Le ciel est bas. Sous un épais nuage de poussière flottant, la région de Tam peinait à assurer son statut fétiche de la reine du Hoggar à la couronne tressée sur les monts majestueux de l’Askrem et du légendaire Tassili.
En ce dernier mardi infernal du mois de juillet agonisant, elle a sombré corps et âme sous un déluge de sable qui lui donne un air indéfinissable et le teint blême des temps ombrageux et instables.
Tam, la charmeuse, serait-elle tentée de verser dans des lendemains frondeurs ? La tempête qui s’est invitée aux premières lueurs de l’aube cercle le long itinéraire qui, jusqu’à Arak (près de 45O km de Tam), imprime le voyage d’enfer des damnés de la terre. Car, Arak l’algérienne, une cuvette incrustée dans les ergs féeriques, est juste une station-relais prisée sur le chemin du rêve européen.
A 270 km de là, la ville de In Salah, suffocante de chaleur, se fige dans l’attente devenue coutumière des convois des candidats à l’immigration illégale qui ont réussi la dure épreuve du «gîte d’étape», un terme utilisé par les spécialistes pour qualifier le séjour forcé à Tam nécessaire à la mobilisation des moyens financiers et des documents de voyage.
Tam-In Salah tracte un bout de chimère ahanant, tout au long des frontières sud, sur les pistes rocailleuses ou par asphalte. Elle symbolise, à elle seule, l’une des branches de la migration massive. La RN1 est ainsi l’épine dorsale qui convoie à longueur de journées les peuplades de l’errance dans l’infiniment désertique.
IN-SALAH : A TOMBEAUX OUVERTS
Il est 10 heures, ce dimanche 29 juillet. Sur la RN1, à une vingtaine de kilomètres de l’entrée de la ville, la bri gade de gendarmerie nationale tient la garde haute. Le barrage routier, installé à cet effet, s’est révélé fructueux. Il a permis l’arrestation de 14 «harragas» empruntant le bus Tam-Ghardaïa et la saisie de 9 passeports falsifiés. Cette prise renseigne sur la densité du phénomène de l’immigration clandestine qui tend à se propager à une vitesse vertigineuse.
C’est, assurément, une goutte d’eau dans la grande déferlante humaine. Selon les statistiques fournies par la brigade de In-Salah, il a été conclu, du 1er janvier au 30 juillet 2007, 64 affaires se soldant par l’arrestation de 397 personnes en situation irrégulière (70% de Nigérians, 96 Maliens, 34 Ivoiriens, 24 Nigériens…) et la confiscation de 293 passeports.
C’est dire l’ampleur de ce fléau ravageur. Le désastre humain aux portes de Tam prend la forme de la terrible aventure de l’Afrique des plus démunis en quête d’un avenir plus clément et des edens des plus hypothétiques qui doivent plus aux mythes ravageurs du monde dit libre que de la réalité cauchemardesque de tous les jours. Tous les moyens, tous les procédés sont bons pour entretenir le rêve impossible du siècle de la déshumanisation en marche, tracer la géographie de la misère, définir les filières de la mort et pourvoir, en produit jamais tari, le marché des fantasmes collectifs hanté par la faune des prédateurs, des passeurs et des seigneurs de la contrefaçon sans foi, ni loi. Au cœur du plus grand désert du monde, la traversée se paie au prix fort et au péril de sa vie.
En avril dernier, à deux semaines d’intervalle, il a été découvert 3 cadavres enfouis sous les dunes de In Salah. Plus tragiquement, à une vingtaine de kilomètres, un cimetière a été érigé pour veiller à une sépulture digne des naufragés de la misère. Ils ont été victimes, par déshydratation, en 2003, d’une panne affectant le transport clandestin. L’image insoutenable des 22 cadavres amoncelés, regroupés par sexe sous les buissons de fortune et à l’ombre des rochers, laisse à penser que le choix du suicide collectif est la seule arme de survie qui reste après avoir tout perdu. Plus au sud, à 300 km du sud-est de Aïn Meguel, le cas d’une personne de 35 ans, découverte morte par déshydratation, fait aussi mal.
Les convois de la mort ou de la grande aventure crachent la marée humaine à la périphérie des villes pour se prémunir du contrôle systématique des services de sécurité en alerte continue.
Généralement, la descente des bus publics (les plus usités) ou des transports clandestins (de moins en moins) se fait à une vingtaine de kilomètres. La poursuite du périple impose, soit un séjour temporaire (2 à 3 jours), soit la «reprise» du voyage à la sortie de la localité à une distance équidistante (20 km approximativement) après une randonnée pédestre dans le désert de tous les dangers.
A In-Salah, une virée sur le terrain nous a permis de constater de visu l’itinéraire en guillemets. Vers le coucher du soleil, l’expédition illégale, mue par la volonté d’éviter les contrôles d’identité et la rigueur des barrages routiers, se dote des escales improvisées qui, comme dans la zone de Dghamcha (à l’ouest d’In-Salah) ou dans la forêt dense de palmeraies abandonnée de Barka jonchée, lors de notre passage, de traces de vie humaine (bouteille d‘eau et de lait Candia, vêtements…) servent de «refuge» idéal. Au début du mois d’avril 2007, une prise de 26 personnes a été effectuée en ce lieu inhabité et gorgé d’eau par la grâce des deux bassins remplis à ras-le-bord par on ne sait quelle âme bienfaitrice.
Les refuges de transit sont légion dans cette région, à l’image de ce qui fut une coopérative agricole en faillite et rendant l’âme dans une indifférence coupable dans le cimetière de tracteurs, des machines agricoles et des hangars aux manifestations de vie encore présentes. Et, ils le sont également dans la limonaderie privée Gara désertée par son propriétaire, néanmoins suspectée par le fait du tapis de prière déroulé à même le sol, le chapelet soigneusement posé, les bouteilles d’essence et, étrangement, les lumières éclairant la salle adjacente hermétiquement fermées. Une simple absence d’un gardien négligeant à la tombée de la nuit ? Peut-être ...
Il reste que les voies de l’immigration clandestine sont impénétrables. Tam en sait quelque chose dans son vécu tourmenté qui lui impose le nouveau destin honni de la capitale régionale de l’Afrique des «harragas».
En ce dernier mardi infernal du mois de juillet agonisant, elle a sombré corps et âme sous un déluge de sable qui lui donne un air indéfinissable et le teint blême des temps ombrageux et instables.
Tam, la charmeuse, serait-elle tentée de verser dans des lendemains frondeurs ? La tempête qui s’est invitée aux premières lueurs de l’aube cercle le long itinéraire qui, jusqu’à Arak (près de 45O km de Tam), imprime le voyage d’enfer des damnés de la terre. Car, Arak l’algérienne, une cuvette incrustée dans les ergs féeriques, est juste une station-relais prisée sur le chemin du rêve européen.
A 270 km de là, la ville de In Salah, suffocante de chaleur, se fige dans l’attente devenue coutumière des convois des candidats à l’immigration illégale qui ont réussi la dure épreuve du «gîte d’étape», un terme utilisé par les spécialistes pour qualifier le séjour forcé à Tam nécessaire à la mobilisation des moyens financiers et des documents de voyage.
Tam-In Salah tracte un bout de chimère ahanant, tout au long des frontières sud, sur les pistes rocailleuses ou par asphalte. Elle symbolise, à elle seule, l’une des branches de la migration massive. La RN1 est ainsi l’épine dorsale qui convoie à longueur de journées les peuplades de l’errance dans l’infiniment désertique.
IN-SALAH : A TOMBEAUX OUVERTS
Il est 10 heures, ce dimanche 29 juillet. Sur la RN1, à une vingtaine de kilomètres de l’entrée de la ville, la bri gade de gendarmerie nationale tient la garde haute. Le barrage routier, installé à cet effet, s’est révélé fructueux. Il a permis l’arrestation de 14 «harragas» empruntant le bus Tam-Ghardaïa et la saisie de 9 passeports falsifiés. Cette prise renseigne sur la densité du phénomène de l’immigration clandestine qui tend à se propager à une vitesse vertigineuse.
C’est, assurément, une goutte d’eau dans la grande déferlante humaine. Selon les statistiques fournies par la brigade de In-Salah, il a été conclu, du 1er janvier au 30 juillet 2007, 64 affaires se soldant par l’arrestation de 397 personnes en situation irrégulière (70% de Nigérians, 96 Maliens, 34 Ivoiriens, 24 Nigériens…) et la confiscation de 293 passeports.
C’est dire l’ampleur de ce fléau ravageur. Le désastre humain aux portes de Tam prend la forme de la terrible aventure de l’Afrique des plus démunis en quête d’un avenir plus clément et des edens des plus hypothétiques qui doivent plus aux mythes ravageurs du monde dit libre que de la réalité cauchemardesque de tous les jours. Tous les moyens, tous les procédés sont bons pour entretenir le rêve impossible du siècle de la déshumanisation en marche, tracer la géographie de la misère, définir les filières de la mort et pourvoir, en produit jamais tari, le marché des fantasmes collectifs hanté par la faune des prédateurs, des passeurs et des seigneurs de la contrefaçon sans foi, ni loi. Au cœur du plus grand désert du monde, la traversée se paie au prix fort et au péril de sa vie.
En avril dernier, à deux semaines d’intervalle, il a été découvert 3 cadavres enfouis sous les dunes de In Salah. Plus tragiquement, à une vingtaine de kilomètres, un cimetière a été érigé pour veiller à une sépulture digne des naufragés de la misère. Ils ont été victimes, par déshydratation, en 2003, d’une panne affectant le transport clandestin. L’image insoutenable des 22 cadavres amoncelés, regroupés par sexe sous les buissons de fortune et à l’ombre des rochers, laisse à penser que le choix du suicide collectif est la seule arme de survie qui reste après avoir tout perdu. Plus au sud, à 300 km du sud-est de Aïn Meguel, le cas d’une personne de 35 ans, découverte morte par déshydratation, fait aussi mal.
Les convois de la mort ou de la grande aventure crachent la marée humaine à la périphérie des villes pour se prémunir du contrôle systématique des services de sécurité en alerte continue.
Généralement, la descente des bus publics (les plus usités) ou des transports clandestins (de moins en moins) se fait à une vingtaine de kilomètres. La poursuite du périple impose, soit un séjour temporaire (2 à 3 jours), soit la «reprise» du voyage à la sortie de la localité à une distance équidistante (20 km approximativement) après une randonnée pédestre dans le désert de tous les dangers.
A In-Salah, une virée sur le terrain nous a permis de constater de visu l’itinéraire en guillemets. Vers le coucher du soleil, l’expédition illégale, mue par la volonté d’éviter les contrôles d’identité et la rigueur des barrages routiers, se dote des escales improvisées qui, comme dans la zone de Dghamcha (à l’ouest d’In-Salah) ou dans la forêt dense de palmeraies abandonnée de Barka jonchée, lors de notre passage, de traces de vie humaine (bouteille d‘eau et de lait Candia, vêtements…) servent de «refuge» idéal. Au début du mois d’avril 2007, une prise de 26 personnes a été effectuée en ce lieu inhabité et gorgé d’eau par la grâce des deux bassins remplis à ras-le-bord par on ne sait quelle âme bienfaitrice.
Les refuges de transit sont légion dans cette région, à l’image de ce qui fut une coopérative agricole en faillite et rendant l’âme dans une indifférence coupable dans le cimetière de tracteurs, des machines agricoles et des hangars aux manifestations de vie encore présentes. Et, ils le sont également dans la limonaderie privée Gara désertée par son propriétaire, néanmoins suspectée par le fait du tapis de prière déroulé à même le sol, le chapelet soigneusement posé, les bouteilles d’essence et, étrangement, les lumières éclairant la salle adjacente hermétiquement fermées. Une simple absence d’un gardien négligeant à la tombée de la nuit ? Peut-être ...
Il reste que les voies de l’immigration clandestine sont impénétrables. Tam en sait quelque chose dans son vécu tourmenté qui lui impose le nouveau destin honni de la capitale régionale de l’Afrique des «harragas».
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