L’IMAGE DE L’ALGÉRIE DANS LE MONDE : Combien de divisions?
«Avava aya as naker, Ammi ’akalna’e» «Oh ! mon père, défendons-nous, Oh ! mon fils, ils savent que nous sommes faibles.»
Proverbe berbère
Il m’est apparu important de situer la position de l’Algérie eu égard à la dernière humiliation : celle, de faire partie des 14 pestiférés de la planète. Les Algériens n’ont pas vu voir venir le coup, tout occupés qu’ils étaient à «cuver» la griserie d’un match de foot qui nous a même fait accepter les humiliations égyptiennes en adoptant - sur les conseils de nos gouvernants- une position stoïque qui frise, en réalité, l’impuissance à gérer ce type de situation et répondre coup sur coup. Coup sur coup, deux décisions ont porté un sérieux coup au prestige de l’Algérie. Nous qui pensions benoitement que nous avions été réadmis dans le club des nations crédibles au sens de la terminologie occidentale, voilà que l’on nous annonce que nous sommes toujours un pays terroriste et qu’à ce titre nous faisons partie des pays à mettre à l’index. Cela n’a rien de nouveau, beaucoup de pays étaient classés comme «rogue State», «Etat voyou» pour n’avoir pas voulu se plier à la doxa occidentale.
On nous rassure, une délégation américaine va venir à Alger nous expliquer pourquoi ils nous ont classé ainsi parmi les pestiférés et peut-être ce qu’il faut faire pour rentrer dans les bonnes grâces. Pour faire court, nous sommes redevenus un pays infréquentable et le discours officiel sur «la confiance revenue» est à revoir fondamentalement. La position américaine, concernant la sécurité ne souffre pas d’ambiguïté. Peu importe la personnalité si les ordres sont de fouiller tout le monde. Souvenons-nous de la mésaventure de l’ancien directeur général de l’AIE. : les autorités américaines ont soumis le directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (Aiea), prix Nobel de la paix 2005, et son épouse, dimanche, à l’aéroport Logan de Boston, à un contrôle approfondi. Cet incident a «beaucoup fâché et embarrassé» le prix Nobel de la paix, qui devait rencontrer le secrétaire d’Etat américain, Condoleezza Rice, a précisé un diplomate joint à Washington depuis Vienne. Le directeur adjoint de l’Aiea, David Waller a, pour sa part, assuré que M. El Baradei avait considéré l’incident, comme «un malentendu», «sans importance».(1)
La France n’est pas en reste, curieusement et effaçant d’un revers de main plusieurs années «d’entente cordiale», prélude à un traité, l’avons-nous cru naïvement, avec Jacques Chirac, elle déclare que l’Algérie est un pays à risque et qu’à ce titre, elle fera l’objet d’un traitement adéquat en ce qui concerne ses ressortissants. Le ministre français de l’Intérieur, Brice Hortefeux, persiste et signe. «Il faut élargir la liste des zones à risques de sept à trente pays» pour prendre en compte la nouvelle menace terroriste, dit-il au Figaro. «Il ne s’agit pas, précise le ministre de l’Intérieur, de stigmatiser les pays concernés, mais il faut bien prendre en compte les points de passage des filières de l’islamisme radical» qui veulent «porter le fer» en Occident, ajoute-t-il. Il a annoncé un durcissement des mesures de sécurité face à la menace terroriste, dont l’extension prochaine de la liste des pays jugés à risque. (...) La France, de son côté, envisage d’étendre la liste des pays dits à risque, où sont actuellement inscrits l’Algérie, le Mali, l’Afghanistan, le Pakistan, le Yémen, l’Iran et la Syrie(2).
Quelle a été la réponse de l’Algérie?
«L’Algérie n’admet pas que ses ressortissants soient assimilés à des terroristes. C’est le message subliminal que vient d’adresser le ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci, aux autorités américaines. L’ambassadeur des Etats-Unis à Alger, David Pearce, a été convoqué par le ministre pour lui signifier que les mesures de contrôle imposées aux Algériens ne sont pas acceptables. Les Etats-Unis ont décidé d’effectuer des contrôles spécifiques aux Algériens à leur entrée sur le territoire américain ou lorsqu’ils s’apprêtent à le quitter. Ce pays n’est pas le seul à instituer des conditions drastiques pour l’accès des citoyens sur son territoire. Il n’a d’ailleurs fait que suivre l’exemple de la France. (...) En tout cas, les positions de ces deux partenaires de l’Algérie sont très curieuses. Leurs services de sécurité reçoivent régulièrement des informations sur la situation en Algérie. Récemment encore, le ministre des Affaires étrangères se trouvait aux Etats-Unis pour rencontrer, entre autres, des responsables de la sécurité..Or, voilà que son aura dans le concert des nations vient d’être remise en cause par un événement auquel elle n’est liée, ni de près ni de loin. Inscrire le pays sur la liste rouge revient à dire, ni plus ni moins, qu’elle continue d’être l’antre des terroristes, voire d’Al Qaîda. (...) Tout porte à croire que la France et les Etats-Unis pensent que l’Algérie a de fortes chances de figurer parmi les plates-formes utilisées par les terroristes afin de coordonner leurs actions»(3)
Ceci dit, comment cela se traduira-t-il pour ces passagers à risques que nous sommes? Nous allons être «scannerisés». Ces images du scanner, qu’on le veuille ou pas, nous font perdre notre dignité c’est un peu des scénarios de type scandale Abou Ghraib. Le recours au scanner n’est pas une nouveauté ; déjà en 2008, l’Union européenne s’interrogeait sur son utilité et sur sa nécessité au regard des problèmes éthiques qu’il pose. L’installation de scanners corporels dans les aéroports, comme aux Etats-Unis, divise les responsables européens, partagés entre la nécessité de lutter contre le terrorisme et la crainte d’être accusés de «voyeurisme». Le sujet a été discuté à Luxembourg à l’initiative du ministre allemand de l’Interieur, Wolfgang Schäuble, opposé à cette initiative, contrairement à son homologue française, Michèle Alliot-Marie, dont le pays assure la présidence semestrielle de l’UE. Le ministre allemand a parlé de la «dignité» des passagers, dévêtus par ces scanners chargés de détecter les armes et les explosifs indécelables par les détecteurs actuels. «Ces appareils permettent de voir jusqu’aux parties intimes, s’est indigné l’eurodéputé social-démocrate bavarois Wolfgang Kreissl-Dörfler».(4)
En 2010, on n’en est plus là ! Certains pays européens, comme le Royaume-Uni, annoncent l’installation des scanners. La présidence espagnole de l’UE a plaidé en faveur d’une position commune sur l’usage des scanners corporels dans les aéroports après l’attentat manqué de Noël sur un vol Amsterdam-Detroit. (...)Selon une source diplomatique, les Américains, qui ont envoyé des demandes de contrôles supplémentaires aux gouvernements européens, ont souligné jeudi «que la menace terroriste était élevée». Le ministre espagnol a parlé des scanners corporels comme d’une «option en dernier recours». Les images rendues par ces scanners sont saisissantes de réalisme, montrant, à peu de chose près, la silhouette des passagers mise à nu, en noir et blanc, ce qui inquiète les associations de protection de la vie privée.(5)
Maâmar Farah résume assez bien notre situation. Ecoutons-le : Des lecteurs me demandent des précisions sur les fameux scanners corporels. Comment répondre sans les choquer? A un moment, j’ai pensé carrément publier les photos que l’on pourra voir à travers ces appareils. Ils ne laissent aucun détail de l’anatomie des voyageurs contrôlés. (...) Chez nous, c’est le silence total comme si l’affaire ne concernait pas du tout les Algériens, pourtant clairement, cités parmi les ressortissants des 14 pays de la liste de la honte ! (...) C’est inquiétant ! C’est à croire que le pays n’est habité que par des binationaux qui savent que l’autre passeport est le sésame qui leur ouvrira les portes de la dignité dans des aéroports qui ressemblent, de plus en plus, aux sinistres camps de concentration !(6)
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