Entretien :
Entretien réalisé par Khedidja Baba-Ahmed
Abdelkader Bensalah, président du Conseil de la nation et secrétaire général du RND, est un homme qui s’exprime rarement en public. Il l’a néanmoins fait dans la précampagne, lorsqu’il a officiellement apporté son soutien et celui de son parti à la candidature du Président sortant. Ses propos avaient alors été perçus comme une menace à l’égard de ceux qui ne soutenaient pas le 4e mandat. Sur ces déclarations, mais, plus globalement, sur ce qui anime la scène politique aujourd’hui, il a bien voulu répondre à toutes nos questions dans ce long entretien qui évoquera nombre de thèmes : les élections, bien sûr ; le 4e mandat de son candidat ; la Constitution et le mode opératoire de sa révision éventuelle ; la violence à Ghardaïa et sa gestion ; les affaires de corruption ; l’audiovisuel aujourd’hui dans le pays et le traitement de l’information…
Le Soir d’Algérie : L’élection présidentielle d’avril prochain semble totalement différente des précédentes. La contestation du candidat sortant prend des formes et une envergure inconnues jusque-là. Comment, Monsieur le Président, analysez-vous ces différences ?
Abdelkader Bensalah : Je suis d’accord avec vous pour dire que cette élection est différente des autres. D’abord parce que la conjoncture est différente ; les acteurs sont différents ; l’ambiance et le climat sont différents. Où se situent cesdifférences ? Il y a d’abord des textes nouveaux qui organisent par la loi la scène politique, le débat politique et la liberté d’expression. Cette élection est aussi différente par le nombre très important d’acteurs, de formations politiques et, contrairement au passé, les médias écrits ou audiovisuels, qui véhiculent des idées, sont nombreux tant en presse écrite qu’en audiovisuelle. Cette situation crée une certaine dynamique. C’est pourquoi, je considère que cette élection est, certes, différente mais pas du tout inquiétante. Je trouve qu’au contraire, cela est un bon signe et c’est un climat que l’on peut considérer comme intéressant, jusqu’à présent.
Nous sommes à quelques jours du lancement de la campagne électorale. Au regard des déclarations des différents acteurs politiques, il apparaît que l’on s’achemine vers une campagne «dure». Craignez-vous la survenue de dérapages verbaux et, éventuellement, des actes violents ?
Le mot dur est en l’occurrence très dur. Je préfère dire un débat animé. Il est normal qu’il y ait des avis contraires exprimés. C’est un signe de bonne santé dans la démarche politique de notre pays et on ne peut que s’en réjouir.
La franchise des uns et des autres doit cependant s’exprimer dans le cadre des règles du jeu. La confrontation des programmes est un élément très positif et nous l’encourageons dans le cadre du débat d’idées. Si l’on s’oriente vers l’utilisation de la rue, cela est mauvais signe et risque de nous mener à un dérapage que l’on ne souhaite pas. Il y a des règles que chacun doit respecter. Laissons les candidats présenter leurs programmes, que les citoyens confrontent ces programmes et puissent faire le choix de leur candidat et de l’avenir du pays pour les 5 années à venir.
Vous venez de dire, Monsieur Bensalah, qu’il ne faut pas qu’il y ait des dérapages. Est-ce que vous considérez qu’il n’y en a pas eu jusqu’à présent ?
On ne peut pas dire qu’il y a des dérapages. Il y a des gens, je ne dirai pas malintentionnés, qui s’expriment et qui croient le faire conformément aux règles en la matière. Il y a toujours des petites corrections qui se font ici et là, mais jusque-là ce n’est pas très inquiétant. Il se trouve que parfois les termes employés sont malheureusement mal choisis, mais pour le moment, je peux dire que cela n’est pas très grave. L’on est dans la précampagne et il y aura certainement un moment où le ton va s’élever. Essayons d’encourager le débat que je considère comme animé et intéressant.
Certains de vos propos, notamment après l’annonce de la candidature du Président Bouteflika, ont été perçus comme des menaces envers ceux qui ne sont pas pour votre candidat, aussi bien par le ton – qui ne vous était pas habituel – , que par le contenu.
Bensalah est toujours Bensalah. Mes propos, ma compréhension, ma manière de voir les choses n’ont pas changé. Je sais que vous faites allusion à une de mes interventions où je disais : «Le temps de la vérité a sonné.» Ce n’est pas une menace et en l’occurrence, c’est très simple, je faisais allusion au fait que par le passé, il n’y avait que ceux qui étaient contre le Président qui parlaient, qui demandaient le boycott et qui disaient beaucoup de choses, loin de la réalité. Notre parti, le RND, pour des raisons de sérénité et parce que les choses n’étaient pas encore claires, le candidat Bouteflika ne s’étant pas encore prononcé, ses adversaires ont trouvé un terrain libre et ont commencé à faire des déclarations tous azimuts, pas tout à fait conformes à la réalité, engagées pour tel ou tel autre candidat mais bien loin de la réalité. A partir du moment où notre candidat s’est prononcé, l’on a dit : «Maintenant, c’est l’heure de vérité.» Ce n’est donc pas une menace, mais un message aux adversaires de notre candidat leur disant que le temps est venu de clarifier les choses, s’exprimer et corriger ce qui se disait par une partie de la classe politique ou les partis de l’opposition.
La stabilité semble être le leitmotiv et le premier élément de langage de votre parti comme de tous ceux qui soutiennent le candidat Bouteflika. En quoi la contestation politique, y compris celle de la candidature du Président candidat, peut-elle constituer un facteur d’instabilité ?
Dites-moi qui, parmi les Algériens, est contre la stabilité ? Personne. L’on est tous d’accord pour la stabilité et nous sommes, quant à nous, pour cette stabilité parce que nous en récoltons les fruits.
C’est-à-dire ?
Sur le plan de la sécurité, par exemple, je peux sortir à 5h du matin ou rentrer à minuit ou 1h sans grande difficulté. Les gens peuvent se déplacer d’est en ouest, sans obstacles. Quand on sort, nos enfants sont sûrs que l’on va revenir. J’ai vécu cette tragédie, je n’ai pas quitté le pays et rappelez-vous, il nous fallait modifier nos horaires d’entrée et de sortie tous les jours. En 1995, lorsque j’étais à la tête de la commission du dialogue national, nos têtes étaient mises à prix. Tout le monde se rappelle qu’à cette période, la contestation existait aussi et se manifestait dans les villes et villages par des pneus qu’on enflammait et des manifestations au quotidien. C’est cela que je ne souhaite pas revoir. Aussi, on ne peut pas s’empêcher de faire des comparaisons avec ce que nous avions vécu et la stabilité obtenue depuis.
Maintenant, l’on n’a jamais dit que lorsque les gens s’expriment, développent leurs idées et leurs arguments, l’on était contre, il faut simplement que ces expressions se fassent selon les lois de la République, et en l’occurrence il y a une disposition de la loi qui interdit les manifestations à Alger. Il est vrai qu’il y a eu ces derniers temps des petits mouvements, mais malgré tout cela a été géré intelligemment.
Mais les Algérois et Algériens, par voie de conséquence, ont tous bien vu, à travers les médias et en direct, qu’il y avait deux attitudes dans le temps quant à la gestion de ces manifestations. Une première consistant à embarquer les manifestants d’une façon très agressive et à les amener dans différents commissariats, puis une nouvelle attitude, moins agressive des services de sécurité. Beaucoup de commentateurs ont perçu ce recul comme faisant suite à la dernière réaction française et plus globalement au fait que l’extérieur surveille attentivement ce qui se passe dans le pays.
(rires de M. Bensalah). Vous me faites rappeler une anecdote. Du temps de l’Union soviétique, la ministre tchèque des AE, par une belle journée printanière (le beau temps est rare à Prague), est sortie portant un parapluie. Les journalistes qui l’on vu ainsi parée du parapluie lui ont demandé : mais Madame la Ministre, comment ne profitez-vous pas du bon soleil d’aujourd’hui, il ne pleut pas ? Et la ministre de répondre : il ne pleut pas à Prague, mais il pleut à Moscou. Tout ça pour vous dire que l’on est habitué, hélas, à entendre et à lire ce genre d’analyses, et c’est regrettable. Plus concrètement, c’est que notre service de sécurité s’est nettement amélioré, il est beaucoup plus professionnel et l’on ne peut que s’en enorgueillir. Les policiers sont nos enfants, ceux de l’Algérie. Des instructions leur ont été données pour qu’ils essayent de jouer leur rôle et laisser s’exprimer les manifestants qui ne dépassent pas les règles.
Entretien réalisé par Khedidja Baba-Ahmed
Abdelkader Bensalah, président du Conseil de la nation et secrétaire général du RND, est un homme qui s’exprime rarement en public. Il l’a néanmoins fait dans la précampagne, lorsqu’il a officiellement apporté son soutien et celui de son parti à la candidature du Président sortant. Ses propos avaient alors été perçus comme une menace à l’égard de ceux qui ne soutenaient pas le 4e mandat. Sur ces déclarations, mais, plus globalement, sur ce qui anime la scène politique aujourd’hui, il a bien voulu répondre à toutes nos questions dans ce long entretien qui évoquera nombre de thèmes : les élections, bien sûr ; le 4e mandat de son candidat ; la Constitution et le mode opératoire de sa révision éventuelle ; la violence à Ghardaïa et sa gestion ; les affaires de corruption ; l’audiovisuel aujourd’hui dans le pays et le traitement de l’information…
Le Soir d’Algérie : L’élection présidentielle d’avril prochain semble totalement différente des précédentes. La contestation du candidat sortant prend des formes et une envergure inconnues jusque-là. Comment, Monsieur le Président, analysez-vous ces différences ?
Abdelkader Bensalah : Je suis d’accord avec vous pour dire que cette élection est différente des autres. D’abord parce que la conjoncture est différente ; les acteurs sont différents ; l’ambiance et le climat sont différents. Où se situent cesdifférences ? Il y a d’abord des textes nouveaux qui organisent par la loi la scène politique, le débat politique et la liberté d’expression. Cette élection est aussi différente par le nombre très important d’acteurs, de formations politiques et, contrairement au passé, les médias écrits ou audiovisuels, qui véhiculent des idées, sont nombreux tant en presse écrite qu’en audiovisuelle. Cette situation crée une certaine dynamique. C’est pourquoi, je considère que cette élection est, certes, différente mais pas du tout inquiétante. Je trouve qu’au contraire, cela est un bon signe et c’est un climat que l’on peut considérer comme intéressant, jusqu’à présent.
Nous sommes à quelques jours du lancement de la campagne électorale. Au regard des déclarations des différents acteurs politiques, il apparaît que l’on s’achemine vers une campagne «dure». Craignez-vous la survenue de dérapages verbaux et, éventuellement, des actes violents ?
Le mot dur est en l’occurrence très dur. Je préfère dire un débat animé. Il est normal qu’il y ait des avis contraires exprimés. C’est un signe de bonne santé dans la démarche politique de notre pays et on ne peut que s’en réjouir.
La franchise des uns et des autres doit cependant s’exprimer dans le cadre des règles du jeu. La confrontation des programmes est un élément très positif et nous l’encourageons dans le cadre du débat d’idées. Si l’on s’oriente vers l’utilisation de la rue, cela est mauvais signe et risque de nous mener à un dérapage que l’on ne souhaite pas. Il y a des règles que chacun doit respecter. Laissons les candidats présenter leurs programmes, que les citoyens confrontent ces programmes et puissent faire le choix de leur candidat et de l’avenir du pays pour les 5 années à venir.
Vous venez de dire, Monsieur Bensalah, qu’il ne faut pas qu’il y ait des dérapages. Est-ce que vous considérez qu’il n’y en a pas eu jusqu’à présent ?
On ne peut pas dire qu’il y a des dérapages. Il y a des gens, je ne dirai pas malintentionnés, qui s’expriment et qui croient le faire conformément aux règles en la matière. Il y a toujours des petites corrections qui se font ici et là, mais jusque-là ce n’est pas très inquiétant. Il se trouve que parfois les termes employés sont malheureusement mal choisis, mais pour le moment, je peux dire que cela n’est pas très grave. L’on est dans la précampagne et il y aura certainement un moment où le ton va s’élever. Essayons d’encourager le débat que je considère comme animé et intéressant.
Certains de vos propos, notamment après l’annonce de la candidature du Président Bouteflika, ont été perçus comme des menaces envers ceux qui ne sont pas pour votre candidat, aussi bien par le ton – qui ne vous était pas habituel – , que par le contenu.
Bensalah est toujours Bensalah. Mes propos, ma compréhension, ma manière de voir les choses n’ont pas changé. Je sais que vous faites allusion à une de mes interventions où je disais : «Le temps de la vérité a sonné.» Ce n’est pas une menace et en l’occurrence, c’est très simple, je faisais allusion au fait que par le passé, il n’y avait que ceux qui étaient contre le Président qui parlaient, qui demandaient le boycott et qui disaient beaucoup de choses, loin de la réalité. Notre parti, le RND, pour des raisons de sérénité et parce que les choses n’étaient pas encore claires, le candidat Bouteflika ne s’étant pas encore prononcé, ses adversaires ont trouvé un terrain libre et ont commencé à faire des déclarations tous azimuts, pas tout à fait conformes à la réalité, engagées pour tel ou tel autre candidat mais bien loin de la réalité. A partir du moment où notre candidat s’est prononcé, l’on a dit : «Maintenant, c’est l’heure de vérité.» Ce n’est donc pas une menace, mais un message aux adversaires de notre candidat leur disant que le temps est venu de clarifier les choses, s’exprimer et corriger ce qui se disait par une partie de la classe politique ou les partis de l’opposition.
La stabilité semble être le leitmotiv et le premier élément de langage de votre parti comme de tous ceux qui soutiennent le candidat Bouteflika. En quoi la contestation politique, y compris celle de la candidature du Président candidat, peut-elle constituer un facteur d’instabilité ?
Dites-moi qui, parmi les Algériens, est contre la stabilité ? Personne. L’on est tous d’accord pour la stabilité et nous sommes, quant à nous, pour cette stabilité parce que nous en récoltons les fruits.
C’est-à-dire ?
Sur le plan de la sécurité, par exemple, je peux sortir à 5h du matin ou rentrer à minuit ou 1h sans grande difficulté. Les gens peuvent se déplacer d’est en ouest, sans obstacles. Quand on sort, nos enfants sont sûrs que l’on va revenir. J’ai vécu cette tragédie, je n’ai pas quitté le pays et rappelez-vous, il nous fallait modifier nos horaires d’entrée et de sortie tous les jours. En 1995, lorsque j’étais à la tête de la commission du dialogue national, nos têtes étaient mises à prix. Tout le monde se rappelle qu’à cette période, la contestation existait aussi et se manifestait dans les villes et villages par des pneus qu’on enflammait et des manifestations au quotidien. C’est cela que je ne souhaite pas revoir. Aussi, on ne peut pas s’empêcher de faire des comparaisons avec ce que nous avions vécu et la stabilité obtenue depuis.
Maintenant, l’on n’a jamais dit que lorsque les gens s’expriment, développent leurs idées et leurs arguments, l’on était contre, il faut simplement que ces expressions se fassent selon les lois de la République, et en l’occurrence il y a une disposition de la loi qui interdit les manifestations à Alger. Il est vrai qu’il y a eu ces derniers temps des petits mouvements, mais malgré tout cela a été géré intelligemment.
Mais les Algérois et Algériens, par voie de conséquence, ont tous bien vu, à travers les médias et en direct, qu’il y avait deux attitudes dans le temps quant à la gestion de ces manifestations. Une première consistant à embarquer les manifestants d’une façon très agressive et à les amener dans différents commissariats, puis une nouvelle attitude, moins agressive des services de sécurité. Beaucoup de commentateurs ont perçu ce recul comme faisant suite à la dernière réaction française et plus globalement au fait que l’extérieur surveille attentivement ce qui se passe dans le pays.
(rires de M. Bensalah). Vous me faites rappeler une anecdote. Du temps de l’Union soviétique, la ministre tchèque des AE, par une belle journée printanière (le beau temps est rare à Prague), est sortie portant un parapluie. Les journalistes qui l’on vu ainsi parée du parapluie lui ont demandé : mais Madame la Ministre, comment ne profitez-vous pas du bon soleil d’aujourd’hui, il ne pleut pas ? Et la ministre de répondre : il ne pleut pas à Prague, mais il pleut à Moscou. Tout ça pour vous dire que l’on est habitué, hélas, à entendre et à lire ce genre d’analyses, et c’est regrettable. Plus concrètement, c’est que notre service de sécurité s’est nettement amélioré, il est beaucoup plus professionnel et l’on ne peut que s’en enorgueillir. Les policiers sont nos enfants, ceux de l’Algérie. Des instructions leur ont été données pour qu’ils essayent de jouer leur rôle et laisser s’exprimer les manifestants qui ne dépassent pas les règles.
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