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Un nouveau code de conduite pour la police en Algérie

samedi 29 janvier 2005, par Hassiba

5 000 cadres de la police viennent d’être destinataires d’un code de conduite inspiré de la Charte du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme. « Les normes relatives aux droits de l’Homme et leur application pratique », tel est l’intitulé de ce document d’environ une centaine de pages.

« Dorénavant, les cadres policiers doivent s’inspirer de ce texte dans l’exercice de leur fonction. C’est une sorte de référence de travail dans l’accomplissement de leur mission », nous explique-t-on. A la question de savoir pourquoi la distribution de ce livret s’est limitée aux cadres, on nous répond que « c’est à eux que revient la tâche de mener des interrogatoires ou des inspections [...] ».

De sévères sanctions sont prévues en cas de violation des règlements relatifs à la légalité des pratiques d’enquête et de collecte de renseignements. En cas d’enquêtes justement, de perquisitions, d’interception de correspondances et d’écoute de communications, d’audition des suspects, il est notamment recommandé de ne pas recourir à une perquisition sans mandat : « Une perquisition sans mandat doit être un fait exceptionnel et exécuté seulement lorsqu’il existe des motifs sérieux d’y recourir [...]. »Dans le cadre de l’enquête, « aucune mesure arbitraire ou excessivement indiscrète ne doit être autorisée ». Le cadre est tenu de « se souvenir que l’obéissance à des ordres de supérieurs ne peut être invoquée pour justifier des violations graves des droits de l’Homme telles que des exécutions extrajudiciaires et des actes de torture ».

On peut lire également dans le document, dont on a pu avoir une copie, qu’aucun « membre de la police ne peut recevoir l’ordre ou être contraint d’exercer ses fonctions ou ses pouvoirs ou d’utiliser les ressources de la police pour promouvoir ou affaiblir un parti politique ou un groupe d’intérêt ou un membre de ce parti ou de ce groupe ». Ceux qui refusent d’exécuter des ordres illégaux seront, promet-on, mis à l’abri de poursuites et de sanctions disciplinaires. Pour ce qui est de l’arrestation, « la détention en attente du jugement est l’exception et non la règle. Chaque arrestation doit faire l’objet d’un procès-verbal où seront consignés : le motif de l’arrestation, le moment de l’arrestation, l’heure de transfert de la personne arrêtée dans un lieu de détention, l’heure de la comparution devant une autorité judiciaire, l’identité des responsables de l’application des lois concernées, des indications précises quant au lieu de détention et des détails sur l’interrogatoire ». Tous ces renseignements doivent être communiqués à l’accusé et son défenseur.Pour ce qui est de la responsabilité en cas d’usage de la force ou des armes à feu, « les supérieurs hiérarchiques doivent être tenus pour responsables si, connaissant ou étant censés connaître les agissements illégaux des fonctionnaires de police placés sous leurs ordres, ils n’ont pas pris des mesures concrètes ». Le document réglemente également l’intervention de la police dans des situations de troubles civils, état d’exception et conflits armés.

Il est préconisé de ne recourir à la force qu’en cas de stricte nécessité, de ne pas inutilement restreindre le droit à la liberté d’expression, de réunion ou de circulation, d’éviter des tactiques provocatrices et de « faire preuve de tolérance envers les rassemblements illégaux mais pacifiques et ne présentant pas de caractère menaçant, afin de ne pas provoquer inutilement une escalade ». Toujours concernant les rassemblements et les manifestations, les policiers sont tenus d’établir des contacts avec les manifestants et leurs porte-parole et s’il s’avère nécessaire, de disperser la foule en laissant un couloir de fuite « bien visible et dégagé ». Enfin, s’agissant des interrogatoires, les pressions physiques ou mentales pour soutirer des informations ne seront plus tolérées. En outre, ne seront pas prises en compte des affaires basées seulement sur des aveux car, précise-t-on, le « but de l’enquête est de réunir des éléments de preuves indépendants ».

Ces consignes sont données quelques jours après l’opération de destruction, à l’Ecole de la police criminelle de Saoula, de dossiers de cadres victimes d’accusations non fondées et d’enquêtes politiques légères. Le directeur général de la Sûreté nationale a promis, dans un récent entretien, que de tels dérapages ne se produiront plus. « Tous les moyens techniques et technologiques seront désormais réunis pour apporter des preuves [documents de la justice, traçabilité de l’information recherchée] capables d’éviter des erreurs préjudiciables », assure Ali Tounsi. Pour lui, « la formation de cadres spécialisés dans le renseignement est une opération extrêmement délicate à mener, qui doit bien cibler les personnes dans la mesure où on ne peut pas mettre n’importe qui à de telles responsabilités. »

Pourvu que ces instructions soient suivies d’une application stricte, de mesures de sanctions en cas de violation de ce code de conduite, pour que cette volonté de moraliser la profession de policier ne reste pas au stade de lettre morte.

Par Nissa Hammadi, La Tribune