élever la voix, il sait transmettre discrètement, par un signe imperceptible, ses consignes au comédien pour qu’il ne s’écarte pas trop du fil rouge du scénario. Pour le reste, il fait confiance au talent des personnages qu’il met en scène. Les rôles, il les confie à des acteurs dont il connaît les possibilités pour ne point laisser une chance à l’approximation et à l’improvisation - un euphémisme pour dire l’amateurisme qui caractérise la plupart des tournages en nos contrées - sur le plateau. Il sait écouter ses acteurs, les consulte assez souvent, se tient au plus près de leurs préoccupations, ne fait pas de drame si un comédien n’est pas à l’heure fixée au filmage d’une scène tant il comprend ce qui agite les tréfonds d’un artiste en proie au doute. Tribèche demande seulement à ses acteurs de jouer juste, dans une langue débarrassée des scories et des redondances. Patiemment, il imprime une dynamique au feuilleton en mettant insensiblement ses comédiens dans une situation de pré-montage ; ce qui a l’avantage de leur “faire vivre” le feuilleton “en live” puisqu’ils n’exécutent pas de scène prise au hasard dans le découpage filmique. Puis vient la phase cruciale du montage, là où on reconnaît définitivement le talent du metteur en scène. C’est dans une sombre cabine, alors que tout le set prend des vacances méritées, que le réalisateur donne corps et vie à son œuvre en lui imprimant, séquence après séquence, le rythme nécessaire qui tiendra en haleine la masse de téléspectateurs pendant le ramadan, le mois qui affole l’indicateur d’audience et les tarifs publicitaires en prime time. Quoi que l’on dise, le téléspectateur algérien sait séparer la bonne bedra (graine) de l’ivraie. Surfant sur la vague envahissante des sketchs-chorba, servis jusqu’à la nausée, El Bedra a su réconcilier le public algérien, l’espace d’un épisode haletant par soir, avec la bonne télévision. C’est si rare qu’on ne passe pas l’occasion de le signaler. Pour rendre grâce aux comédiens de talent. Pour s’incliner devant la science d’un réalisateur humble qui ne croit qu’aux vertus du travail bien fait. Qui ne sollicite jamais d’éloges…
Source : liberté 25-10-2005
Commentaire