Les premières perturbations sont apparues au Ramadhan. Depuis, rien ne va plus : les chaînes s’allongent devant les supérettes, certains distributeurs organisent eux-mêmes la vente, et la police est obligée d’intervenir pour canaliser les consommateurs. On se croirait revenu au temps du parti unique et des souks el fellah. Que cache cette crise ?
Une transition vers un changement profond, car l’Etat a décidé d’en finir avec l’importation de la poudre de lait pour promouvoir le lait cru. Mais les laiteries privées résistent : pour elles, les conditions ne sont pas encore réunies. Résultat : l’Etat leur livre moins de poudre, et elles ne peuvent plus produire. Pour le consommateur, cela conduira forcément, à terme, à la disparition du sachet à 25 DA. El Watan Week-end vous donne les clés pour comprendre pourquoi c’est nous qui faisons les frais de cette guerre Etat/privé.
Pourquoi une pénurie maintenant ?
Cette année, l’Algérie a connu sa plus grave pénurie en lait. Plusieurs raisons sont invoquées pour expliquer cette situation. En 2009, le prix de la poudre a connu une baisse significative sur les marchés mondiaux. «Grâce à cette baisse, l’Office national interprofessionnel du lait (Onil) a voulu se faire bien voir de sa tutelle, le ministère de l’Agriculture, et a décidé d’imputer sa bonne performance à sa bonne gestion», analyse un privé du secteur. En conséquence, pour l’année 2010, le ministère de l’Agriculture aurait décidé de diminuer de 10% l’enveloppe financière allouée à l’Onil. Le prix de la poudre étant reparti à la hausse, l’Office n’a plus été capable d’importer la quantité prévue initialement, d’où le recours dernièrement à un nouvel appel d’offres. D’autres griefs sont avancés par les privés, comme les retards dans le dédouanement de la marchandise lorsqu’elle arrive au port. Le nouveau dispositif mis en place par l’Office au niveau de son service de transit, pour sortir la marchandise du port serait aussi, pour certains opérateurs, beaucoup moins performant que par le passé. Toutes ces critiques sont bien sûr démenties par l’Onil, qui accuse certaines laiteries de détourner la poudre pour la fabrication d’autres produits laitiers à forte valeur ajoutée, comme le fromage fondu ou le yaourt. Ce qui n’est pas complètement faux…
Mais à quoi sert l’Onil ?
En 2007, le prix de la poudre de lait s’envole sur les marchés mondiaux pour atteindre 6500 dollars la tonne alors que son prix était de 2300 dollars, quelques jours plus tôt. A cette époque, TradeMilk, filiale des Giplait (groupe public), était chargée d’importer la poudre pour les laiteries publiques, alors que les privés achetaient directement la leur auprès des traders. Cette situation a changé avec la réactivation de l’Onil par le ministère de l’Agriculture. En 1997, l’Office sort donc de son hibernation et le ministère lui confie l’importation et la répartition de la poudre à toutes les laiteries. C’est l’Onil qui lance les appels d’offres, qui réceptionne et dédouane la marchandise, puis qui l’affecte aux 105 laiteries (88 privés et 15 publiques) au prix de159 DA/kg. Dernièrement, l’Office a importé 800 tonnes de poudre entreposées dans un hangar de Oued Smar et déclarées impropres à la consommation. L’Office a décidé de poursuivre en justice les fournisseurs. Le préjudice financier s’élèverait à 240 millions de dinars. Depuis 2007, l’Onil a vu passer trois directeurs généraux.
L’Algérie est-elle dépendante du marché mondial ?
Oui. Cette année l’Algérie va dépasser ses prévisions d’achat pour faire face à la pénurie que connaît le secteur. Elle va importer 130 000 tonnes de poudre alors qu’il était prévu de n’en importer que 121 000 tonnes. L’Algérie achète sa poudre de lait essentiellement sur le marché européen, alors que la poudre américaine est moins chère du fait de la faiblesse du dollar. Mais les frais de transport sont plus élevés. A cela s’ajoute une particularité de la poudre américaine, légèrement brune, alors que la poudre européenne est blanche. Rares sont les pays qui achètent encore de la poudre de lait mais parmi eux, figure la Chine, qui par sa forte demande, pèse sur les cours. Mais l’Algérie aussi… Dès que l’Etat lance un appel d’offres, les cours augmentent en moyenne… de 70 dollars !
Est-ce que la poudre est de bonne qualité ?
Oui, la poudre que l’Onil importe est de bonne qualité. Les odeurs de rance constatées lors de l’ouverture d’un sachet de lait sont dues à la mauvaise conservation de la poudre lors de son arrivée en Algérie, qui lui fait perdre sa fraîcheur.
Pourquoi le lait cru n’arrive-t-il pas à s’imposer ?
Parce que malgré la volonté affichée par le gouvernement pour développer la filière du lait cru, trop d’écueils restent à surmonter. Tout d’abord, il faut développer les centres de collecte du lait, pour le moment inexistants. Consentir un plus grand effort financier pour inciter les laiteries privées à s’intéresser au lait cru. Autre problème : la constitution et l’entretien d’un cheptel bovin. Pour l’heure, la majorité des éleveurs, estimés à 13 000, ne possèdent qu’une à deux vaches. L’Etat continue d’injecter des sommes considérables dans la filière, 7 milliards de subventions en 2009 et 8,5 milliards en 2010, pour un résultat très en deçà de ses attentes.
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La crise fait le buzz
Depuis une semaine, la pénurie de lait fait le buzz sur le web. Les internautes algériens ne manquent pas d’inspiration pour exprimer leur désarroi face à la rareté du sachet de lait. YouTube, Facebook, Twitter : les supports sont différents, mais on ne peut s’y connecter sans remarquer les vidéos parodies, telles que le clip mis en ligne «Le lait mon amour», une vidéo parodie qui regroupe différentes images de sachets de lait, accompagnées d’un medley de chansons d’amour algériennes. Loufoque ? Moins que les statuts et tweets des internautes, drôles et poignants. Exemple : «Echange rein contre sachet de lait. Pénurie», «Avec cette pénurie de lait, on ferait mieux d’acheter des vaches pour l’Aïd» ou bien «Mutation des moutons en chèvres résultat de la pénurie de lait».
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Une transition vers un changement profond, car l’Etat a décidé d’en finir avec l’importation de la poudre de lait pour promouvoir le lait cru. Mais les laiteries privées résistent : pour elles, les conditions ne sont pas encore réunies. Résultat : l’Etat leur livre moins de poudre, et elles ne peuvent plus produire. Pour le consommateur, cela conduira forcément, à terme, à la disparition du sachet à 25 DA. El Watan Week-end vous donne les clés pour comprendre pourquoi c’est nous qui faisons les frais de cette guerre Etat/privé.
Pourquoi une pénurie maintenant ?
Cette année, l’Algérie a connu sa plus grave pénurie en lait. Plusieurs raisons sont invoquées pour expliquer cette situation. En 2009, le prix de la poudre a connu une baisse significative sur les marchés mondiaux. «Grâce à cette baisse, l’Office national interprofessionnel du lait (Onil) a voulu se faire bien voir de sa tutelle, le ministère de l’Agriculture, et a décidé d’imputer sa bonne performance à sa bonne gestion», analyse un privé du secteur. En conséquence, pour l’année 2010, le ministère de l’Agriculture aurait décidé de diminuer de 10% l’enveloppe financière allouée à l’Onil. Le prix de la poudre étant reparti à la hausse, l’Office n’a plus été capable d’importer la quantité prévue initialement, d’où le recours dernièrement à un nouvel appel d’offres. D’autres griefs sont avancés par les privés, comme les retards dans le dédouanement de la marchandise lorsqu’elle arrive au port. Le nouveau dispositif mis en place par l’Office au niveau de son service de transit, pour sortir la marchandise du port serait aussi, pour certains opérateurs, beaucoup moins performant que par le passé. Toutes ces critiques sont bien sûr démenties par l’Onil, qui accuse certaines laiteries de détourner la poudre pour la fabrication d’autres produits laitiers à forte valeur ajoutée, comme le fromage fondu ou le yaourt. Ce qui n’est pas complètement faux…
Mais à quoi sert l’Onil ?
En 2007, le prix de la poudre de lait s’envole sur les marchés mondiaux pour atteindre 6500 dollars la tonne alors que son prix était de 2300 dollars, quelques jours plus tôt. A cette époque, TradeMilk, filiale des Giplait (groupe public), était chargée d’importer la poudre pour les laiteries publiques, alors que les privés achetaient directement la leur auprès des traders. Cette situation a changé avec la réactivation de l’Onil par le ministère de l’Agriculture. En 1997, l’Office sort donc de son hibernation et le ministère lui confie l’importation et la répartition de la poudre à toutes les laiteries. C’est l’Onil qui lance les appels d’offres, qui réceptionne et dédouane la marchandise, puis qui l’affecte aux 105 laiteries (88 privés et 15 publiques) au prix de159 DA/kg. Dernièrement, l’Office a importé 800 tonnes de poudre entreposées dans un hangar de Oued Smar et déclarées impropres à la consommation. L’Office a décidé de poursuivre en justice les fournisseurs. Le préjudice financier s’élèverait à 240 millions de dinars. Depuis 2007, l’Onil a vu passer trois directeurs généraux.
L’Algérie est-elle dépendante du marché mondial ?
Oui. Cette année l’Algérie va dépasser ses prévisions d’achat pour faire face à la pénurie que connaît le secteur. Elle va importer 130 000 tonnes de poudre alors qu’il était prévu de n’en importer que 121 000 tonnes. L’Algérie achète sa poudre de lait essentiellement sur le marché européen, alors que la poudre américaine est moins chère du fait de la faiblesse du dollar. Mais les frais de transport sont plus élevés. A cela s’ajoute une particularité de la poudre américaine, légèrement brune, alors que la poudre européenne est blanche. Rares sont les pays qui achètent encore de la poudre de lait mais parmi eux, figure la Chine, qui par sa forte demande, pèse sur les cours. Mais l’Algérie aussi… Dès que l’Etat lance un appel d’offres, les cours augmentent en moyenne… de 70 dollars !
Est-ce que la poudre est de bonne qualité ?
Oui, la poudre que l’Onil importe est de bonne qualité. Les odeurs de rance constatées lors de l’ouverture d’un sachet de lait sont dues à la mauvaise conservation de la poudre lors de son arrivée en Algérie, qui lui fait perdre sa fraîcheur.
Pourquoi le lait cru n’arrive-t-il pas à s’imposer ?
Parce que malgré la volonté affichée par le gouvernement pour développer la filière du lait cru, trop d’écueils restent à surmonter. Tout d’abord, il faut développer les centres de collecte du lait, pour le moment inexistants. Consentir un plus grand effort financier pour inciter les laiteries privées à s’intéresser au lait cru. Autre problème : la constitution et l’entretien d’un cheptel bovin. Pour l’heure, la majorité des éleveurs, estimés à 13 000, ne possèdent qu’une à deux vaches. L’Etat continue d’injecter des sommes considérables dans la filière, 7 milliards de subventions en 2009 et 8,5 milliards en 2010, pour un résultat très en deçà de ses attentes.
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La crise fait le buzz
Depuis une semaine, la pénurie de lait fait le buzz sur le web. Les internautes algériens ne manquent pas d’inspiration pour exprimer leur désarroi face à la rareté du sachet de lait. YouTube, Facebook, Twitter : les supports sont différents, mais on ne peut s’y connecter sans remarquer les vidéos parodies, telles que le clip mis en ligne «Le lait mon amour», une vidéo parodie qui regroupe différentes images de sachets de lait, accompagnées d’un medley de chansons d’amour algériennes. Loufoque ? Moins que les statuts et tweets des internautes, drôles et poignants. Exemple : «Echange rein contre sachet de lait. Pénurie», «Avec cette pénurie de lait, on ferait mieux d’acheter des vaches pour l’Aïd» ou bien «Mutation des moutons en chèvres résultat de la pénurie de lait».
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