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Un historique de la situation foncière en Algérie
mardi 12 octobre 2004, par
C’est l’administration coloniale qui entreprend de constituer la propriété privée telle que l’établissait le droit français en faisant table rase de ce qui existait alors.
Deux grandes lois célèbres marquent l’histoire foncière de l’Algérie.
Dans un premier temps, le sénatus-consulte du 22 avril 1863, par lequel les tribus de l’Algérie sont déclarées propriétaires des territoires dont elles ont la jouissance.
La loi du 28 avril 1887 prolonge le sénatus-consulte en procédant à la délimitation des tribus, à la formation des douars et au classement des terres selon la nature de leur propriété. Se définissent alors les statuts, catégories de droit qui régissent aujourd’hui les biens fonciers, domaine de l’Etat, biens communaux, biens collectifs, propriétés privées. Pour ce qui concerne les parcours en particulier, toutes les parties boisées sont rattachées au domaine de l’Etat, avec un droit d’usage limité pour les populations riveraines.
La loi Warnier 1873 : après la mort de Napoléon III, les colons ont fait pression pour la privatisation des terres et l’ouverture du marché foncier. En un peu plus d’un siècle, la colonisation n’a pu achever la réalisation du schéma foncier qu’elle avait envisagé pour constituer la propriété privée. Les trois cinquièmes des terres n’avaient pu être immatriculés. Les procédures coûteuses pour établir la propriété avaient surtout profité aux Européens et à ceux qui étaient proches de l’administration coloniale capables de payer les frais d’enquête. Les colons se taillèrent la part du lion : 2 730 000 ha, 27% de la SAU du pays (surface agricole utile). Les grands propriétaires algériens, 5499 propriétaires (1,3% de l’effectif des propriétaires) ont accaparé 1 685 756 ha, soit 23% des terres indigènes. Nous savons que la majorité, constituée de petits paysans et d’ouvriers agricoles misérables soumis à des disettes fréquentes, vivait dans un extrême dénuement.
La nationalisation des terres des colons en 1963 a fait retour à la collectivité nationale. Un siècle après le sénatus-consulte, des 2 730 000 ha auxquels sont venus s’ajouter la même année les terres nationalisées de quelques grands propriétaires algériens latifundiaire (180 000 ha).
Le droit de cultiver
L’impact foncier de la réforme agraire sur la propriété privée fut des plus modestes. 400 000 ha furent expropriés sur les 5 500 000 ha détenus en propriété privée, soit 7,2% les plus grands efforts au Fonds national de réforme agricole et celui des collectivités territoriales (600 000 ha). La loi d’orientation foncière (1990) annule la loi de réforme agraire de 1971 et restitue les 400 000 ha à leurs propriétaires. Au total, la surface des terres publiques est de 3 400 000 ha. La loi d’orientation foncière de 1987 sur le domaine public instituait un droit individuel d’exploitation cessible et transmissible au profit des salariés des exploitations agricoles d’Etat. Il s’agit non d’un droit de propriété, mais d’un droit de cultiver. Les attributaires de ce droit d’exploitation doivent exploiter en commun sur les terres qui leur sont affectées. Ce sont ainsi constitués sur les ex-domaines de l’Etat des exploitations agricoles collectives indivisées (EAC-170 277 ha sur 1 910 109 ha) et 17 632 exploitations agricoles individuelles (EAI) sur 222 246 ha. Soit au total 2 132 335 ha, 166 234 ha ayant été affectés au fermes pilotes d’Etat. La loi de 1990 de restitution des terres a totalement ignoré les droits acquis des attributaires à qui elle avait concédé des droits. Depuis 1987, 16 ans après, le conseil de la wilaya de Tiaret se réunit encore pour la délivrance des titres reconnaissant le droit d’exploiter sur les terres publiques.
Chaque année, des dizaines de milliers d’hectares sont réquisitionnés à des fins d’urbanisation, sans indemnisation. Les exploitants attributaires des droits d’exploitation, la paysannerie pauvre et les ouvriers agricoles ont perdu tout soutien politique. Se repose la question du statut et de la destination des terres du domaine privé de l’Etat. Le recensement agricole de 2001 donne 2 541 876 ha pour le domaine privé de l’Etat (30,05% des 8 458 680 ha de SAU), quelque 600 000 ha ont été sous-traités, sans doute livrés à l’urbanisation sauvage du domaine privé de l’Etat.
La dégradation des structures foncières
Le démembrement de la grande exploitation est le fait le plus marquant de l’évolution des structures foncières de ces quinze dernières années. A la fin des années 1970, les grandes exploitations de plus de 100 ha couvraient encore 42% de la SAU (3 252 680 ha). En 2001, la grande exploitation ne concerne plus que 11,7% de la SAU (990 825 ha). Si la grande exploitation est en voie de disparition, le nombre de très petites et petites exploitations a fortement progressé. Il passe de 437 000 en 1961 à 716 975 ha. Les superficies cultivées par ces exploitations passent de 18,7% de la SAU à 25,5%. La taille moyenne régressant de 4,74 ha à 3 ha. Elles sont donc plus nombreuses et plus petites. La superficie moyenne des 1 023 000 exploitations, un accroissement de plus de 60% de 1960 à 2001, est passée de 11,9 ha à 8,26 ha. Tout indique, il est clair, qu’une telle structure ne favorise pas la modernisation d’exploitation et l’investissement. Il n’y a plus assez de terres pour employer et nourrir ceux, toujours plus nombreux, qui sont en surnombre sur les exploitations.
Aït Amara, El Watan