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Des balbutiements du mouvement national à l’impasse du parti unique

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  • Des balbutiements du mouvement national à l’impasse du parti unique

    20 Avril 1980. Trente ans déjà ! Ce jour aux couleurs vert et jaune de son printemps, la Kabylie, qui avait mal digéré l’agression injuste de 1963, perpétrée par l’Armée des frontières de Boumediene, éructe, dénonce le despotisme et pose le problème de la démocratisation des institutions du pays et son pendant, le pluralisme linguistique et culturel.
    C’est la preuve que la mayonnaise baâthiste, version locale, qui avait pour projet d’éradiquer l’amazighité au nom d’un “unicisme” utopique, a fait chou blanc. La conférence interdite du monumental Mouloud Mammeri, l’homme aux “convictions chevillées au corps”, n’aura été que le déclencheur de la révolte des “enfants d’Avril” (dixit Lounès Matoub). Car Avril 80 vient de loin. De très loin. Ni une génération spontanée, ni une manifestation ex nihilo, encore moins le produit de “la main étrangère”, argument du pouvoir de l’époque, autiste et toujours en retard d’une explication, et ça continue aujourd’hui malheureusement. Avril 80 trouve ses racines dans les balbutiements du mouvement revendiquant l’émancipation de l’Algérie de la tutelle coloniale. Il remonte à l’époque de l’Étoile nord-africaine, matrice de l’idée de l’indépendance de l’Algérie. À cette époque déjà, deux visions de l’Algérie, une fois l’indépendance acquise, s’affrontent. Celle d’un homme vis-à-vis duquel l’histoire est ingrate : Amar Imache, un des pères fondateurs de “l’Étoile”, qui voyait l’Algérie fonctionner sur le modèle démocratique de “thajmaâth” kabyle avec une place pour la dimension amazighe dans l’équation identitaire nationale. Puis celle de Messali Hadj, sous influence idéologique et intellectuelle du Libanais Chakib Arslan et Azam Pacha, pour qui le destin de l’Algérie est de s’arrimer au Moyen-Orient au nom d’une arabité mythico-légendaire. Ce schisme entre deux projets de société mûrissait en latence pour connaître son point de rupture violent en 1949. C’est la date de la fameuse “crise berbériste”, une appellation erronée, car en réalité c’est une crise anti-berbériste. Pour la simple raison qu’il s’agit d’un plan d’exclusion des cadres originaires de Kabylie de la direction du mouvement national. Leur crime est d’être pour une Algérie qui assume la plénitude de son histoire ainsi que son identité sociologique, alors que pour la direction du PPA, l’existence de l’Algérie commence au VIIe siècle avec l’avènement de l’Islam. La plus emblématique de ces purges anti-kabyles est l’éviction de Hocine Aït Ahmed de la tête de l’Organisation spéciale (OS) dont il était le numéro “un” après la mort de Belouizdad, son premier responsable. Pourtant, de l’avis de ses contemporains, sa position était mi-figue, mi-raisin. La plus tragique de ces purges étant la liquidation physique de Bennaï Ouali et Ammar Ould Hamouda, deux figures du mouvement national en Kabylie. Avec la mort tragique de ces deux hommes et l’isolement politique des autres éléments du groupe, c’est la mise en veilleuse de la revendication amazighe, devenue secondaire face à l’impératif de libération. “Après l’Indépendance, on verra” : tel était le mot d’ordre. Une promesse non tenue par le nouveau pouvoir de Ben Bella, tout heureux d’afficher son arabisme pour être dans les bonnes grâces de son mentor Gamal Abdenasser et son ange gardien Fathi Eddib. “Nous sommes arabes, nous sommes arabes, nous sommes arabes”, avait-il répété dans un message subliminal provocateur adressé à ceux qui seraient tentés de revenir à la charge sur la question de l’identité algérienne. Cette fin de non-recevoir accule alors l’amazighité dans le non-dit et ses militants poussés malgré eux à la clandestinité. Ce qui a, paradoxalement, pour effet de nourrir une prise de conscience aiguë chez les jeunes générations, qui reprennent le flambeau des mains de leurs aînées, notamment les universitaires, les lycéens et les collégiens, durant les années soixante-dix. Interdite du champ politique, embargo médiatique, l’amazighité trouve alors les moyens de son expression dans des vecteurs qui échappent aux cerbères du temple baâthiste. La chanson d’abord, ce mode d’expression des “sans-voix” avec Ferhat, Idir, Aït Menguellet, Matoub, dont les textes, opérant un glissement thématique, exaltent à coups de métaphores filées le mythe des ancêtres. Les publications de l’Académie berbère, qui circulaient sous le manteau, y sont pour une grande part dans l’éveil de la conscience berbère. Combien de lycéens ont fait l’objet de mesures disciplinaires pour avoir été surpris en train de lire Thafsuth Imazighen, ou encore Heureux les martyrs qui n’ont rien vu de Mohand Arab Bessaoud. Un autre porte-voix de l’amazighité, au-delà des frontières géographiques de la Kabylie : la JSK. Ses rencontres de football étaient de véritables meetings politiques, des cris de ralliement des supporters du club viennent s’imprégner de l’ambiance revendicative et contestatrice de l’époque. C’est la jonction de tous ces facteurs, sur fond de déni identitaire et de frustration politique née de l’issue de la révolution qui ont donné naissance à Avril 80.

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