La situation sécuritaire au sud du pays inquiète, l’amenokal des Touareg, Idebir Ahmed, dans l’entretien qu’il nous a accordé chez lui à Tamanrasset, revient sur les « manipulations » de certains pays voisins et affirme que la question du Sahara algérien a été tranchée avant l’indépendance du pays.
L’amenokal dément catégoriquement la présence militaire américaine dans la région et nie toute relation avec le président libyen, El Gueddafi. Selon lui, de nombreuses personnes étrangères ont été inscrites au fichier de la région, dans le but de rendre la situation impossible à maîtriser. L’amenokal alerte sur les « conséquences graves » de la marginalisation de la population locale et reconnaît, dans la foulée, « la difficulté » de contrôler les jeune Targuis, « plus exigeants et moins réceptifs » que leurs aînés. Il décrit une situation inquiétante à cause de l’activité des terroristes et surtout ses conséquences sur le tourisme saharien qui fait vivre un large pan de la société.
Entretien :
- Le Sud algérien est classé par les Français comme une zone dangereuse tout autant que le nord du Mali, du Niger et de la Mauritanie. Pensez-vous que c’est le cas ?
Les problèmes liés à la sécurité ne touchent pas le Sud algérien. Ils sont au-delà de la frontière. Vous avez remarqué que depuis l’enlèvement des 32 touristes allemands et autrichiens en 2003, Dieu merci, il n’y a plus jamais eu d’autres prises d’otages grâce aux services de sécurité et à la population locale. Nous faisons tout notre possible pour que la région reste paisible. Entre l’Algérie et le nord du Mali, il y a une grande différence. Là-bas les gens sont des laissés-pour-compte. Ils n’ont absolument rien. La misère pèse lourdement sur leur quotidien. Ce qui n’est pas le cas dans notre pays.
- Pourtant les activités terroristes sont aux portes de l’Algérie. Ne craignez-vous pas que la situation déborde sur le territoire algérien et que des attaques, comme celle qui a visé les 11 gardes-frontières à Tinzaouatine, puissent être rééditées ?
Je ne le pense pas. Tous nos efforts sont concentrés sur la situation sécuritaire. Mais croyez-moi, cela devient de plus en plus difficile. Pour l’instant, nous pensons maîtriser la situation sur le terrain, mais ce n’est pas évident de se faire entendre comme avant. Les jeunes d’aujourd’hui sont plus exigeants et moins réceptifs. Cependant, nous avons réussi quand même à faire réfléchir les jeunes de Djanet, qui ont, il y a quelque temps, pris les armes, et convaincus de la nécessité de se rendre et d’utiliser des moyens pacifiques de revendications sociales. Il y en a qui ont pu décrocher des postes de travail et d’autres qui attendent. Nous espérons que toutes les promesses faites à l’époque seront respectées. Nous ne voulions pas que la situation nous échappe de la sorte. Mais comme je l’ai expliqué plus haut, les jeunes de maintenant sont moins réceptifs qu’avant…
- Pourquoi, selon vous, les jeunes ne vous écoutent plus comme avant ? Est-ce parce que vous n’êtes plus à l’écoute de leurs préoccupations ou parce qu’ils ne se reconnaissent plus du modèle de vie que vous incarnez ?
Avant la parole était unifiée et se répandait comme un éclair. Quand un mot est dit, il est tout de suite entendu partout au sein de la communauté qui était, faut-il le rappeler, homogène. Mais, aujourd’hui, celle-ci n’est plus comme avant. Nous avons les 48 wilayas et une quarantaine de pays africains qui vivent dans la région. Comment voulez-vous que nos jeunes ne soient pas influencés par cette nouvelle donne. Avant, les parents étaient responsables des agissements de leurs enfants et lorsqu’ils étaient interpellés, la réaction était immédiate.
Aujourd’hui, il est difficile de surveiller les enfants ou de les obliger à respecter un ordre établi par la communauté. En tant que notables, nous concentrons tous nos efforts à ce volet, afin d’éviter les dérapages. Il faut reconnaître que, dans le passé, le territoire était partagé entre les tribus et rien ne se faisait sans l’avis des chefs. Durant cette période, les Touareg étaient les gardiens des lieux, de la faune et de la flore. Il était impensable pour un Nigérien ou un Malien de venir arracher l’armoise ici chez nous. Aujourd’hui, cette herbe médicinale est exploitée à grande échelle et nous n’avons pas le droit d’arrêter les auteurs, de peur d’avoir des problèmes avec les services de sécurité. Pourtant, il s’agit bel et bien d’une plante qui a une importance capitale chez la communauté et elle est en voie de disparition dans certains endroits.
- Certains accusent les Touareg de pratiquer la contrebande et surtout de servir de guides aux terroristes ou de mercenaires dans les prises d’otages. Qu’en pensez-vous ?
De quels Touareg parlez-vous ? Algériens, nigériens, mauritaniens, maliens ou libyens ? Dites-nous où sont ces contrebandiers ou ces terroristes targuis et nous vous donnerons la réponse. Toutes ces nationalités vivent ici à Tamanrasset. Pouvez-vous les différencier ? Il n’y a que ceux qui les connaissent qui en sont capables. Mais pour les autres, ce sont tous des Touareg algériens et donc, qu’ils soient des autres régions du Sahara, cela ne change en rien leur position. Des enlèvements ont eu lieu à Arlit, en territoire nigérien, pourtant, lorsque vous entendez les médias, on parle beaucoup plus de Tamanrasset. Il est vrai que des membres de notre communauté se trouvent entre le nord du Mali et celui du Niger.
Ils y sont pour le commerce, pas parce qu’ils souffrent de la misère. Ils s’y rendent soit pour le pâturage soit pour vendre. Ils n’y vont pas pour voler ou trafiquer. Mieux, beaucoup font travailler les gens là-bas. J’ai été récemment au Niger et j’y ai rencontré bon nombre d’entre eux. Leur seule préoccupation est de pouvoir s’inscrire sans problème auprès de notre consulat. En dépit des problèmes que vit la région, au même titre d’ailleurs que les autres wilayas du pays, les Touareg n’ont jamais rêvé d’une université à Tamanrasset ou d’une station qui ramène de l’eau de 700 km, pour alimenter toute la communauté. C’est un acquis considérable et nous en sommes vraiment reconnaissants.
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L’amenokal dément catégoriquement la présence militaire américaine dans la région et nie toute relation avec le président libyen, El Gueddafi. Selon lui, de nombreuses personnes étrangères ont été inscrites au fichier de la région, dans le but de rendre la situation impossible à maîtriser. L’amenokal alerte sur les « conséquences graves » de la marginalisation de la population locale et reconnaît, dans la foulée, « la difficulté » de contrôler les jeune Targuis, « plus exigeants et moins réceptifs » que leurs aînés. Il décrit une situation inquiétante à cause de l’activité des terroristes et surtout ses conséquences sur le tourisme saharien qui fait vivre un large pan de la société.
Entretien :
- Le Sud algérien est classé par les Français comme une zone dangereuse tout autant que le nord du Mali, du Niger et de la Mauritanie. Pensez-vous que c’est le cas ?
Les problèmes liés à la sécurité ne touchent pas le Sud algérien. Ils sont au-delà de la frontière. Vous avez remarqué que depuis l’enlèvement des 32 touristes allemands et autrichiens en 2003, Dieu merci, il n’y a plus jamais eu d’autres prises d’otages grâce aux services de sécurité et à la population locale. Nous faisons tout notre possible pour que la région reste paisible. Entre l’Algérie et le nord du Mali, il y a une grande différence. Là-bas les gens sont des laissés-pour-compte. Ils n’ont absolument rien. La misère pèse lourdement sur leur quotidien. Ce qui n’est pas le cas dans notre pays.
- Pourtant les activités terroristes sont aux portes de l’Algérie. Ne craignez-vous pas que la situation déborde sur le territoire algérien et que des attaques, comme celle qui a visé les 11 gardes-frontières à Tinzaouatine, puissent être rééditées ?
Je ne le pense pas. Tous nos efforts sont concentrés sur la situation sécuritaire. Mais croyez-moi, cela devient de plus en plus difficile. Pour l’instant, nous pensons maîtriser la situation sur le terrain, mais ce n’est pas évident de se faire entendre comme avant. Les jeunes d’aujourd’hui sont plus exigeants et moins réceptifs. Cependant, nous avons réussi quand même à faire réfléchir les jeunes de Djanet, qui ont, il y a quelque temps, pris les armes, et convaincus de la nécessité de se rendre et d’utiliser des moyens pacifiques de revendications sociales. Il y en a qui ont pu décrocher des postes de travail et d’autres qui attendent. Nous espérons que toutes les promesses faites à l’époque seront respectées. Nous ne voulions pas que la situation nous échappe de la sorte. Mais comme je l’ai expliqué plus haut, les jeunes de maintenant sont moins réceptifs qu’avant…
- Pourquoi, selon vous, les jeunes ne vous écoutent plus comme avant ? Est-ce parce que vous n’êtes plus à l’écoute de leurs préoccupations ou parce qu’ils ne se reconnaissent plus du modèle de vie que vous incarnez ?
Avant la parole était unifiée et se répandait comme un éclair. Quand un mot est dit, il est tout de suite entendu partout au sein de la communauté qui était, faut-il le rappeler, homogène. Mais, aujourd’hui, celle-ci n’est plus comme avant. Nous avons les 48 wilayas et une quarantaine de pays africains qui vivent dans la région. Comment voulez-vous que nos jeunes ne soient pas influencés par cette nouvelle donne. Avant, les parents étaient responsables des agissements de leurs enfants et lorsqu’ils étaient interpellés, la réaction était immédiate.
Aujourd’hui, il est difficile de surveiller les enfants ou de les obliger à respecter un ordre établi par la communauté. En tant que notables, nous concentrons tous nos efforts à ce volet, afin d’éviter les dérapages. Il faut reconnaître que, dans le passé, le territoire était partagé entre les tribus et rien ne se faisait sans l’avis des chefs. Durant cette période, les Touareg étaient les gardiens des lieux, de la faune et de la flore. Il était impensable pour un Nigérien ou un Malien de venir arracher l’armoise ici chez nous. Aujourd’hui, cette herbe médicinale est exploitée à grande échelle et nous n’avons pas le droit d’arrêter les auteurs, de peur d’avoir des problèmes avec les services de sécurité. Pourtant, il s’agit bel et bien d’une plante qui a une importance capitale chez la communauté et elle est en voie de disparition dans certains endroits.
- Certains accusent les Touareg de pratiquer la contrebande et surtout de servir de guides aux terroristes ou de mercenaires dans les prises d’otages. Qu’en pensez-vous ?
De quels Touareg parlez-vous ? Algériens, nigériens, mauritaniens, maliens ou libyens ? Dites-nous où sont ces contrebandiers ou ces terroristes targuis et nous vous donnerons la réponse. Toutes ces nationalités vivent ici à Tamanrasset. Pouvez-vous les différencier ? Il n’y a que ceux qui les connaissent qui en sont capables. Mais pour les autres, ce sont tous des Touareg algériens et donc, qu’ils soient des autres régions du Sahara, cela ne change en rien leur position. Des enlèvements ont eu lieu à Arlit, en territoire nigérien, pourtant, lorsque vous entendez les médias, on parle beaucoup plus de Tamanrasset. Il est vrai que des membres de notre communauté se trouvent entre le nord du Mali et celui du Niger.
Ils y sont pour le commerce, pas parce qu’ils souffrent de la misère. Ils s’y rendent soit pour le pâturage soit pour vendre. Ils n’y vont pas pour voler ou trafiquer. Mieux, beaucoup font travailler les gens là-bas. J’ai été récemment au Niger et j’y ai rencontré bon nombre d’entre eux. Leur seule préoccupation est de pouvoir s’inscrire sans problème auprès de notre consulat. En dépit des problèmes que vit la région, au même titre d’ailleurs que les autres wilayas du pays, les Touareg n’ont jamais rêvé d’une université à Tamanrasset ou d’une station qui ramène de l’eau de 700 km, pour alimenter toute la communauté. C’est un acquis considérable et nous en sommes vraiment reconnaissants.
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