Regards algériens sur la résistance à Ghaza
C’est l’ironie de l’Histoire, on compare l’incomparable
12-02-2009
Par Mohamed Bouhamidi
La Tribune
Explicites ou honteuses, les réactions algériennes à l’agression israélienne contre Ghaza nous renseignent plus sur nos rapports avec notre propre Histoire que sur les enjeux de cette guerre d’extermination. Tout l’échiquier politique et idéologique du pays s’est exprimé avec plus de liberté de ton pour les chroniqueurs et dans les contributions personnelles que dans les positions des partis politiques. Les raisons de cette différence me semblent suffisamment évidentes pour ne pas les citer.
Commençons par les partis au pouvoir. Un mot d’ordre central résume leur position. L’appel à l’unité, présentée comme facteur décisif de la réussite de notre guerre de libération. La prétention de servir de modèle n’est pas seulement un manque de modestie. Nulle révolution, nulle lutte de libération ne ressemble à une autre. Pas sur le plan de la compréhension. Les guerres de libération ont secoué le vingtième siècle bien plus que ne l’ont fait les révolutions sociales. Pour quelques-unes, au moins à Cuba, au Vietnam ou en Chine, les résultats de ces guerres se sont révélés tenaces, solides, féconds et ont réussi à changer le rapport de force entre pays dominants et pays colonisés. Toutes furent des guerres populaires. Toutes on consisté à libérer la terre. Toutes ont consisté à chasser l’agresseur. Elles furent toutes des séquences de dissolution de la domination politique des pays coloniaux. A part ces éléments communs qui en expliquent la condition commune, toutes se sont déroulées dans des conditions particulières. Elles sont toutes originales par leurs caractères même si elles ont été, toutes, héroïques. L’aspect de libération nationale ou de libération indigène, à cinq siècles de distance, qui marque les révolutions d’Amérique Latine, vient rajouter des couleurs à cet arc-en-ciel des libérations.
Se prendre pour modèle n’est pas seulement une ineptie, une prétention déplacée face à la tragédie du peuple palestinien. Elle est aussi ignorance de l’histoire réelle de notre guerre de libération et une ingratitude inadmissible. D’abord l’histoire réelle. L’unité des rangs de la guerre de libération a été obtenue par un rapport de force imposé aux autres forces politiques algériennes gagnées à l’idée d’émancipation nationale. Abane Ramdane a été l’acteur de cette unité dès 1956. Mais dès 1956, l’ALN refusa toute idée d’une cohabitation avec les groupes armés du MNA ou du général Bellounis. Il n’a pas été question pour Abane ou pour les dirigeants qui lui ont succédé de les traiter comme des fractions anticoloniales. Désignés comme traîtres, ils ont été traités comme tels. Si nous devions dégager un trait dominant de notre guerre de libération, c’est bien celui de son intransigeance sur un principe juste ou erroné. La seule unité est celle de la résistance. Il n’était pas question de transiger sur la terre ni sur la priorité de la lutte armée. Mohamed Zamoum, dit Si Salah, colonel de la wilaya IV s’est rendu à Paris pour discuter avec le général de Gaulle. Il est revenu au maquis pour reprendre sa place dans le combat et la résistance.
Le conseil de la wilaya IV l’a destitué et condamné à mort ainsi que les deux officiers supérieurs qui l’accompagnaient. Voilà le genre d’unité que notre guerre de libération s’est imposée. A ceux qui parlent d’unité au peuple palestinien sur la base de notre modèle sont-ils conscients des résultats immédiats de notre conception de l’unité ?
On peut trouver des excuses aux officiels des partis au pouvoir. Vu leur âge, ils n’ont pas participé à la guerre de libération et n’en connurent pas son aspect guerre civile. Son côté lutte sans merci contre les goumiers, les harkis, les collabos, les messalistes, les bellounisistes et les composantes de la troisième force. Mais toutes les guerres de libération ont affronté dans le même mouvement les puissances coloniales et leurs relais locaux. Car toutes les dominations ont trouvé des indigènes ou des autochtones pour les soutenir, la domination israélienne comme les autres. Mais il est difficile d’admettre que notre guerre de libération a connu un soutien mondial, matériel et moral. Comment oublier que le Maroc et la Tunisie nous ont ouvert de larges espaces pour nos arrières ? Comment oublier que la Libye nous a offert son territoire pour une grande base logistique et pour le travail du MALG, que la Chine, l’URSS et les pays socialistes nous ont aidés, formé des hommes, que la Syrie et l’Irak nous ont ouvert leurs académies, que l’Inde nous a puissamment soutenus ? Quels rapports avec la situation de Ghaza, encerclée de toutes parts, sans aucune issue, aucune ouverture, prison à ciel ouvert et ouverte aux seuls bombardiers d’Israël semeurs de fer et de feu ? A voir les conditions da la résistance palestinienne, nos dirigeants devraient mesurer, aujourd’hui, combien nous fut précieuse cette aide internationale et combien nous furent précieuses les frontières de nos voisins et les remercier. Les remercier tous, mais remercier particulièrement nos voisins. Et nous dire que pire que les conditions de l’Indochine, du Vietnam, de l’Afrique du Sud, de Cuba, de notre pays est la condition des Palestiniens. L’humilité aurait été de mise.
C’est l’ironie de l’Histoire, on compare l’incomparable
12-02-2009
Par Mohamed Bouhamidi
La Tribune
Explicites ou honteuses, les réactions algériennes à l’agression israélienne contre Ghaza nous renseignent plus sur nos rapports avec notre propre Histoire que sur les enjeux de cette guerre d’extermination. Tout l’échiquier politique et idéologique du pays s’est exprimé avec plus de liberté de ton pour les chroniqueurs et dans les contributions personnelles que dans les positions des partis politiques. Les raisons de cette différence me semblent suffisamment évidentes pour ne pas les citer.
Commençons par les partis au pouvoir. Un mot d’ordre central résume leur position. L’appel à l’unité, présentée comme facteur décisif de la réussite de notre guerre de libération. La prétention de servir de modèle n’est pas seulement un manque de modestie. Nulle révolution, nulle lutte de libération ne ressemble à une autre. Pas sur le plan de la compréhension. Les guerres de libération ont secoué le vingtième siècle bien plus que ne l’ont fait les révolutions sociales. Pour quelques-unes, au moins à Cuba, au Vietnam ou en Chine, les résultats de ces guerres se sont révélés tenaces, solides, féconds et ont réussi à changer le rapport de force entre pays dominants et pays colonisés. Toutes furent des guerres populaires. Toutes on consisté à libérer la terre. Toutes ont consisté à chasser l’agresseur. Elles furent toutes des séquences de dissolution de la domination politique des pays coloniaux. A part ces éléments communs qui en expliquent la condition commune, toutes se sont déroulées dans des conditions particulières. Elles sont toutes originales par leurs caractères même si elles ont été, toutes, héroïques. L’aspect de libération nationale ou de libération indigène, à cinq siècles de distance, qui marque les révolutions d’Amérique Latine, vient rajouter des couleurs à cet arc-en-ciel des libérations.
Se prendre pour modèle n’est pas seulement une ineptie, une prétention déplacée face à la tragédie du peuple palestinien. Elle est aussi ignorance de l’histoire réelle de notre guerre de libération et une ingratitude inadmissible. D’abord l’histoire réelle. L’unité des rangs de la guerre de libération a été obtenue par un rapport de force imposé aux autres forces politiques algériennes gagnées à l’idée d’émancipation nationale. Abane Ramdane a été l’acteur de cette unité dès 1956. Mais dès 1956, l’ALN refusa toute idée d’une cohabitation avec les groupes armés du MNA ou du général Bellounis. Il n’a pas été question pour Abane ou pour les dirigeants qui lui ont succédé de les traiter comme des fractions anticoloniales. Désignés comme traîtres, ils ont été traités comme tels. Si nous devions dégager un trait dominant de notre guerre de libération, c’est bien celui de son intransigeance sur un principe juste ou erroné. La seule unité est celle de la résistance. Il n’était pas question de transiger sur la terre ni sur la priorité de la lutte armée. Mohamed Zamoum, dit Si Salah, colonel de la wilaya IV s’est rendu à Paris pour discuter avec le général de Gaulle. Il est revenu au maquis pour reprendre sa place dans le combat et la résistance.
Le conseil de la wilaya IV l’a destitué et condamné à mort ainsi que les deux officiers supérieurs qui l’accompagnaient. Voilà le genre d’unité que notre guerre de libération s’est imposée. A ceux qui parlent d’unité au peuple palestinien sur la base de notre modèle sont-ils conscients des résultats immédiats de notre conception de l’unité ?
On peut trouver des excuses aux officiels des partis au pouvoir. Vu leur âge, ils n’ont pas participé à la guerre de libération et n’en connurent pas son aspect guerre civile. Son côté lutte sans merci contre les goumiers, les harkis, les collabos, les messalistes, les bellounisistes et les composantes de la troisième force. Mais toutes les guerres de libération ont affronté dans le même mouvement les puissances coloniales et leurs relais locaux. Car toutes les dominations ont trouvé des indigènes ou des autochtones pour les soutenir, la domination israélienne comme les autres. Mais il est difficile d’admettre que notre guerre de libération a connu un soutien mondial, matériel et moral. Comment oublier que le Maroc et la Tunisie nous ont ouvert de larges espaces pour nos arrières ? Comment oublier que la Libye nous a offert son territoire pour une grande base logistique et pour le travail du MALG, que la Chine, l’URSS et les pays socialistes nous ont aidés, formé des hommes, que la Syrie et l’Irak nous ont ouvert leurs académies, que l’Inde nous a puissamment soutenus ? Quels rapports avec la situation de Ghaza, encerclée de toutes parts, sans aucune issue, aucune ouverture, prison à ciel ouvert et ouverte aux seuls bombardiers d’Israël semeurs de fer et de feu ? A voir les conditions da la résistance palestinienne, nos dirigeants devraient mesurer, aujourd’hui, combien nous fut précieuse cette aide internationale et combien nous furent précieuses les frontières de nos voisins et les remercier. Les remercier tous, mais remercier particulièrement nos voisins. Et nous dire que pire que les conditions de l’Indochine, du Vietnam, de l’Afrique du Sud, de Cuba, de notre pays est la condition des Palestiniens. L’humilité aurait été de mise.
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