Une première vérité saute aux yeux : la somme allouée pour soigner une population dépend directement de sa richesse nationale.
La dépense globale de santé (DGS) de l’Algérie est ainsi de 380 dollars/an/hab, celle des pays de l’OCDE est en moyenne dix fois supérieure, soit entre 3000 et 4000 dollars ! Dans un système mutualisé, tout l’argent est placé dans une seule caisse nationale d’assurance maladie, laquelle a pour mission de payer toutes les activités de santé dans un cadre négocié entre les trois partenaires : assurance, secteur privé, secteur public, dans le cadre d’un plan stratégique de santé, élaboré par l’Etat, destiné à satisfaire les besoins de santé de tous, dans un cadre de solidarité et d’équité.
Une évaluation périodique est effectuée pour vérifier, dans la transparence, que ce qui est payé répond bien aux objectifs nationaux de santé. La part qui revient au secteur libéral s’établit sur la base d’une tarification des actes régulièrement mise à jour et par la mise en place d’un système de contrôle de la pertinence des actes (normes opposables) pour éviter les abus de prescription qui mènent à l’inflation ruineuse des actes de soins.
Dans un système incomplètement ou pas du tout mutualisé vont coexister plusieurs sources de financement (synonymes souvent de différents niveaux de protection en fonction du prix des assurances sur le marché), ce qui rend le contrôle de la dépense difficile et obère le principe de solidarité nationale. La protection sanitaire va dépendre du niveau de revenus de chacun et de sa capacité à acheter des soins et de s’offrir les moyens de protéger la santé de sa famille.
Ainsi, à travers l’analyse de la dépense globale de santé, on peut savoir, de manière précise, le modèle de système sanitaire adopté par un pays : ce n’est pas tant le montant de la DGS qui importe, mais plus sa structure, qui est illustrative. Par exemple, l’analyse de la DGS des USA, qui consacrent plus de 16% de leur PIB à la santé, montre que ce sont les usagers à travers leur propre bourse ou par le biais d’assurances volontaires qui financent en majorité cette dépense. Ce sont donc les riches qui payent et profitent des avancées de la médecine US.
Dans les autres pays de l’OCDE, la structure de la DGS se répartit entre Trésor public (à travers l’impôt) et assurance obligatoire pour plus de 80%, la bourse des ménages n’intervenant que pour moins de 20% de la DGS. L’assurance maladie universelle permet, dans ce système, une offre de soins plus équitable et une plus grande justice d’accès aux soins. Plus près de nous, au Maroc, la DGS est financée à hauteur de 60% par les ménages, 30% seulement de la population marocaine disposent d’une assurance maladie.
La Tunisie, après avoir adopté un système mutualisé, s’oriente de plus en plus vers le secteur libéral, puisque 40% de la DGS est désormais à la charge des ménages. C’est également ce qui se passe, aujourd’hui, en Algérie où coexistent une Caisse de sécurité sociale (CNAS) censée payer les frais de santé de ses assurés, une caisse dédiée aux commerçants et professions libérales (Casnos), une caisse militaire, un système de prise en charge des soins à l’étranger, un système de prise en charge des démunis pour les maladies chroniques financé par le ministère de la Solidarité nationale et, enfin, un financement direct par la bourse des ménages, c’est à dire la poche des usagers.
Cet émiettement des sources de financement de la DGS rend difficile le contrôle de la pertinence de ses dépenses et favorise l’inégalité dans l’accès aux soins. L’opacité de la gestion, inhérente à cet émiettement, entraîne inévitablement l’émergence de lobbies qui vont tenter, par différents moyens, de s’approprier la plus grosse part du magot : dans le secteur public en s’organisant en puissants réseaux d’influence auprès de décideurs et dans le secteur libéral en multipliant l’offre qui va peu à peu se substituer aux carences du secteur public !
Voilà pourquoi la part des ménages qui financent presque exclusivement le secteur privé augmente d’année en année et pourquoi 20% de la même DGS va dans les poches de l’industrie pharmaceutique (la part du médicament dans la DGS nationale est de 80 dollars/hab/an). L’addition des 40% de la DGS provenant de la bourse des ménages et des 20% de ce qui va aux médicaments (à 70% importés) représente 60% de la DGS ! Il ne reste plus que 40% et des poussières de la DGS pour financer tout le secteur public de la santé dont 250 hôpitaux et 13 CHU !
Ceci explique, bien mieux que les anecdotes conjoncturelles étalées dans la presse, la nature du conflit qui monte en puissance, chaque année, entre le secteur public, qui s’appauvrit au profit d’un secteur privé de plus en plus entreprenant et prospère. Ce conflit doit trouver son issue dans les plus brefs délais, sur des bases objectives et négociées pour éviter le naufrage du système dans son ensemble.
Alors que faire ? A mon avis, les mesures urgentes qui s’imposent sont les suivantes :
- 1/ Etablir un programme national de santé pertinent et réaliste, sur les court, moyen et long termes, en fixant clairement les priorités et les objectifs à atteindre.
- 2/ Unifier le financement du système de santé par la création d’une Caisse nationale d’assurance maladie à laquelle participeront le Trésor public, les CNAS, les Casnos, autres assurances et dont le rôle sera de financer le programme national de santé.
- 3/ Unifier le système de soins en établissant une tarification des actes médicaux juste et équitable, régulièrement négociée avec les représentants des professionnels de santé des secteurs public et privé et valable pour tous, avec pour objectifs d’appliquer les principes de service public aux deux secteurs et faire baisser la part des ménages dans la DGS en dessous de 15%.
- 4/ Mettre en place des comités d’experts pour valider les actes de diagnostic et de traitement pertinents et imposer des règles de bonne pratique et des normes opposables, en relation avec les priorités du programme national de santé.
- 5/ Sur la base de ce qui précède, mettre en place un système d’allocation des ressources pertinent, transparent et équitable qui finance des programmes et non des structures et qui replace l’usager au centre des préoccupations de la politique de santé.
- 6/ Instituer les comptes nationaux de la santé afin d’évaluer objectivement la pertinence des dépenses par rapport aux objectifs fixés, d’établir des contrôles a posteriori du fonctionnement de la Caisse nationale d’assurance maladie et de son système d’allocation des ressources.
En attendant, il est urgent d’effectuer une évaluation objective du fonctionnement des secteurs public et privé et des relations qui se sont tissées, bon gré mal gré, entre eux. Car se contenter de faire le procès de tel ou tel secteur et de mettre en accusation le secteur privé dans sa globalité sous prétexte de telle ou telle dérive est absurde et contre-productif. Le secteur public va mal et appelle à des réformes structurelles qui permettraient à ses élites de construire un système à la hauteur des attentes du pays.
La dépense globale de santé (DGS) de l’Algérie est ainsi de 380 dollars/an/hab, celle des pays de l’OCDE est en moyenne dix fois supérieure, soit entre 3000 et 4000 dollars ! Dans un système mutualisé, tout l’argent est placé dans une seule caisse nationale d’assurance maladie, laquelle a pour mission de payer toutes les activités de santé dans un cadre négocié entre les trois partenaires : assurance, secteur privé, secteur public, dans le cadre d’un plan stratégique de santé, élaboré par l’Etat, destiné à satisfaire les besoins de santé de tous, dans un cadre de solidarité et d’équité.
Une évaluation périodique est effectuée pour vérifier, dans la transparence, que ce qui est payé répond bien aux objectifs nationaux de santé. La part qui revient au secteur libéral s’établit sur la base d’une tarification des actes régulièrement mise à jour et par la mise en place d’un système de contrôle de la pertinence des actes (normes opposables) pour éviter les abus de prescription qui mènent à l’inflation ruineuse des actes de soins.
Dans un système incomplètement ou pas du tout mutualisé vont coexister plusieurs sources de financement (synonymes souvent de différents niveaux de protection en fonction du prix des assurances sur le marché), ce qui rend le contrôle de la dépense difficile et obère le principe de solidarité nationale. La protection sanitaire va dépendre du niveau de revenus de chacun et de sa capacité à acheter des soins et de s’offrir les moyens de protéger la santé de sa famille.
Ainsi, à travers l’analyse de la dépense globale de santé, on peut savoir, de manière précise, le modèle de système sanitaire adopté par un pays : ce n’est pas tant le montant de la DGS qui importe, mais plus sa structure, qui est illustrative. Par exemple, l’analyse de la DGS des USA, qui consacrent plus de 16% de leur PIB à la santé, montre que ce sont les usagers à travers leur propre bourse ou par le biais d’assurances volontaires qui financent en majorité cette dépense. Ce sont donc les riches qui payent et profitent des avancées de la médecine US.
Dans les autres pays de l’OCDE, la structure de la DGS se répartit entre Trésor public (à travers l’impôt) et assurance obligatoire pour plus de 80%, la bourse des ménages n’intervenant que pour moins de 20% de la DGS. L’assurance maladie universelle permet, dans ce système, une offre de soins plus équitable et une plus grande justice d’accès aux soins. Plus près de nous, au Maroc, la DGS est financée à hauteur de 60% par les ménages, 30% seulement de la population marocaine disposent d’une assurance maladie.
La Tunisie, après avoir adopté un système mutualisé, s’oriente de plus en plus vers le secteur libéral, puisque 40% de la DGS est désormais à la charge des ménages. C’est également ce qui se passe, aujourd’hui, en Algérie où coexistent une Caisse de sécurité sociale (CNAS) censée payer les frais de santé de ses assurés, une caisse dédiée aux commerçants et professions libérales (Casnos), une caisse militaire, un système de prise en charge des soins à l’étranger, un système de prise en charge des démunis pour les maladies chroniques financé par le ministère de la Solidarité nationale et, enfin, un financement direct par la bourse des ménages, c’est à dire la poche des usagers.
Cet émiettement des sources de financement de la DGS rend difficile le contrôle de la pertinence de ses dépenses et favorise l’inégalité dans l’accès aux soins. L’opacité de la gestion, inhérente à cet émiettement, entraîne inévitablement l’émergence de lobbies qui vont tenter, par différents moyens, de s’approprier la plus grosse part du magot : dans le secteur public en s’organisant en puissants réseaux d’influence auprès de décideurs et dans le secteur libéral en multipliant l’offre qui va peu à peu se substituer aux carences du secteur public !
Voilà pourquoi la part des ménages qui financent presque exclusivement le secteur privé augmente d’année en année et pourquoi 20% de la même DGS va dans les poches de l’industrie pharmaceutique (la part du médicament dans la DGS nationale est de 80 dollars/hab/an). L’addition des 40% de la DGS provenant de la bourse des ménages et des 20% de ce qui va aux médicaments (à 70% importés) représente 60% de la DGS ! Il ne reste plus que 40% et des poussières de la DGS pour financer tout le secteur public de la santé dont 250 hôpitaux et 13 CHU !
Ceci explique, bien mieux que les anecdotes conjoncturelles étalées dans la presse, la nature du conflit qui monte en puissance, chaque année, entre le secteur public, qui s’appauvrit au profit d’un secteur privé de plus en plus entreprenant et prospère. Ce conflit doit trouver son issue dans les plus brefs délais, sur des bases objectives et négociées pour éviter le naufrage du système dans son ensemble.
Alors que faire ? A mon avis, les mesures urgentes qui s’imposent sont les suivantes :
- 1/ Etablir un programme national de santé pertinent et réaliste, sur les court, moyen et long termes, en fixant clairement les priorités et les objectifs à atteindre.
- 2/ Unifier le financement du système de santé par la création d’une Caisse nationale d’assurance maladie à laquelle participeront le Trésor public, les CNAS, les Casnos, autres assurances et dont le rôle sera de financer le programme national de santé.
- 3/ Unifier le système de soins en établissant une tarification des actes médicaux juste et équitable, régulièrement négociée avec les représentants des professionnels de santé des secteurs public et privé et valable pour tous, avec pour objectifs d’appliquer les principes de service public aux deux secteurs et faire baisser la part des ménages dans la DGS en dessous de 15%.
- 4/ Mettre en place des comités d’experts pour valider les actes de diagnostic et de traitement pertinents et imposer des règles de bonne pratique et des normes opposables, en relation avec les priorités du programme national de santé.
- 5/ Sur la base de ce qui précède, mettre en place un système d’allocation des ressources pertinent, transparent et équitable qui finance des programmes et non des structures et qui replace l’usager au centre des préoccupations de la politique de santé.
- 6/ Instituer les comptes nationaux de la santé afin d’évaluer objectivement la pertinence des dépenses par rapport aux objectifs fixés, d’établir des contrôles a posteriori du fonctionnement de la Caisse nationale d’assurance maladie et de son système d’allocation des ressources.
En attendant, il est urgent d’effectuer une évaluation objective du fonctionnement des secteurs public et privé et des relations qui se sont tissées, bon gré mal gré, entre eux. Car se contenter de faire le procès de tel ou tel secteur et de mettre en accusation le secteur privé dans sa globalité sous prétexte de telle ou telle dérive est absurde et contre-productif. Le secteur public va mal et appelle à des réformes structurelles qui permettraient à ses élites de construire un système à la hauteur des attentes du pays.
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