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Yazid Zerhouni

vendredi 19 mars 2004, par Hassiba

L’actuel ministre de l’Intérieur Yazid Zerhouni a beau être le plus réservé des compagnons de Bouteflika, il restera celui qui, paradoxalement, lui a coûté sa première grande brouille avec les généraux de l’ANP.

C’était, dit-on, à l’occasion de la formation du premier gouvernement de Bouteflika, et Yazid Zerhouni était, fort hardiment, proposé au poste de secrétaire général du ministère de la Défense. La bravade, comme prévu, ne fut pas du goût des militaires qui, raconte-t-on, opposèrent immédiatement un niet catégorique à l’origine d’une crise politique en demi-teinte, marquée, entre autres, par le loufoque épisode de la dépêche de l’agence Reuters.

Et c’est ainsi que l’opinion nationale fit connaissance avec Yazid Zerhouni : dans le fracas d’un mini-scandale assez maladroitement étouffé. Pouvait-il en être autrement avec cet homme qui a toujours cultivé le mystère, suscité la crainte et la méfiance, entretenant avec brio ce binôme curiosité-attraction qui a fait la légende des hommes du renseignement ? Car Yazid Zerhouni est l’un des derniers fondateurs des services secrets algériens encore en vie, un homme qui, depuis Abdelhafid Boussouf à Kasdi Merbah, a voué son existence aux renseignements et au contre-espionnage, donc susceptible de connaître trop de choses sur ses congénères et disposant de cette forte légitimité que procure la redoutable érudition sur le petit monde de la politique et des affaires. C’est qu’à vingt ans déjà le jeune Noureddine - son vrai prénom - réussissait à se faire recruter dans le fameux Ministère de l’armement et des liaisons générales (MALG), le service de renseignements de l’ALN, dirigé par Boussouf, et où il se fit progressivement remarquer par ses prédispositions intellectuelles.

Son efficacité fit de lui, dès l’indépendance, une personnalité incontournable du contre-espionnage et un des principaux responsables, dès 1962, des " services opérationnels " de la nouvelle Sécurité militaire, héritière du MALG. Son crédit s’épanouit sous le règne de Houari Boumediène qui le désigna dès 1972 à la tête de la plus délicate direction des services secrets, celle des Analyses et de la Documentation, une tâche qu’il n’eut pas l’occasion d’achever car il se vit confier par le même Boumediène, au milieu des années 70, la fonction de collaborateur direct de Kasdi Merbah, alors tout-puissant patron du renseignement algérien. Yazid Zerhouni s’imposa alors comme le numéro deux des services secrets dont il contribua à asseoir la réputation et l’efficacité. La mort de Boumediène, en 1978, le surprit en pleine réorganisation des services de renseignements et le révéla comme l’un des hommes gênants qu’il était du devoir du nouveau régime d’écarter. Pour des considérations tactiques, le Président Chadli préféra l’épargner dans un premier temps, optant pour l’urgence : évincer au préalable l’imposant Kasdi Merbah. Après que ce dernier fut prié, dès 1979, d’abandonner les commandes de la Sécurité militaire, le chef de l’Etat se trouva subitement confronté à l’épineuse obligation de lui trouver un successeur.

A défaut d’alternative viable et immédiate dans son entourage, Chadli Bendjedid se rabattit sur la seule personnalité compétente capable de gérer l’institution : Yazid Zerhouni. Durant près de trois ans, dans une Algérie qui se déboumediénisait laborieusement, l’actuel ministre de l’Intérieur supervisa les différents appareils de la Sécurité militaire jusqu’à ce que Lakehal Ayat le remplace en 1982. Commença alors pour l’homme du renseignement une nouvelle et longue carrière de diplomate. Soucieux de le tenir à distance, Chadli prit soin de l’affecter à des ambassades de continents soigneusement éloignés.
On retrouva Yazid Zerhouni, dès 1982, à Washington, à Panama, à Tokyo et, surtout, au Mexique où il occupa brillamment le poste d’ambassadeur d’Algérie, se faisant même décorer de l’Ordre aztèque par les autorités mexicaines pour la qualité du travail qu’il a effectué dans ce lointain mais stratégique pays de l’Amérique centrale.

La candidature de Bouteflika à la magistrature suprême lui fournit l’occasion de renouer avec la politique interne. Zerhouni partage au moins deux facteurs d’amitié avec le chef de l’Etat : ils sont nés tous les deux au Maroc et se revendiquent comme deux boumediénistes fidèles injustement forcés à l’exil par le régime de Chadli. S’y ajoute, bien sûr, une sympathie forgée depuis les années de la guerre de Libération. Les deux hommes n’ont cessé de se voir et c’est tout naturellement que Yazid Zerhouni se vit charger par Bouteflika de l’impérieuse mission de réussir sa première épreuve de chef d’Etat : l’organisation du sommet de l’OUA. Zerhouni en planifia tous les détails, donnant à Bouteflika l’occasion de planer sur une manifestation politique majeure et savamment orchestrée. Il venait de signer son grand retour.

Zerhouni a replongé, depuis, dans le silence. Certains le disent malade. D’autres, contrarié par la politique de son chef. Mais qui peut donc encore prétendre connaître quoi que ce soit sur Yazid Zerhouni ?

S.K., Le Matin,