Khaled Drareni boucle ses 100 jours de détention ce jour d’indépendance nationale. L’injustice qui le frappe et touche sa famille de martyrs et de patriotes est insupportable. Elle n’est pas anodine.
Le traitement spécial réservé au journaliste Khaled Drareni dans la procédure judiciaire qui le lie – dans le même dossier – à ses co-inculpés Samir Belarbi et Slimane Hamitouche, pose la question de l’accusation masquée. Celle proférée par le président Tebboune lorsqu’il a, lors de la conférence de presse du 1er mai dernier, fait allusion, sans citer son nom, à un journaliste incarcéré dont on sait qu’il est « un Khebardji » (une source qui rapporte du renseignement) pour les ambassades de certains pays. Dans les coulisses sécuritaires qui ont entrainé la parole de Abdelmadjid Tebboune sur ce territoire profanatoire une urgence opérationnelle, celle de trouver un justificatif mastodonte à l’incarcération du directeur de Casbah Tribune, présentateur du CPP de Radio M, correspond de presse étrangère, et correspondant de Reporter Sans Frontière. Il s’en est induit une dérive persistante. Amplifiée par le « Doubab » (trolls professionnels pro-pouvoir) qui travaille à faire passer la détention du journaliste reporter du Hirak pour une sorte de protection de la sécurité de l’Etat algérien, menacé par les informations qu’il rapporterait. Ce qui a été au départ un affligeant dérapage dans la communication présidentielle, cherche aujourd’hui à muter en véritable dossier à charge. Le procédé se développe de manière insupportablement suspecte. Le juge d’instruction qui a accepté de séparer le sort de Khaled Drareni de celui de ses deux co-inculpés n’a ajouté, jeudi 02 juillet, aucune nouvelle charge dans son dossier d’accusation. Il n’existe toujours absolument rien pour fonder l’allusion d’intelligence avec des parties extérieures suggérée par la parole présidentielle. La campagne calomnieuse distillée contre le journaliste Drareni amène inévitablement à se poser la vraie question sur ce thème : « qui cherche en Algérie à détourner le regard des véritables sources d’intelligence avec l’extérieur ? ». Ce blog, n’a pas pour unique ambition de défendre Khaled Drareni et son honneur. Son aura professionnelle et sa rigueur morale peuvent l’en dispenser. Il a pour but d’alerter sur l’émergence d’une tendance préoccupante : avec le délitement de l’Etat et son naufrage dans la délinquance d’affaires, puis la guerre de pouvoir que se livrent depuis plusieurs années différents clans pour le contrôle de l’ANP, l’intelligence extérieure dispose plus que jamais auparavant de sources internes au pouvoir pour se renseigner sur son évolution et ajuster ses décisions en conséquence. Le système algérien en crise fait de plus en plus fuiter des informations confidentielles d’entre ses murs et produit des informateurs potentiels dans ses rangs en mode accéléré depuis des années. Qui peut encore le cacher ? Sans doute pas l’illusoire contre feu de la campagne infamante contre l’un des symboles les plus puissants de la droiture journalistique en Algérie.
Ce que cherchent à savoir les étrangers
Trois catégories de renseignements intéressent en priorité les réseaux d’intelligence étrangers dans le cas de l’Algérie. Cette catégorisation est recoupée – d’après mon parcours professionnel de 36 ans – à la fois par de hauts responsables algériens à la retraite ( ex-chefs du gouvernement, ministres, généraux, ambassadeurs, etc.…) et par des universitaires et think tank étrangers. Il s’agit des renseignements sur le pouvoir politique, sur sa stabilité et sur les scénarios de successions, ensuite des renseignements sur l’armement, la sécurité, et l’évolution des profils de commandements internes à l’ANP, il s’agit enfin des renseignements sur le management du secteur de l’énergie, de Sonatrach en particulier et sur la production des arbitrages dans les grands contrats d’équipement publics.
La collecte de ces renseignements évolue partout dans le monde. Elle est essentiellement électronique depuis quelques années mais demeure encore humanisée notamment lorsque les sources de première information sont facilement identifiées et présentent des points de fragilité. L’intelligence dépend également de la qualité de l’analyse des données recueillies. Ainsi par exemple le géant pétrolier BP ne s’est pas contenté des rapports des services britanniques pour prendre sa décision de poursuivre ses négociations ou pas avec Sonatrach autour du méga-contrat d’investissement en partage de production à In Salah, finalement signé le 24 décembre 1995. BP a écouté des universitaires spécialistes de l’Algérie, dont un en particulier qui a réussit à convaincre la compagnie que l’Etat-FLN n’allait pas s’effondrer face à l’insurrection islamiste. En 2009, Control Risk une des agences connues d’intelligence économiques, cherchait à savoir pour ses clients quel était le scénario de succession à la tête de Sonatrach et du secteur de l’énergie, si Chakib Khelil visait par une enquête du DRS devait céder la place. Les sources les plus fiables sont , dans ce cas là, à l’intérieur du système de pouvoir. Mais elles n’ont, à priori, aucune raison de livrer des renseignements – ou même des pronostics- à des agences d’intelligence économique. Les choses se présentent tout à fait autrement lorsque l’accès à la source est facilitée par la défaillance de la partie algérienne : séjour et secret médicaux, évasion fiscale, acquisition de biens, vie privée cachée. Tout ce qui, d’illicite ou de non protégé, se déroulant sur le territoire des puissances étrangères en quête de renseignements est une porte d’entrée pour la naissance d’une source pour les services en charge de lire l’Algérie, d’anticiper ses décisions, de protéger ou d’étendre leurs intérêts dans ce pays. Lorsque les défaillances sont la signature du sommet de l’Etat Algérien, la partie est alors perdue d’avance.
L’aléa moral du Val de Grace
La DGSE française a sans doute été le service le mieux informé au monde de l’évolution de l’état du président Bouteflika après ses deux accidents de santé de décembre 2005 et d’avril 2013. De même qu’il était, sans doute, le premier à connaître la décision du clan Bouteflika de briguer un 4e mandat présidentiel pour le président sortant durant son séjour de convalescence aux Invalides en juin 2013. Le choix de Abdelaziz Bouteflika de se soigner dans l’urgence en France a crée un aléa moral qui a court-circuité tout le dispositif de protection du renseignement sur le fonctionnement du pouvoir algérien. L’acquisition du renseignement n’a pas toujours besoin d’informateur, elle peut avoir accès à des sources premières passives et consentantes. C’est ce que sont devenus les Bouteflika en s’installant en France pour les séquences maladies et en y conduisant les délibérations sur le sort politique du pays. Abdelmalek Sellal premier ministre et Ahmed Gaïd Salah chef d’Etat major, deux artisans du 4e mandat (puis du projet du 5e ) ont participé sur le sol français à ces délibérations. Leur confidentialité ne pouvait pas être garanties. Ils sont passés outre. Il est possible d’affirmer aujourd’hui que pour la première catégorie de renseignement, celle qui a trait au secret du pouvoir politique en Algérie, elle devait depuis 2006 être sous-traitée aux français. « Qui va succéder à Brejnev ? » était une question clé de l’espionnage occidental en Union Soviétique au début des années 80. Elle ressemblait à un livre ouvert à Paris dans le cas de Bouteflika. Le système de pouvoir algérien s’est exposé de lui même à la décote dans les réseaux d’intelligence. Toute la trajectoire qu’il va suivre depuis, correspond à une accélération du délitement qui offre des accès à des sources en situation défaillante. Amar Saidani, président de l’Assemblée nationale, troisième personnage de l’Etat et secrétaire général du FLN en est l’archétype, toujours dans cette catégorie du pouvoir politique : résident en France et détenteur de biens immobiliers dont le financement de l’achat est suspect. Les possibilités pour les services étrangers de se mettre en position de lire et d’influencer le cœur du système (premier ministres, ministres de souveraineté, directeurs de cabinets) n’ont jamais été aussi larges que durant ces 15 dernières années notamment à travers l’aléa moral du Val de Grace. La fouille corporelle, subie en octobre 2015, à Orly par un ministre de la communication en exercice, Hamid Grine, illustre combien le traitement de la « matière » officielle algérienne par les français s’était aligné sur sa réputation affairiste.
Le traitement spécial réservé au journaliste Khaled Drareni dans la procédure judiciaire qui le lie – dans le même dossier – à ses co-inculpés Samir Belarbi et Slimane Hamitouche, pose la question de l’accusation masquée. Celle proférée par le président Tebboune lorsqu’il a, lors de la conférence de presse du 1er mai dernier, fait allusion, sans citer son nom, à un journaliste incarcéré dont on sait qu’il est « un Khebardji » (une source qui rapporte du renseignement) pour les ambassades de certains pays. Dans les coulisses sécuritaires qui ont entrainé la parole de Abdelmadjid Tebboune sur ce territoire profanatoire une urgence opérationnelle, celle de trouver un justificatif mastodonte à l’incarcération du directeur de Casbah Tribune, présentateur du CPP de Radio M, correspond de presse étrangère, et correspondant de Reporter Sans Frontière. Il s’en est induit une dérive persistante. Amplifiée par le « Doubab » (trolls professionnels pro-pouvoir) qui travaille à faire passer la détention du journaliste reporter du Hirak pour une sorte de protection de la sécurité de l’Etat algérien, menacé par les informations qu’il rapporterait. Ce qui a été au départ un affligeant dérapage dans la communication présidentielle, cherche aujourd’hui à muter en véritable dossier à charge. Le procédé se développe de manière insupportablement suspecte. Le juge d’instruction qui a accepté de séparer le sort de Khaled Drareni de celui de ses deux co-inculpés n’a ajouté, jeudi 02 juillet, aucune nouvelle charge dans son dossier d’accusation. Il n’existe toujours absolument rien pour fonder l’allusion d’intelligence avec des parties extérieures suggérée par la parole présidentielle. La campagne calomnieuse distillée contre le journaliste Drareni amène inévitablement à se poser la vraie question sur ce thème : « qui cherche en Algérie à détourner le regard des véritables sources d’intelligence avec l’extérieur ? ». Ce blog, n’a pas pour unique ambition de défendre Khaled Drareni et son honneur. Son aura professionnelle et sa rigueur morale peuvent l’en dispenser. Il a pour but d’alerter sur l’émergence d’une tendance préoccupante : avec le délitement de l’Etat et son naufrage dans la délinquance d’affaires, puis la guerre de pouvoir que se livrent depuis plusieurs années différents clans pour le contrôle de l’ANP, l’intelligence extérieure dispose plus que jamais auparavant de sources internes au pouvoir pour se renseigner sur son évolution et ajuster ses décisions en conséquence. Le système algérien en crise fait de plus en plus fuiter des informations confidentielles d’entre ses murs et produit des informateurs potentiels dans ses rangs en mode accéléré depuis des années. Qui peut encore le cacher ? Sans doute pas l’illusoire contre feu de la campagne infamante contre l’un des symboles les plus puissants de la droiture journalistique en Algérie.
Ce que cherchent à savoir les étrangers
Trois catégories de renseignements intéressent en priorité les réseaux d’intelligence étrangers dans le cas de l’Algérie. Cette catégorisation est recoupée – d’après mon parcours professionnel de 36 ans – à la fois par de hauts responsables algériens à la retraite ( ex-chefs du gouvernement, ministres, généraux, ambassadeurs, etc.…) et par des universitaires et think tank étrangers. Il s’agit des renseignements sur le pouvoir politique, sur sa stabilité et sur les scénarios de successions, ensuite des renseignements sur l’armement, la sécurité, et l’évolution des profils de commandements internes à l’ANP, il s’agit enfin des renseignements sur le management du secteur de l’énergie, de Sonatrach en particulier et sur la production des arbitrages dans les grands contrats d’équipement publics.
La collecte de ces renseignements évolue partout dans le monde. Elle est essentiellement électronique depuis quelques années mais demeure encore humanisée notamment lorsque les sources de première information sont facilement identifiées et présentent des points de fragilité. L’intelligence dépend également de la qualité de l’analyse des données recueillies. Ainsi par exemple le géant pétrolier BP ne s’est pas contenté des rapports des services britanniques pour prendre sa décision de poursuivre ses négociations ou pas avec Sonatrach autour du méga-contrat d’investissement en partage de production à In Salah, finalement signé le 24 décembre 1995. BP a écouté des universitaires spécialistes de l’Algérie, dont un en particulier qui a réussit à convaincre la compagnie que l’Etat-FLN n’allait pas s’effondrer face à l’insurrection islamiste. En 2009, Control Risk une des agences connues d’intelligence économiques, cherchait à savoir pour ses clients quel était le scénario de succession à la tête de Sonatrach et du secteur de l’énergie, si Chakib Khelil visait par une enquête du DRS devait céder la place. Les sources les plus fiables sont , dans ce cas là, à l’intérieur du système de pouvoir. Mais elles n’ont, à priori, aucune raison de livrer des renseignements – ou même des pronostics- à des agences d’intelligence économique. Les choses se présentent tout à fait autrement lorsque l’accès à la source est facilitée par la défaillance de la partie algérienne : séjour et secret médicaux, évasion fiscale, acquisition de biens, vie privée cachée. Tout ce qui, d’illicite ou de non protégé, se déroulant sur le territoire des puissances étrangères en quête de renseignements est une porte d’entrée pour la naissance d’une source pour les services en charge de lire l’Algérie, d’anticiper ses décisions, de protéger ou d’étendre leurs intérêts dans ce pays. Lorsque les défaillances sont la signature du sommet de l’Etat Algérien, la partie est alors perdue d’avance.
L’aléa moral du Val de Grace
La DGSE française a sans doute été le service le mieux informé au monde de l’évolution de l’état du président Bouteflika après ses deux accidents de santé de décembre 2005 et d’avril 2013. De même qu’il était, sans doute, le premier à connaître la décision du clan Bouteflika de briguer un 4e mandat présidentiel pour le président sortant durant son séjour de convalescence aux Invalides en juin 2013. Le choix de Abdelaziz Bouteflika de se soigner dans l’urgence en France a crée un aléa moral qui a court-circuité tout le dispositif de protection du renseignement sur le fonctionnement du pouvoir algérien. L’acquisition du renseignement n’a pas toujours besoin d’informateur, elle peut avoir accès à des sources premières passives et consentantes. C’est ce que sont devenus les Bouteflika en s’installant en France pour les séquences maladies et en y conduisant les délibérations sur le sort politique du pays. Abdelmalek Sellal premier ministre et Ahmed Gaïd Salah chef d’Etat major, deux artisans du 4e mandat (puis du projet du 5e ) ont participé sur le sol français à ces délibérations. Leur confidentialité ne pouvait pas être garanties. Ils sont passés outre. Il est possible d’affirmer aujourd’hui que pour la première catégorie de renseignement, celle qui a trait au secret du pouvoir politique en Algérie, elle devait depuis 2006 être sous-traitée aux français. « Qui va succéder à Brejnev ? » était une question clé de l’espionnage occidental en Union Soviétique au début des années 80. Elle ressemblait à un livre ouvert à Paris dans le cas de Bouteflika. Le système de pouvoir algérien s’est exposé de lui même à la décote dans les réseaux d’intelligence. Toute la trajectoire qu’il va suivre depuis, correspond à une accélération du délitement qui offre des accès à des sources en situation défaillante. Amar Saidani, président de l’Assemblée nationale, troisième personnage de l’Etat et secrétaire général du FLN en est l’archétype, toujours dans cette catégorie du pouvoir politique : résident en France et détenteur de biens immobiliers dont le financement de l’achat est suspect. Les possibilités pour les services étrangers de se mettre en position de lire et d’influencer le cœur du système (premier ministres, ministres de souveraineté, directeurs de cabinets) n’ont jamais été aussi larges que durant ces 15 dernières années notamment à travers l’aléa moral du Val de Grace. La fouille corporelle, subie en octobre 2015, à Orly par un ministre de la communication en exercice, Hamid Grine, illustre combien le traitement de la « matière » officielle algérienne par les français s’était aligné sur sa réputation affairiste.
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