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Alger la Blanche voit la vie en gris

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  • Alger la Blanche voit la vie en gris

    La perspective d'un troisième mandat du président Bouteflika, qui sera sans aucun doute réélu lors du scrutin d'aujourd'hui, est vécue par les Algérois comme un véritable déni d'avenir. Malgré un dynamisme économique bien visible, l'enfermement, le repli sur soi, l'islamisation rampante minent une société résignée, mais qui s'accroche au moindre espace de liberté.

    Daniel bastien (Les echos)

    09/04/09

    La campagne électorale aura été courte, mais obsédante : à Alger, le visage d'Abdelaziz Bouteflika est omniprésent, jusqu'au vertige. Banderoles, calicots, " vélos-sandwichs ", auvents des fleuristes près de la Grande Poste, écrans plasma de l'aéroport, portraits géants sur les toits des banlieues et affiches sauvages dégoulinant de colle fraîche sur tous les murs de la ville répètent à l'infini le visage de l'actuel et - assurément - futur président (lire également page 8). Sécurité oblige, la police est partout. Cette débauche publicitaire destinée à gagner quelques points de participation au scrutin d'aujourd'hui provoque surtout l'écoeurement : " C'est du jamais-vu à ce niveau, et très provoquant au regard de notre tradition ", note un politologue. Les unes des journaux fustigent ces dépenses inutiles pour un scrutin gagné d'avance et le mot " abstention " est sur toutes les lèvres. " On s'exprime en ne votant pas ", expliquent des étudiants. L'ouverture de la fin des années 1980 a fait long feu et " même si on est dans une super situation financière pour décoller, rien ne se passe. L'Algérie, c'est un échec répété ", résume un banquier. Rongés par l'absence de perspectives, tous rêvent d'un " Obama algérien " et ont ressenti l'annonce d'un troisième mandat de Bouteflika " comme un coup de massue sur la tête ", un déni d'avenir. 70 % de l'Algérie a moins de trente ans : " Ici, on est une masse de jeunes dirigée par des vieux ! Pour eux, on n'existe pas, on ne nous demande jamais notre avis ", soupire Amine Larage, rapeur engagé et acteur de série TV aux allures d'adolescent.

    Douloureuse fracture sociale

    Blanche et bleue, Alger, à laquelle les frères corsaires Barberousse ont donné une place centrale en Afrique du Nord dès le milieu du XVIe siècle, reste une ville magnifique. Un amphithéâtre naturel, dont les architectures arabo-ottomanes et coloniales suivent harmonieusement les courbes de niveau verdoyantes, et une métropole vibrante, populaire et truffée d'influences multiples au ras des flots, dans les quartiers de légende de la casbah ou de Bab-el-Oued. Mais les années noires du terrorisme comme le récent boom pétrolier l'ont transformée. Fatigue, ennui et résignation y jouent partout une petite musique lancinante. En Algérie, on appelle ça " la malvie ".

    Et pourtant, à première vue, Alger témoigne d'un dynamisme débridé. La ville déborde au-delà des collines environnantes en un chaos de chantiers. Aéroport, trains de banlieue, tunnels, deuxième rocade, buildings rutilants, zones industrielles ou commerciales, logements, " cyberpark "... Un vrai lifting est en cours. Si la décennie de terreur a fait fuir des milliers de cadres et d'intellectuels, elle a poussé les campagnes vers une ville conçue pour 450.000 habitants et qui en compte aujourd'hui 3 millions, plus 1 million de personnes en transit chaque jour. Fruit de la libération du crédit, le parc automobile a explosé et la congestion de la capitale dépasse l'entendement. Une société nouvelle de nouveaux riches style Europe de l'Est, une jeunesse dorée, mais aussi de jeunes entrepreneurs l'ont investie, à l'origine de nouveaux quartiers à l'image de Sidi Yahia et sa fameuse " 5e Avenue ", et de lieux de loisirs new-look. Les clubs de gym ont pignon sur rue et la consommation impose sa loi. En cette veille d'élection, 27 navires patientent dans la baie avant de pouvoir décharger des importations passées de 7 à 40 milliards de dollars entre 2000 et 2008. " Avant, les émigrés apportaient avec eux des choses car on manquait de tout. Maintenant, ce sont eux qui s'approvisionnent ici ", s'amuse un jeune peintre.

    Mais la médaille à son revers. Les " rurbains " - ces ruraux venus à la ville -, la nomenklatura et l'afflux de sociétés étrangères ont enflammé la spéculation immobilière. Un bureau moderne est aussi cher qu'à la Défense, une villa " moyenne " coûte l'équivalent de 5.000 euros par mois... à condition de payer un an de loyer d'avance. Et les fractures sociales se creusent douloureusement. " Pour cette ville de classes moyennes, la vie est devenue très chère et difficile ", estime Mohamed Benguerna, directeur du Cread (Centre de recherche en économie appliquée pour le développement). Les " hittistes ", ces fameux " teneurs de murs " désoeuvrés, sont toujours sans emploi. Du fait des pénuries, les prix de l'alimentation sont exorbitants. Le kilo de boeuf coûte 10 euros quand le SMIC est à 120 euros. " On est passé de la viande aux laitages, puis aux légumes. On est végétarien par obligation. Ici, l'économie parallèle règne car il faut truquer pour vivre ", explique un journaliste.

    Murs et palissades

    Plus grave, la vie est devenue plus grise dans cette société à la tradition de partage. " Avec les années noires du terrorisme, les gens se sont repliés sur eux-mêmes, ils restent chez eux ", souligne Radia Abed, PDG de la filiale de Hachette. On se méfie encore de ses voisins. La réconciliation nationale et l'amnistie " ont cassé les normes : désormais, des familles doivent cohabiter avec leurs assassins ", rappelle une sociologue algérienne. Une parabole tournée vers les chaînes françaises, une autre vers celles du Moyen-Orient, on passe donc son temps devant la télévision.

    L'habitat est révélateur de ce fameux " enfermement " dont tout le monde parle. " On a tellement construit de murs et de palissades autour des maisons pour se protéger que les rues d'Alger ressemblent à des couloirs ", ironise Malika Laichour- Romane, réalisatrice de cinéma. Le style du million de logements construit par l'Etat a visiblement subi cette influence : la traditionnelle terrasse a disparu... Même les étudiants disent souffrir de cet individualisme. " La réussite individuelle est considérée comme la solution. Elle n'est plus collective ", confirme Abdelhak Lamiri, président de l'Institut international de management d'Alger.

    Stigmatisée à l'envi, " l'islamisation rampante de la société, de la police et de l'armée " n'arrange pas les choses. Les fermetures de bars et de restaurants sous la pression de la religion se multiplient. Les cinémas ont presque tous mis la clef sous la porte, faute d'aide publique. Dans une capitale où 80 % des femmes portent le hijab et où l'on croise toujours plus de " barbus " habillés à l'afghane, on peut être condamné pour avoir mangé un sandwich dans un square en période de Ramadan. " Pas étonnant que les plus nantis aillent "respirer" à l'extérieur dès qu'ils le peuvent ! La Tunisie compte aujourd'hui autant de touristes algériens que français ", ironise un intellectuel.

    Projets urbains tués dans l'oeuf

    Les Algérois voient leur ville au pire se dégrader comme La Havane, au mieux se transformer au gré d'initiatives ponctuelles, sans logique ni esthétique. Agglomération-mosaïque de 57 communes, Alger est une ville sans maire. " Il n'y a pas de projet urbain cohérent, car il n'y a pas d'Etat en mesure de le faire ", déplore l'urbaniste Rachid Sidi Boumedienne. La capitale administrative est pourtant à ce point saturée qu'il est depuis longtemps question de la déplacer à Boughzoul, à 170 kilomètres au sud... Les projets de la fin des années 1990 censés lui donner l'aura et l'ouverture urbanistique d'une Marseille ou d'une Barcelone ont été tués dans l'oeuf à l'arrivée de Bouteflika. Résultat : malgré de belles pépites, la passion des Algérois pour leur patrimoine et des projets grandioses, dont la troisième plus grande mosquée au monde (120.000 fidèles et le plus haut minaret), la ville continue bizarrement de tourner le dos à la mer.
    « Great minds discuss ideas; average minds, events; small minds, people. » Eleanor ROOSEVELT

  • #2
    Suite

    " Un formidable potentiel "

    Sans espoir politique et sans illusions économiques, Alger ne boude pas les " plus " de son quotidien : l'inauguration prévue en fin d'année du métro dont la construction a été lancée... il y a trente ans, celle d'un tramway en 2010, la rénovation de ses vieux téléphériques, l'autorisation de créer des écoles privées qui réhabilitent le français et l'ouverture à la rentrée prochaine de sa première université privée. Elle s'accroche aux espaces de liberté créés grâce aux " petits compromis " dont elle a le secret. C'est par exemple Internet, avec une myriade de cybercafés et l'explosion de Facebook, qui permet tous les bouche-à-oreille ; la presse (47 quotidiens nationaux pour une diffusion de 1,5 million d'exemplaires, le plus fort tirage du monde arabe) qui, à travers ses chroniqueurs et ses caricaturistes, joue au chat et à la souris avec le pouvoir ; la radio, où quelques émissions à rebrousse-poil constituent des petites soupapes ; et une scène culturelle jeune en pleine résurrection malgré un manque cruel de lieux et de moyens. Réouverts et véritables références, les centres culturels français sont pris d'assaut. Les librairies, qui sacrifient les jeudis après-midi à des séances de dédicaces très courues, sont devenus " les " lieux de cette convivialité si chère aux Algérois. " On est en plein rattrapage, en pleine ouverture. Aujourd'hui, on s'approprie même sans problème l'héritage français ", relève l'universitaire et journaliste Safir Benali.


    Alger retrouvera-t-elle pour autant un jour son rayonnement international d'antan ? Tout n'est pas perdu, estiment les plus optimistes. Comme le remarque Abdelhak Lamiri à propos de l'Algérie : " On a un formidable potentiel. Tout est une question de libération des rêves et d'organisation des choses. L'assemblage d'atomes de carbone peut donner soit un diamant soit du charbon. On en est encore au charbon... ".

    Les femmes en première ligne

    Hijab. " Elles vont sauver le pays ! " s'enthousiasme Chawki Amari, du quotidien " El Watan ", l'un des chroniqueurs les plus en vue du pays. S'il y a une vraie nouveauté à Alger, ce sont les femmes au travail et bien visibles dans l'espace public. Elles sont désormais au contact direct de la clientèle dans les restaurants, les magasins, les services. " Durant la période noire, elles sont sorties de leur foyer. Depuis, elles sont en négociation permanente avec les hommes ", explique Sherifa Hadjij, de l'université d'Alger. " En portant le hijab, elles coupent court à toute critique, surtout qu'il faut maintenant deux salaires pour faire vivre la maison ! " ajoute un vieil Algérien. Précarisées, les femmes se battent et réussissent. Elles sont majoritaires au lycée et représentent 60 % des diplômés de l'université. " En s'en tenant aux critères que l'on avait définis pour le recrutement de notre staff, on aurait eu 80 % de femmes ! On a donc dû faire des concessions pour prendre des garçons et équilibrer les équipes... ", s'amuse le banquier Rachid Sekak, qui a ouvert la filiale d'HSBC à Alger l'été dernier.
    « Great minds discuss ideas; average minds, events; small minds, people. » Eleanor ROOSEVELT

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    • #3
      La perspective d'un troisième mandat du président Bouteflika, qui sera sans aucun doute réélu lors du scrutin d'aujourd'hui, est vécue par les Algérois comme un véritable déni d'avenir
      .cela est vrai pour l'Algéroi des quartiers pauvres; il ne faut pas généraliser.
      Mr NOUBAT

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      • #4
        Moha

        Alger est la capitale. La situation ne peut pas être meilleure ailleurs. Et je pense que c'est le cas partout.

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