Algérie
Hassane Zerrouky
Mardi, 15 Avril, 2014
L’enjeu de cette présidentielle du 17 avril est la reconduction d’un système politique en fin de cycle, où la corruption a atteint un niveau sans précédent.
Alger (Algérie), envoyé spécial.
Les images télévisées du président Abdelaziz Bouteflika se lamentant auprès du chef de la diplomatie espagnole, José Manuel Garcia-Margallo, qu’il recevait samedi en audience, font le buzz sur le Web. On le voit se plaindre de son adversaire Ali Benflis qui aurait proféré des menaces, avant de s’inquiéter auprès de son invité de l’élimination du FC Barcelone par l’Atletico Madrid en Ligue des champions européenne. Ajoutées à celles d’un candidat diminué par un AVC, incapable d’aller à la rencontre des électeurs, ces images illustrent le déclin du système politique algérien.
Dans ce système politique hérité de la guerre d’indépendance, fonctionnant sur la base d’un consensus fragile entre décideurs civils et militaires, le dernier mot revenait à la hiérarchie militaire composée de l’état-major de l’armée et de son bras politique, le Département pour le renseignement et la sécurité (DRS). À travers ce dernier, l’armée pèse sur le choix des hommes et, dans une certaine mesure, sur les orientations politiques du pays. Jusqu’à la fin des années 1990, c’est l’armée qui a imposé tous les chefs d’État qui ont dirigé l’Algérie, depuis le colonel Chadli Bendjedid en 1978 j u s q u ’ à Ab de l a z i z Bouteflika en 1999 « le moins mauvais des candidats » selon le général Nezzar.
C’est durant le premier mandat de Bouteflika qu’apparaissent les premières fissures au sein de ce système. S’appuyant sur les oligarchies financières naissantes dans un contexte de conjoncture pétrolière favorable et de libéralisation économique, et sur les courants conservateurs du FLN mis à l’écart par les militaires en raison de leur proximité politico-idéologique avec les islamistes, Bouteflika va afficher son indépendance vis-à-vis de l’armée dès 2001.
« Je ne suis pas un trois quarts de président », déclarait-il alors, avant d’ajouter : « Je ne suis plus le protégé des militaires. Je suis leur protecteur », allusion aux menaces de poursuites judiciaires internationales en raison des violations des droits de l’homme commises durant la lutte antiterroriste.
Prise de court, une partie des militaires parie sur l’ex-premier ministre Ali Benflis lors du scrutin présidentiel de 2004, mais c’est Bouteflika, le représentant de ces forces montantes de l’argent, et soutenu par le DRS, qui l’emporte. L’homme fort de l’armée, le général Lamari, et d’autres officiers supérieurs sont poussés vers la sortie durant l’été 2004.
Le chef d’État, qui avait songé à se retirer, se rebiffe
Argent du pétrole aidant – l’Algérie dispose d’une aisance financière telle qu’elle s’est permis de rembourser la totalité de sa dette extérieure – le système politique autoritaire remodelé par Bouteflika fait de la distribution de la rente pétrolière (70 % des ressources budgétaires) une arme politique.
L’accès à cette rente devient un enjeu déterminant les stratégies individuelles et collectives de nombreuses catégories sociales (syndicalistes, militants de partis et organisations sociales appuyant le président, bureaucratie administrative et ces dizaines de milliers de personnes travaillant dans l’économie informelle encouragée par la politique libérale du pouvoir).
Cette rente est également à la base de scandales de corruption sans précédent comme l’atteste l’enquête, ouverte en 2013, par le parquet de Milan contre les dirigeants de la Saipem (filiale de l’ENI) : versement de 200 millions d’euros à des intermédiaires algériens proches du pouvoir.
Toujours est-il que le chef d’État qui, en raison du printemps arabe, avait un moment songé à se retirer, se rebiffe. Le DRS est accusé d’être derrière la révélation des affaires de corruption afin de l’empêcher de briguer un quatrième mandat. De ce fait, d’aucuns estiment que sa réélection sera synonyme de reconduction d’un système pourtant en fin de cycle.
L'Humanité
Hassane Zerrouky
Mardi, 15 Avril, 2014
L’enjeu de cette présidentielle du 17 avril est la reconduction d’un système politique en fin de cycle, où la corruption a atteint un niveau sans précédent.
Alger (Algérie), envoyé spécial.
Les images télévisées du président Abdelaziz Bouteflika se lamentant auprès du chef de la diplomatie espagnole, José Manuel Garcia-Margallo, qu’il recevait samedi en audience, font le buzz sur le Web. On le voit se plaindre de son adversaire Ali Benflis qui aurait proféré des menaces, avant de s’inquiéter auprès de son invité de l’élimination du FC Barcelone par l’Atletico Madrid en Ligue des champions européenne. Ajoutées à celles d’un candidat diminué par un AVC, incapable d’aller à la rencontre des électeurs, ces images illustrent le déclin du système politique algérien.
Dans ce système politique hérité de la guerre d’indépendance, fonctionnant sur la base d’un consensus fragile entre décideurs civils et militaires, le dernier mot revenait à la hiérarchie militaire composée de l’état-major de l’armée et de son bras politique, le Département pour le renseignement et la sécurité (DRS). À travers ce dernier, l’armée pèse sur le choix des hommes et, dans une certaine mesure, sur les orientations politiques du pays. Jusqu’à la fin des années 1990, c’est l’armée qui a imposé tous les chefs d’État qui ont dirigé l’Algérie, depuis le colonel Chadli Bendjedid en 1978 j u s q u ’ à Ab de l a z i z Bouteflika en 1999 « le moins mauvais des candidats » selon le général Nezzar.
C’est durant le premier mandat de Bouteflika qu’apparaissent les premières fissures au sein de ce système. S’appuyant sur les oligarchies financières naissantes dans un contexte de conjoncture pétrolière favorable et de libéralisation économique, et sur les courants conservateurs du FLN mis à l’écart par les militaires en raison de leur proximité politico-idéologique avec les islamistes, Bouteflika va afficher son indépendance vis-à-vis de l’armée dès 2001.
« Je ne suis pas un trois quarts de président », déclarait-il alors, avant d’ajouter : « Je ne suis plus le protégé des militaires. Je suis leur protecteur », allusion aux menaces de poursuites judiciaires internationales en raison des violations des droits de l’homme commises durant la lutte antiterroriste.
Prise de court, une partie des militaires parie sur l’ex-premier ministre Ali Benflis lors du scrutin présidentiel de 2004, mais c’est Bouteflika, le représentant de ces forces montantes de l’argent, et soutenu par le DRS, qui l’emporte. L’homme fort de l’armée, le général Lamari, et d’autres officiers supérieurs sont poussés vers la sortie durant l’été 2004.
Le chef d’État, qui avait songé à se retirer, se rebiffe
Argent du pétrole aidant – l’Algérie dispose d’une aisance financière telle qu’elle s’est permis de rembourser la totalité de sa dette extérieure – le système politique autoritaire remodelé par Bouteflika fait de la distribution de la rente pétrolière (70 % des ressources budgétaires) une arme politique.
L’accès à cette rente devient un enjeu déterminant les stratégies individuelles et collectives de nombreuses catégories sociales (syndicalistes, militants de partis et organisations sociales appuyant le président, bureaucratie administrative et ces dizaines de milliers de personnes travaillant dans l’économie informelle encouragée par la politique libérale du pouvoir).
Cette rente est également à la base de scandales de corruption sans précédent comme l’atteste l’enquête, ouverte en 2013, par le parquet de Milan contre les dirigeants de la Saipem (filiale de l’ENI) : versement de 200 millions d’euros à des intermédiaires algériens proches du pouvoir.
Toujours est-il que le chef d’État qui, en raison du printemps arabe, avait un moment songé à se retirer, se rebiffe. Le DRS est accusé d’être derrière la révélation des affaires de corruption afin de l’empêcher de briguer un quatrième mandat. De ce fait, d’aucuns estiment que sa réélection sera synonyme de reconduction d’un système pourtant en fin de cycle.
L'Humanité
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