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Besson: «Un feu mal éteint entre la France et l’Algérie»

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  • Besson: «Un feu mal éteint entre la France et l’Algérie»

    Eric Besson, le ministre français de l’Immigration, était l’invité de BFM/TV et de la station de radio RMC, où il devait être questionné sur les résultats des débats sur l’«identité nationale», exposés la veille lors d’un séminaire gouvernemental. Mais alors qu’aucune actualité immédiate ne le justifiait, le journaliste des deux chaînes — Jean- Jacques Bourdin — a longuement consacré son entretien à une question exhumée on ne sait pourquoi, en l’occurrence celle du «projet de 125 députés algériens qui veulent criminaliser le colonialisme français», selon les propres termes du journaliste.

    Eric Besson y a répondu, comme y a répondu Arnaud Montebourg. L’avocate algérienne Fatima Benbraham, dont l’association porte ce projet, a répondu par téléphone à partir d’Alger aux questions du journaliste.

    Bref, net et précis, le député PS Arnaud Montebourg, à qui le journaliste demandait ce qu’il pensait de ce projet de députés algériens de criminaliser le colonialisme français, n’y est pas allé par quatre chemins, à travers ces propos : «Je pense que c’est la réponse du berger à la bergère, malheureusement. Les députés français ayant adopté, il y a quelque temps, un texte de loi, en disant que la colonisation, c’est formidable, il ne faut pas s’étonner que des pays qui ont été colonisés, y compris par les armes, décident d’adopter une démarche similaire, dans le sens contraire. Je pense que nous payons la façon dont la France a refusé d’apaiser son regard sur son propre passé.»

    Là n’est évidemment pas le point de vue d’Eric Besson, qui ne voulait pas commenter la réaction du député PS, car, a-t-il dit, «je suis en désaccord avec Montebourg mais je n’ai pas envie de polémiquer. C’est un sujet sensible. Montebourg a sa sensibilité personnelle sur le sujet, et que chacun connaît, et je n’ai pas envie de polémiquer».

    Et sur le fond, qu’en pense Eric Besson ? Il a commencé par souligner qu’il ne répondra qu’à titre personnel, que ce sera sa réaction à titre intuitif et à chaud et d’une façon prudente, «parce que c’est un Etat (l’Algérie) souverain et que, ensuite, je ne suis pas le ministre des Affaires étrangères, et seule la voix de Bernard Kouchner serait autorisée».

    Et le ministre de livrer sa réaction, à chaud, à propos du projet des députés algériens : «Je regrette, pour ne pas dire je le déplore, parce que, pour reprendre le titre d’un livre et d’un film, les relations entre la France et l’Algérie sont des feux mal éteints. Nous avons encore des cicatrices, nous les vivons, il n’y a qu’à voir les débordements après le match Algérie-Egypte pour comprendre à quel point c’est un sujet sensible.»

    Face à ce sujet sensible, le ministre a déclaré que «nous (lui et son gouvernement ?) essayons de dire aux Français d’origine algérienne qu’ils sont pleinement français et aux Algériens étrangers qui vivent sur notre sol qu’ils doivent évidemment respecter nos lois et nos coutumes, mais aussi qu’ils sont les bienvenus sur notre sol». Aussi, explique-t-il, «ce projet de criminalisation est une hypothèse qui serait évidemment de nature à enflammer nos relations ».

    Relancé par Jean-Jacques Bourdin qui a précisé au ministre que «c’est une proposition de loi signée par 125 députés algériens de différents partis qui sera discutée au printemps prochain au Parlement, qui est soutenue par le gouvernement algérien, et qui envisage de créer des tribunaux spéciaux pour juger les responsables de crimes coloniaux». Besson : « Je vous l’ai dit, ça ne me paraît pas être la priorité du moment. On a absolument besoin, non pas d’oublier ce qu’a été la colonisation ou la postcolonisation, mais de la dépasser. » D’ailleurs, a-t-il poursuivi, «les chefs d’Etat français successifs ont reconnu ce qu’ont pu être les fautes de la colonisation. En même temps, nous avons besoin de la dépasser, c’est ce qu’ont fait beaucoup d’élites africaines ou maghrébines (Maroc, Tunisie) qui disent qu’au fond, nous n’oublions pas notre histoire dans ce qu’elle a de mauvais et aussi dans ce qu’elle a de bon».

    Et lorsqu’il a fallu répondre à la question de savoir «si des crimes ont été commis par des Français en Algérie, faut-il les punir ?», Besson a eu cette réponse : «Je crois que pour beaucoup d’entre eux, ils ont été traités immédiatement après la guerre.»

    Et comme pour répondre à la tension entre les deux pays, le ministre, qui n’a à aucun moment donné l’impression qu’il parlait en son nom personnel, a rappelé les vertus de l’UPM : «Nous avons besoin d’avoir avec l’Algérie, d’autant plus que nous sommes le fer de lance de l’Union pour la Méditerranée, un vrai projet d’avenir ; et c’est pourquoi, je pense, à titre personnel, que ce projet (des députés algériens) est malvenu.»

    Fatima Benbraham, contactée par le journaliste, a précisé, à partir d’Alger, de nombreux points. Le projet qui a rassemblé 128 signatures est actuellement sur le bureau du président de l’Assemblée, a-t-elle indiqué. Quant à savoir si le gouvernement soutient ce projet, elle a eu cette réponse : «Il est bien obligé, parce que sous l’impulsion de la société civile, qui a tous ses droits dans notre pays, le gouvernement ne peut qu’abdiquer devant cette revendication sociale». Et l’ensemble des députés signera, a-t-elle ajouté. Enfin, elle a expliqué que le projet de loi n’est pas dirigé contre des personnes, comme le présentait le journaliste, mais contre l’Etat français, pour que soit reconnu le crime d’Etat français en Algérie en tant que tel. La question qui demeure après cette soudaine mise à l’index par les médias français de ce projet, est celle de savoir pourquoi cela se passe maintenant que les relations bilatérales sont au plus bas.

    Par Khedidja Baba-Ahmed, Le Soir
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