GAZ DE SCHISTE :
ALGERIENS, INDIGNEZ-VOUS …
28 Mai 2014 Publié par Le Quotidien d’Algérie
Adresse à Monsieur le Président de la République
Par Hocine Malti, 27 mai 2014
Monsieur le Président de la République,
Vous venez d’autoriser l’exploration et l’exploitation du gaz de schiste sur le territoire de notre pays à tous, l’Algérie. Nous avez-vous consultés, nous les citoyens, avant de prendre une décision aussi grave ? Avez-vous, ne serait-ce que pour la forme, consulté la représentation nationale ? Sachant à quel point vous et le régime dont vous êtes la façade avez travesti les règles de la démocratie dans notre pays, vous auriez probablement obtenu l’accord quasi-unanime de ceux qui sont censés nous représenter. Cela nous aurait cependant permis de repérer les quelques courageux qui auraient osé vous dire, non. Savez-vous ce qu’est le gaz de schiste, Monsieur le Président ? Savez-vous comment l’on procède pour extraire ce gaz de la roche qui le contient ? Savez-vous quels sont les dangers encourus lors de l’extraction ? Savez-vous de quelles réserves l’Algérie dispose-t-elle ? Savez-vous qu’elles seront les retombées financières sur le pays, une fois l’exploitation entamée ? Savez-vous quelles décisions ont été prises en la matière par d’autres pays, censés disposer de réserves importantes de cette ressource ?
Vous souvenez-vous, Monsieur le Président, de l’ardoise que vous transportiez dans votre cartable d’écolier ? Imaginez plusieurs ardoises collées les unes aux autres jusqu’à constituer une couche épaisse de quelques dizaines de mètres située à deux ou trois mille mètres sous terre. La roche ainsi constituée s’appelle schiste. (D’autres roches identiques à l’ardoise de par leur consistance et leur dureté s’appellent également schiste. Ce sont celles-ci surtout qui sont présentes au Sahara, mais j’ai choisi l’ardoise car elle plus parlante pour le commun des mortels.) A l’intérieur de cette roche se trouvent des milliards de micropores, voire de nanopores qui contiennent du gaz : c’est le gaz de schiste. Vous est-il arrivé, Monsieur le Président, de faire tomber votre ardoise sur le chemin de l’école ? Pouviez-vous dire, à l’avance, si elle allait se briser en deux, trois ou plusieurs morceaux ? Et quelles seraient la taille et la forme de ces morceaux ? Bien évidemment, non. Afin de produire le gaz contenu dans cette roche très peu poreuse, on doit le libérer en provoquant par des techniques particulières un phénomène identique, on doit faire éclater la roche ; en jargon du métier on dit que l’on doit procéder à la fracturation du schiste. Tout comme dans l’exemple de l’ardoise qui se brise, on est dans l’incapacité de dire quel en sera le résultat, mais aussi et surtout, on ne pourra prédire jusqu’à quelle profondeur s’étendra la fracturation. L’opération est d’autant plus incontrôlable qu’elle se déroule dans les entrailles de la terre. On ne sait donc pas si seule la couche de schiste a été fracturée, tout comme on ne sait pas si, ce faisant, les fissures que l’on a créées ne sont pas devenues autant de canaux de communication vers d’autres couches plus poreuses situées au-dessus ou au-dessous de la couche porteuse. C’est malheureusement ce qui arrive dans la très grande majorité des cas car, sachez Monsieur le Président, que pour extraire le gaz de schiste, on doit pénétrer cette couche par un forage dit horizontal et procéder de proche en proche au plus grand nombre possible de fracturations qui peuvent alors atteindre d’autres niveaux. La fracturation en elle-même se fait par injection à très haute pression d’eau à laquelle on a additionné du sable et des composants chimiques extrêmement nocifs pour la santé des hommes et des animaux, mais aussi pour la végétation ; en effet, certains sont radioactifs, tandis que d’autres sont cancérigènes. Les quantités d’eau utilisées sont de l’ordre de quelques dizaines de milliers de mètres cubes par forage, ce qui est une quantité énorme, vu la rareté de cette denrée précieuse dans les zones arides sahariennes. De retour à la surface après usage, ce mélange eau-produits chimiques est généralement jeté dans la nature. Comme vous le voyez, Monsieur le Président, on a là un énorme gaspillage d’eau, qui s’infiltrera dans le sol, entraînant sa pollution avec elle et laissant derrière elle d’immenses décharges de produits chimiques. Je dois donc vous dire, Monsieur le Président, que si vous maintenez votre décision, l’Histoire retiendra que vous aurez semé la mort pour plusieurs décennies dans toutes les zones sur lesquelles auront travaillé les compagnies que votre gouvernement aura agrées ; et que vous aurez traité votre peuple de la même manière que l’a traité la puissance colonisatrice dans les années 1960, en procédant à des essais nucléaires au Sahara. Et ce n’est pas tout. L’eau polluée par les composants chimiques qu’elle contient, injectée sous très haute pression, pénétrera à travers les fractures qu’elle aura créées dans d’autres couches plus perméables et plus poreuses puis migrera probablement vers les trois grandes zones aquifères présentes dans le sous-sol saharien, dont la couche albienne notamment qui contient – je ne sais si vous le savez – des milliers de milliards de mètres cubes d’eau accumulés durant des siècles. C’est cela le plus grand risque que votre décision fait courir à la plus importante richesse que recèle le Sahara. L’Histoire a déjà enregistré que vous et le système que vous représentez avez privé la génération actuelle d’Algériens du bien-être que leur aurait procuré la manne pétrolière du pays en bradant ses ressources en hydrocarbures[1] afin de satisfaire les appétits des majors pétroliers, américains notamment, dans le but affiché de vous acheter des alliances, mais aussi celui de gonfler les comptes en banque de vos proches et des mafieux qui vous entourent. De même, qu’elle retiendra que, pour les mêmes raisons vous aurez également privé les générations futures de l’eau, source de la vie. Comment peut-on qualifier cela, Monsieur le Président ? Non-assistance à personne en danger ? Crime contre l’Humanité ? Je vous laisse le choix du qualificatif. Ce n’est pas parce que vous avez donné comme instruction, lors du conseil des ministres du 21 mai 2014 qui a entériné la décision « de veiller à ce que la prospection, et plus tard l’exploitation des hydrocarbures schisteux soient menés en permanence avec le souci de préserver les ressources hydriques et de protéger l’environnement » que vous vous serez délié de toute responsabilité en la matière. Car, plus que la corruption que vous et vos maîtres de l’ombre[2] avez instaurée comme méthode de gouvernance, plus que la maltraitance et le mépris avec lesquels vous avez traité votre peuple durant les quinze années de votre règne – et plus sachant que vous venez d’entamer un quatrième mandat – poussant notamment la jeunesse de ce pays vers l’exil, y compris sur une embarcation de fortune avec la mort au bout du voyage, c’est un crime autrement plus grave que vous allez commettre, Monsieur le Président. J’espère que vous êtes conscient que l’Histoire retiendra que ce crime vous est imputable à vous et à vous seul, car eux, vos maîtres de l’ombre, s’en laveront les mains bien sûr. D’autant plus que vous n’ignorez pas que les guerres du futur seront des guerres pour l’eau ; mais cela vous n’en avez cure visiblement, car ce ne seront pas vos guerres, ni même celles de votre descendance, car vous n’en avez pas. Au lieu de préserver ce bien précieux pour l’Humanité toute entière et pour des millions d’Algériens qui ne sont pas encore nés, vous nous dites : « Après moi le déluge ! »
Monsieur le Président,
Je suppose que l’on vous a dit que l’Algérie était classée en troisième position dans le monde pour ce qui est des réserves de gaz de schiste. Sachez que les chiffres qui vous ont été avancés émanent apparemment de rapports établis par le Secrétariat à l’Energie américain, dans lesquels il est bien spécifié qu’il s’agit là de réserves non prouvées, qu’elles seraient de l’ordre de 19 800 milliards de mètres cubes et qu’elles seraient situées en majorité au sud-est du Sahara dans une zone de 120 000 kms² environ. Aucune étude sérieuse, ni aucun travail de recherche sur le terrain ne sont venus, à ce jour, confirmer la véracité de ces chiffres. La lecture de ces rapports, qui utilisent tous des verbes déclinés au conditionnel, montre d’ailleurs bien que ce ne sont là que des estimations grossières, basées sur une superficie calculée très approximativement – je dirais même outrageusement gonflée – tout comme le sont les autres éléments (épaisseurs des couches, porosité, etc.), qui entrent en jeu dans les calculs. On ne peut par conséquent pas bâtir une politique d’exploitation, et encore moins prendre des engagements commerciaux sur la base de chiffres de réserves qui sont loin d’être prouvées, comme l’ont si bien souligné les auteurs des rapports en question. Ce qui est par contre toujours constaté dans le domaine du calcul des réserves en hydrocarbures, c’est que l’on aboutit généralement à des réserves prouvées 2,3 ou 4 fois inférieures, si ce n’est plus, à celles des réserves initialement estimées. Le fait que nous soient répétés sur tous les tons, tant par les responsables de Sonatrach, que par des membres de votre gouvernement, ou par certains médias algériens, des chiffres mirobolants de réserves qui flattent l’égo des Algériens, n’en fait pas pour autant des vérités.
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ALGERIENS, INDIGNEZ-VOUS …
28 Mai 2014 Publié par Le Quotidien d’Algérie
Adresse à Monsieur le Président de la République
Par Hocine Malti, 27 mai 2014
Monsieur le Président de la République,
Vous venez d’autoriser l’exploration et l’exploitation du gaz de schiste sur le territoire de notre pays à tous, l’Algérie. Nous avez-vous consultés, nous les citoyens, avant de prendre une décision aussi grave ? Avez-vous, ne serait-ce que pour la forme, consulté la représentation nationale ? Sachant à quel point vous et le régime dont vous êtes la façade avez travesti les règles de la démocratie dans notre pays, vous auriez probablement obtenu l’accord quasi-unanime de ceux qui sont censés nous représenter. Cela nous aurait cependant permis de repérer les quelques courageux qui auraient osé vous dire, non. Savez-vous ce qu’est le gaz de schiste, Monsieur le Président ? Savez-vous comment l’on procède pour extraire ce gaz de la roche qui le contient ? Savez-vous quels sont les dangers encourus lors de l’extraction ? Savez-vous de quelles réserves l’Algérie dispose-t-elle ? Savez-vous qu’elles seront les retombées financières sur le pays, une fois l’exploitation entamée ? Savez-vous quelles décisions ont été prises en la matière par d’autres pays, censés disposer de réserves importantes de cette ressource ?
Vous souvenez-vous, Monsieur le Président, de l’ardoise que vous transportiez dans votre cartable d’écolier ? Imaginez plusieurs ardoises collées les unes aux autres jusqu’à constituer une couche épaisse de quelques dizaines de mètres située à deux ou trois mille mètres sous terre. La roche ainsi constituée s’appelle schiste. (D’autres roches identiques à l’ardoise de par leur consistance et leur dureté s’appellent également schiste. Ce sont celles-ci surtout qui sont présentes au Sahara, mais j’ai choisi l’ardoise car elle plus parlante pour le commun des mortels.) A l’intérieur de cette roche se trouvent des milliards de micropores, voire de nanopores qui contiennent du gaz : c’est le gaz de schiste. Vous est-il arrivé, Monsieur le Président, de faire tomber votre ardoise sur le chemin de l’école ? Pouviez-vous dire, à l’avance, si elle allait se briser en deux, trois ou plusieurs morceaux ? Et quelles seraient la taille et la forme de ces morceaux ? Bien évidemment, non. Afin de produire le gaz contenu dans cette roche très peu poreuse, on doit le libérer en provoquant par des techniques particulières un phénomène identique, on doit faire éclater la roche ; en jargon du métier on dit que l’on doit procéder à la fracturation du schiste. Tout comme dans l’exemple de l’ardoise qui se brise, on est dans l’incapacité de dire quel en sera le résultat, mais aussi et surtout, on ne pourra prédire jusqu’à quelle profondeur s’étendra la fracturation. L’opération est d’autant plus incontrôlable qu’elle se déroule dans les entrailles de la terre. On ne sait donc pas si seule la couche de schiste a été fracturée, tout comme on ne sait pas si, ce faisant, les fissures que l’on a créées ne sont pas devenues autant de canaux de communication vers d’autres couches plus poreuses situées au-dessus ou au-dessous de la couche porteuse. C’est malheureusement ce qui arrive dans la très grande majorité des cas car, sachez Monsieur le Président, que pour extraire le gaz de schiste, on doit pénétrer cette couche par un forage dit horizontal et procéder de proche en proche au plus grand nombre possible de fracturations qui peuvent alors atteindre d’autres niveaux. La fracturation en elle-même se fait par injection à très haute pression d’eau à laquelle on a additionné du sable et des composants chimiques extrêmement nocifs pour la santé des hommes et des animaux, mais aussi pour la végétation ; en effet, certains sont radioactifs, tandis que d’autres sont cancérigènes. Les quantités d’eau utilisées sont de l’ordre de quelques dizaines de milliers de mètres cubes par forage, ce qui est une quantité énorme, vu la rareté de cette denrée précieuse dans les zones arides sahariennes. De retour à la surface après usage, ce mélange eau-produits chimiques est généralement jeté dans la nature. Comme vous le voyez, Monsieur le Président, on a là un énorme gaspillage d’eau, qui s’infiltrera dans le sol, entraînant sa pollution avec elle et laissant derrière elle d’immenses décharges de produits chimiques. Je dois donc vous dire, Monsieur le Président, que si vous maintenez votre décision, l’Histoire retiendra que vous aurez semé la mort pour plusieurs décennies dans toutes les zones sur lesquelles auront travaillé les compagnies que votre gouvernement aura agrées ; et que vous aurez traité votre peuple de la même manière que l’a traité la puissance colonisatrice dans les années 1960, en procédant à des essais nucléaires au Sahara. Et ce n’est pas tout. L’eau polluée par les composants chimiques qu’elle contient, injectée sous très haute pression, pénétrera à travers les fractures qu’elle aura créées dans d’autres couches plus perméables et plus poreuses puis migrera probablement vers les trois grandes zones aquifères présentes dans le sous-sol saharien, dont la couche albienne notamment qui contient – je ne sais si vous le savez – des milliers de milliards de mètres cubes d’eau accumulés durant des siècles. C’est cela le plus grand risque que votre décision fait courir à la plus importante richesse que recèle le Sahara. L’Histoire a déjà enregistré que vous et le système que vous représentez avez privé la génération actuelle d’Algériens du bien-être que leur aurait procuré la manne pétrolière du pays en bradant ses ressources en hydrocarbures[1] afin de satisfaire les appétits des majors pétroliers, américains notamment, dans le but affiché de vous acheter des alliances, mais aussi celui de gonfler les comptes en banque de vos proches et des mafieux qui vous entourent. De même, qu’elle retiendra que, pour les mêmes raisons vous aurez également privé les générations futures de l’eau, source de la vie. Comment peut-on qualifier cela, Monsieur le Président ? Non-assistance à personne en danger ? Crime contre l’Humanité ? Je vous laisse le choix du qualificatif. Ce n’est pas parce que vous avez donné comme instruction, lors du conseil des ministres du 21 mai 2014 qui a entériné la décision « de veiller à ce que la prospection, et plus tard l’exploitation des hydrocarbures schisteux soient menés en permanence avec le souci de préserver les ressources hydriques et de protéger l’environnement » que vous vous serez délié de toute responsabilité en la matière. Car, plus que la corruption que vous et vos maîtres de l’ombre[2] avez instaurée comme méthode de gouvernance, plus que la maltraitance et le mépris avec lesquels vous avez traité votre peuple durant les quinze années de votre règne – et plus sachant que vous venez d’entamer un quatrième mandat – poussant notamment la jeunesse de ce pays vers l’exil, y compris sur une embarcation de fortune avec la mort au bout du voyage, c’est un crime autrement plus grave que vous allez commettre, Monsieur le Président. J’espère que vous êtes conscient que l’Histoire retiendra que ce crime vous est imputable à vous et à vous seul, car eux, vos maîtres de l’ombre, s’en laveront les mains bien sûr. D’autant plus que vous n’ignorez pas que les guerres du futur seront des guerres pour l’eau ; mais cela vous n’en avez cure visiblement, car ce ne seront pas vos guerres, ni même celles de votre descendance, car vous n’en avez pas. Au lieu de préserver ce bien précieux pour l’Humanité toute entière et pour des millions d’Algériens qui ne sont pas encore nés, vous nous dites : « Après moi le déluge ! »
Monsieur le Président,
Je suppose que l’on vous a dit que l’Algérie était classée en troisième position dans le monde pour ce qui est des réserves de gaz de schiste. Sachez que les chiffres qui vous ont été avancés émanent apparemment de rapports établis par le Secrétariat à l’Energie américain, dans lesquels il est bien spécifié qu’il s’agit là de réserves non prouvées, qu’elles seraient de l’ordre de 19 800 milliards de mètres cubes et qu’elles seraient situées en majorité au sud-est du Sahara dans une zone de 120 000 kms² environ. Aucune étude sérieuse, ni aucun travail de recherche sur le terrain ne sont venus, à ce jour, confirmer la véracité de ces chiffres. La lecture de ces rapports, qui utilisent tous des verbes déclinés au conditionnel, montre d’ailleurs bien que ce ne sont là que des estimations grossières, basées sur une superficie calculée très approximativement – je dirais même outrageusement gonflée – tout comme le sont les autres éléments (épaisseurs des couches, porosité, etc.), qui entrent en jeu dans les calculs. On ne peut par conséquent pas bâtir une politique d’exploitation, et encore moins prendre des engagements commerciaux sur la base de chiffres de réserves qui sont loin d’être prouvées, comme l’ont si bien souligné les auteurs des rapports en question. Ce qui est par contre toujours constaté dans le domaine du calcul des réserves en hydrocarbures, c’est que l’on aboutit généralement à des réserves prouvées 2,3 ou 4 fois inférieures, si ce n’est plus, à celles des réserves initialement estimées. Le fait que nous soient répétés sur tous les tons, tant par les responsables de Sonatrach, que par des membres de votre gouvernement, ou par certains médias algériens, des chiffres mirobolants de réserves qui flattent l’égo des Algériens, n’en fait pas pour autant des vérités.
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